Il est écrit dans la Paracha Ki-Tavo : « Moché fit appel à tout Israël et leur dit : "Vous avez vu tout ce qu’Hachem a fait à vos yeux, dans le pays d’Égypte, à Pharaon, à tous ses serviteurs, à son pays entier ; ces grandes épreuves dont tes yeux furent témoins, ces signes et ces prodiges extraordinaires. Et Hachem ne vous a pas donné un cœur pour savoir, des yeux pour voir, ni des oreilles pour entendre, jusqu’à ce jour." » (Dévarim, 29:1-3)

Rachi explique, sur les mots « Jusqu’à ce jour » : J’ai entendu que ce jour où Moché transmit le Livre de la Torah aux fils de Lévi (comme il est écrit dans la Paracha de Vayélekh : « Il la donna aux Cohanim, les fils de Lévi »), tout Israël vint chez Moché et lui dit : « Moché, notre maître, nous nous sommes également tenus devant le mont Sinaï, et nous avons accepté la Torah, elle nous a été donnée. Pourquoi places-tu ta tribu à la tête, un jour, ils risquent de nous dire : "Elle n’a pas été donnée à vous, elle nous a été donnée" ». Moché se réjouit de cela. C’est à ce sujet qu’il leur dit : « Ce jour-là, vous êtes devenus un peuple » – ce jour-là, j’ai compris que vous adhérez et désirez l’Omniprésent.

À la fin de la Paracha de cette semaine, Moché réalise l’amour profond que le peuple éprouve et témoigne pour la Torah. Rachi explique qu’il confia la Torah aux Léviim, mais le reste du peuple protesta, affirmant que les Léviim risquaient de dire un jour que la Torah n’avait été donnée qu’à eux.

Le rav Moché Feinstein demande comment les Léviim auraient pu prétendre une telle chose, puisque c’est l’ensemble de la nation qui reçut la Torah au mont Sinaï.

Il répond que les Bné Israël n’enviaient pas aux Léviim la possibilité d’observer la Torah, mais plutôt leur statut privilégié et exclusif d’enseignants du Klal Israël : c’est effectivement le rôle que Moché leur attribua lorsqu’il bénit chaque tribu, avant sa mort. « Ils enseigneront Tes lois à Ya'acov et Ta Torah à Israël. » [1]

Cette tâche leur fut assignée parce qu’ils ne reçurent pas de terrain en héritage et ne devaient donc pas travailler la terre. Ils pouvaient consacrer autant de temps et d’efforts que nécessaire à l’étude et à l’enseignement de la Torah. [2]

Mais, le peuple argua qu'en dépit du besoin de travailler, leur priorité resterait la Torah. Certains allaient même mettre de côté leur bien-être matériel et se dévouer totalement à la Torah, comme le fit Rabbi Chim'on Bar Yo’haï. En entendant leur réponse, Moché se réjouit, parce qu’il voulait en réalité que tout le monde fasse son possible pour devenir de grands érudits en Torah et des enseignants au sein du Klal Israël. Il savait bien que cette tâche n’était pas réservée uniquement aux Léviim, mais qu’ils étaient les plus disposés à remplir ce rôle.

Rav Moché Feinstein rapporte ensuite les propos du Rambam qui évoque le même sujet. Ce dernier demande pourquoi les Léviim ne reçurent aucun terrain en héritage en Erets Israël. « C’est parce qu’il [Lévi] fut désigné pour servir Hachem et pour inculquer Ses préceptes justes et Ses lois morales au public… C'est pourquoi il fut détaché de la matérialité de ce monde. » Il poursuit en affirmant que cette noble tâche n’incombe pas seulement aux Léviim. Toute personne qui désire se focaliser sur un travail spirituel peut mériter d’avoir la même vocation que les Léviim. [3]

Tandis que le Rambam se concentre sur l’importance d’un emploi du temps axé entièrement sur le spirituel, rav Moché Feinstein semble dire que celui qui fait de la Rou’haniout (la spiritualité) sa priorité dans la vie peut émuler les Léviim. Même s’il doit passer beaucoup de temps à des activités d’ordre matériel, il peut aspirer à « recevoir » la Torah à l’instar des Léviim. Il va sans dire qu’atteindre un tel niveau n’est pas un mince exploit et que cela demande de gros efforts et de la persévérance.

L’histoire suivante peut nous aider à adopter la bonne attitude quant à notre rôle et à notre but dans la vie.

Le rav de Brisk demanda un jour à un homme : « Que fais-tu ? » Pensant que le rav faisait référence à son métier, l’homme l’en informa. Le rav posa à nouveau la question. L’homme imagina que son interlocuteur avait du mal à entendre et donna la même réponse. Lorsque le rav réitéra sa question une troisième fois, l’homme comprit qu’il ne s’agissait pas d’un trouble de l’audition.

Le rav de Brisk lui expliqua qu’il ne voulait pas savoir quelles étaient ses occupations, mais plutôt ce qu’il en était de ses objectifs, ce pour quoi il vivait. La vraie réponse à cette question se trouve dans les paroles du prophète Yona à qui l’on demanda son métier. Il répondit : « Je suis un Hébreu et je crains Hachem, D.ieu du Ciel, qui créa la mer et la terre ferme. » [4]

Le rav de Brisk nous apprend que l’activité d’une personne a peu d’importance, elle ne représente pas sa raison d’être, son but dans la vie. Son objectif doit être la crainte d’Hachem et l’exécution de Sa volonté. C’est cette aspiration qu’il nous faut pour recevoir la Torah que Moché confia aux Léviim.



[1] Dévarim, 33:10.

[2] Darach Moché, 29:3.

[3] Rambam, Hilkhot Chemita VeYovel, 13:12-13.

[4] Yona, 1:9.