La paracha Nitsavim rapporte : « La Mitsva que Je t’ordonne aujourd’hui n’est pas cachée, ni loin de toi. Elle n’est pas aux cieux pour que tu dises : "Qui peut monter aux cieux pour nous et la prendre afin que nous l’écoutions et que nous l’accomplissions ?" »
Le Ramban écrit que ce Passouk fait référence à la Mitsva de Téchouva ; la Torah nous informe que la Téchouva n’est pas quelque chose d’inaccessible, au contraire elle est à notre portée, si nous acceptons de faire un petit effort. Rav ’Haïm Chmouléwitz zatsal demande pourquoi si peu de gens font correctement Téchouva, si celle-ci est tellement facile à effectuer. Chacun sait qu’il fait des erreurs alors pourquoi ne pas les reconnaître et se repentir ?
La difficulté – voire l’incapacité – de s’avouer coupable est visible déjà lors de la première faute – et la plus fatale – de l’humanité, dont nous souffrons encore aujourd’hui ; celle d’Adam Harichone. Nous estimons en général que ce qui lui fut reproché était sa désobéissance vis-à-vis des instructions d’Hachem, à savoir de ne pas manger du Fruit. Et nous imaginons que c’est ce qui a entraîné son expulsion du Gan Éden, ainsi que toutes les conséquences négatives qui s’ensuivirent.
Rav Motty Berger chlita souligne, après une analyse plus approfondie, qu’il ne fut pas puni immédiatement après la faute. Hachem entama une discussion avec Adam, lui donnant ainsi une opportunité d’avouer son erreur. Mais, au lieu de profiter de ce « sursis », ce dernier dit : « La femme que Tu m’as associée m’a donné du fruit de l’arbre et j’ai mangé. » Adam refusa de porter la responsabilité de son erreur, la transférant sur ’Hava et même sur Hachem Qui la lui avait donnée comme femme. Hachem se tourna alors vers ’Hava, lui donnant, elle aussi, une chance de se repentir – mais elle déclina l’offre, en disant : « Le serpent m’a dupée et j’ai mangé. » Ce n’est qu’après ces réponses qu’Hachem les punit pour la faute. S’ils avaient assumé leur acte, leur sanction aurait certainement été bien plus légère.
Nous déduisons de cet épisode que la capacité d’admettre ses erreurs fait plus souvent défaut que celle de ne pas fauter ! Nous trébuchons tous à un moment ou à un autre, donc c’est le fait de parvenir – ou pas – à reconnaître la vérité, qui jaugera notre niveau spirituel.
Ce n’est que plusieurs siècles après ce triste début de l’Histoire qu’un homme endossa la responsabilité de ses actions et « rectifia » la faute d’Adam Harichon. La Tossefta raconte : « Pourquoi Yéhouda mérita-t-il la royauté ? Parce qu’il avoua son tort concernant Tamar. » Tamar était sur le pont d’être tuée pour adultère quand elle offrit l’opportunité à Yéhouda d’admettre sa part de responsabilité dans les faits. Il aurait très bien pu rester silencieux et causer la mise à mort de trois âmes – celle de Tamar et celles des jumeaux qui étaient en elle. Or, et ce fut un moment déterminant de l’histoire, il déclara bravement : « Elle a raison, cela vient de moi ! »
Yéhouda est l’ancêtre du Machia’h – ce n’est pas une coïncidence. Nous savons que Machia’h ramènera l’humanité à son état pur, d’avant la faute, rectifiant l’erreur d’Adam et de ’Hava. Or, pour réparer le dommage causé par une faute, il faut corriger la mauvaise Mida manifestée dans ce péché. Comme nous l’avons vu, le défaut principal présent dans la faute d’Adam fut l’incapacité à s’avouer coupable ; donc le succès de Yéhouda à endosser la responsabilité pour ses actions fut la rectification idéale.
Nous vivons dans une société qui esquive la responsabilité – plusieurs personnes (pourtant cultivées) affirment que personne n’est responsable de son comportement. D’après eux, nous n’avons pas de libre arbitre, l’individu que nous devenons est prédestiné en fonction de notre passé, de notre éducation, de la génétique et de la société environnante. Par conséquent, les criminels peuvent facilement être excusés, puisqu’ils n’avaient en réalité pas d’autre choix que d’agir ainsi. Il convient également de tolérer les failles dans nos relations et dans nos Midot, qui sont inévitables.
Le point de vue de la Torah est totalement contre cette approche. Si une personne est assez courageuse pour admettre qu’elle peut mieux faire, alors Hachem l’aidera à y arriver. La Guémara nous parle d’un homme appelé Élazar ben Dourdaya. Il était plongé dans l’immoralité, mais réalisa soudain la bassesse de son attitude. Il essaya d’obtenir le pardon de ses fautes. Il s’assit entre une montagne et une colline et leur demanda d’implorer la miséricorde pour lui, mais elles refusèrent. Il demanda alors au ciel et à la terre qui s’y opposèrent aussi. Il invoqua enfin le soleil et la lune, mais se heurta à leur refus de l’aider.
Rav Issakhar Frand chlita interprète cette Guémara, de façon symbolique. Les différents éléments vers lesquels il se tourna représentent les diverses influences que l’on peut subir dans notre vie ; et Élazar ben Dourdaya tentait de leur imputer la responsabilité de son comportement. La montagne et la colline font allusion aux parents. Il prétexta que c’est son éducation qui le mena vers cette situation, mais elles refusèrent de s’avouer coupables. Il fit alors appel au ciel et à la terre, qui représentent l’environnement et tenta de les blâmer, mais eux aussi se gardèrent d’endosser la responsabilité pour ses fautes. Finalement, il s’adressa au soleil et à la lune qui représentent le Mazal, les penchants naturels et prétendit qu’il lui était impossible de ne pas fauter, du fait de ses inclinations. Mais là aussi, ils n’acceptèrent pas de se rendre coupables de sa conduite. Il dit alors : « Tout ceci dépend de moi ! »
Il réalisa qu’il était le seul responsable de ces Avérot ! Il ne pouvait pas accuser ses parents, la société environnante ou sa nature, il reconnut qu’il avait la possibilité de changer et c’est ce qu’il fit. Il fit alors une Téchouva sincère et son âme regagna les cieux. À ce moment une Bat Kol (vois céleste) annonça : « Rabbi Elazar ben Dourdaya a une part au Olam Haba ». Les commentateurs soulignent que la Voix l’appela « Rabbi », car il est notre Rav en ce qui concerne le repentir – il nous enseigna que la seule façon de faire une vraie Téchouva est d’admettre que l’unique responsabilité pour nos actes pèse sur nous. C’est grâce à cela que nous pouvons espérer faire une Téchouva Chéléma.
