La Haftara de cette semaine est issue du deuxième livre de Samuel. Ce dernier s’ouvre sur la recomposition politique du Royaume d’Israël après la mort de Chaoul et de son fils Yonathan. La transition ne se fait pas sans difficulté.
En effet, les fidèles lieutenants de Chaoul refusent de rallier David et décident de désigner un fils de Chaoul, Ich Bochèt, comme successeur de son père. De son côté, la tribu de Yéhouda se rallie à David et le désigne comme roi à ‘Hévron. Toutefois, les héritiers de Chaoul ne parviennent pas à résoudre les dissensions internes à leur camp et progressivement, son camp se délite.
Avner, le général emblématique de Chaoul, finit par rejoindre le roi David, mais il est assassiné par Yoav, le chef d’état-major de David, vengeant ainsi son frère Assael qui avait été tué par Avner. Ich Bochèt est également assassiné et finalement, le règne de David est reconnu par l’ensemble des tribus d’Israël.
Fort de cette reconnaissance de l’ensemble des tribus, David affermit sa royauté et part à la conquête de Jérusalem, désormais nommée également « Cité de David ». Le roi David s’y installe et y fait bâtir un grand palais.
Notre Haftara intervient dans ce contexte et nous rapporte la décision du roi David de transférer l’Arche sainte à Jérusalem. Durant ce transfert, de grandes manifestations de joie sont organisées le long du chemin qui séparait Kiryat Yéarim (Baala dans notre texte) de Jérusalem. Toutefois, un incident dramatique se produit lors de ce transfert. En effet, Ouzza, voyant le convoi de l’Arche sainte chanceler, met sa main pour éviter que l’Arche ne tombe. Or, cette crainte d’Ouzza était injustifiée tant l’Arche était sainte et miraculeuse ; il fut puni et mourut immédiatement. David s’affligea de cet évènement, comprenant qu’il avait dû commettre une erreur dans le déplacement de l’Arche. Il décida de ne pas l’amener immédiatement à Jérusalem et ordonna de la placer chez Oved-Edom, un fidèle serviteur de D.ieu.
La présence de l’Arche amena une grande bénédiction sur toute la maison de Oved-Edom, et David, au bout de trois mois, décida de la transférer à Jérusalem de manière définitive. Il organisa à nouveau de grandes manifestations de joie durant ce transfert et participa lui-même à la fête de toutes ses forces, si bien que son épouse Mikhal jugea un tel comportement inapproprié pour un roi. Cette humilité fut toutefois portée au crédit du roi David qui plaçait l’honneur de la Torah par-dessus tout.
Liens entre la Haftara et la Paracha
La Paracha et la Haftara de cette semaine évoquent toutes deux des cérémonies d’inauguration : celle du Michkan pour la première, et le transfert de l’Arche sainte pour la Haftara. Or, ces deux évènements extrêmement joyeux et solennels vont être affectés par des incidents tragiques : la mort de Nadav et Avihou dans la Paracha, et celle d’Ouzza dans la Haftara.
Ces tragédies sont toutes deux liées à une erreur d’appréciation de la part de ces Justes qui n’ont pas su conserver la bonne distance vis-à-vis de la sainteté du Sanctuaire ou de l’Arche. Leurs sanctions rapides et sans appel témoignent de la grande exigence avec laquelle les Justes sont jugés. Elles nous rappellent également l’importance de respecter à la lettre les prescriptions relatives au sacré, et de se méfier de toute légèreté dans ce domaine pouvant aboutir, D.ieu nous en préserve, à des situations de profanation du Nom de D.ieu.
Enfin, nous pouvons remarquer également que ces deux évènements vont donner lieu à des interprétations erronées de la part du peuple, voyant dans les Kétorèt l’origine de l’erreur de Nadav et Avihou, ou dans l’Arche, la source des tragédies. Or, la Torah évoque, dans la section de Kora’h, les bienfaits de la Kétorèt qui mirent fin à une épidémie mortelle au sein du peuple, tandis que la Haftara évoque un peu plus loin la bénédiction apportée par l’Arche sainte à la famille d’Oved-Edom.
L’écho de la Haftara
Les textes de cette semaine, à travers la Haftara et la Paracha, sont porteurs de nombreux enseignements qui gardent une valeur éternelle.
Ils nous indiquent ainsi les risques de glissement et d’interprétations erronées qui peuvent naître dans l’esprit des hommes. En effet, face à une tragédie ou des difficultés, D.ieu nous en préserve, l’homme peut être tenté dans un premier temps d’imputer cela à une cause extérieure, inexplicable, qui le dispense d’une remise en cause personnelle. Il peut ainsi rendre responsable la Kétoret en elle-même de la tragédie vécue par Nadav et Avihou, ou encore considérer la présence de l’Arche sainte comme trop dangereuse.
Toutefois, la superstition n’a pas sa place dans la Torah. Seules les erreurs des hommes sont à l’origine de leurs difficultés et le service fidèle d’Hachem est toujours une source de bénédictions. C’est la démarche qu’a entreprise David pour comprendre l’erreur qu’il avait pu commettre et qui expliquerait le drame qui s’est produit. Il a ainsi consulté les Sages et notamment A’hitofel, qui lui a rappelé qu’il fallait porter l’Arche sur les épaules des Léviim et non sur un chariot.
Par ailleurs, la tragédie vécue par Nadav et Avihou d’une part et Ouzza d’autre part, nous rappelle les barrières indispensables à maintenir face aux choses saintes. La Torah, et nos Sages à la suite, nous enseignent avec beaucoup d’attention les risques d’une familiarité qui pourrait s’instaurer entre les hommes et le « sacré ». Or, précisément en apportant un feu étranger dans le Sanctuaire ou bien en essayant de parer la chute de l’Arche, les acteurs de ces événements semblent avoir laissé leur enthousiasme et leur raison prendre le pas sur les prescriptions divines.
Ils ont en quelque sorte ramené l’infini de la Kédoucha dans les limites de la raison humaine. On peut comprendre l’enthousiasme du peuple, à l’époque de Nadav et Avihou, qui voyait l’œuvre du Michkan agréée par D.ieu à travers le Feu Céleste qui venait consumer les sacrifices, ou encore la joie d’accompagner l’Arche sainte à Jérusalem. Pour autant, cette proximité de la Providence divine oblige les hommes à davantage de recueillement et d’exigence, afin précisément de conserver la révérence et le respect qui sied.
Chacun fait l’expérience au quotidien des dangers de la familiarité qui s’instaure avec les êtres les plus chers et les plus proches, et qui peut parfois nous amener à tenir des propos que nous ne pensons pas, ou bien à négliger de leur témoigner les égards et l’affection que nous sommes si prompts à exprimer à des personnes plus lointaines.
C’est précisément pour éviter cet écueil dans le Service divin que les Sages ont dressé de nombreuses barrières, notamment à travers les règles de pureté et d’impureté, afin de réguler l’exposition de l’homme au sacré. Dans les prières quotidiennes que nous adressons à Hachem, nous pouvons mesurer la difficulté de garder la concentration et l’intensité qui conviennent à une supplique adressée à Hachem.