« Et maintenant, écrivez pour vous ce cantique, et enseignez-le aux enfants d’Israël, place-le dans leurs bouches, afin que ce cantique soit pour Moi un témoignage pour les enfants d’Israël. » (Dévarim 31,19)

Hachem enjoint à tout Juif d’écrire son propre Séfer Torah et Il appelle la Torah « cantique » — Chira. Pourquoi est-elle qualifiée ainsi ? Rav Its’hak Hertzog[1] propose une explication ; à propos de tout sujet étudié, l’individu non initié ne prend aucun plaisir à entendre une théorie ou une interprétation (qu’il ne comprend donc pas tout à fait). Par exemple, un physicien sera content d’entendre parler d’une découverte dans son domaine de prédilection. En revanche, celui qui n’a pas de grandes connaissances en physique restera indifférent par cette même information. Ce principe se vérifie très souvent, dans presque tous les domaines.

Par contre, la musique peut être appréciée par tous. Rav Issakhar Frand explique : « Quand la cinquième symphonie de Beethoven fut jouée, bon nombre de gens s’en sont délectés, indépendamment de leurs connaissances en musique – autant les grands violonistes que de simples auditeurs. La musique plait. Tout le monde s’y sent lié. »

Rav Hertzog affirme que c’est la raison pour laquelle la Torah est appelée Chira ; chacun à son niveau peut s’intéresser à la Torah. D’une part, un grand érudit apprendra de grandes choses en lisant le premier verset de Béréchit. D’ailleurs, à la fin de sa vie, le Gaon de Vilna n’étudiait que le ’Houmach, car il pouvait utiliser ses vastes connaissances en Torah orale et en Kabbale pour pénétrer les secrets de la Torah écrite. D’autre part un enfant de cinq ans, qui commence tout juste à lire, étudiera les mêmes mots – Béréchit Bara Élokim – et en tirera également des leçons importantes. Chacun, à son niveau, peut apprécier différemment la Torah. C’est pourquoi elle est appelée « cantique ».

Pour revenir à l’analogie de la musique, bien que tout le monde prenne plaisir à écouter la cinquième symphonie de Beethoven, un grand violoniste l’appréciera davantage, à un niveau bien plus élevé, notant chaque détail, chaque précision, qui font de cette mélodie une œuvre magistrale, si subtile.

Il en est de même pour la Torah. Un enfant prendra plaisir à réciter Béréchit Bara Élokim, mais une personne plus mature appréciera bien plus ce verset et un Talmid ’Hakham, encore davantage. Plus l’individu grandit, plus il est capable – et tenu – d’enrichir sa compréhension et ses connaissances. Ceci concerne tous les sujets de Torah ; la Guémara, le ’Houmach, la Hachkafa, etc. Malheureusement, il n’est pas rare de faire d’immenses progrès dans son étude de la Guémara, d’approfondir et d’explorer l’avis de tous les A’haronim, sans se perfectionner autant en ’Houmach ou en Hachkafa[2].

Qu’y a-t-il de mal à ce qu’un adulte manque de maturité dans son approche du ’Houmach ? Il faut tout d’abord savoir que notre obligation d’étudier la Torah s’applique à toutes ses facettes, et le ’Houmach est la source ultime permettant d’avoir accès à la Sagesse d’Hachem. Ainsi, pour remplir ce devoir de connaitre la Torah, nous devons approfondir notre compréhension du ’Houmach. En outre, la Torah nous enseigne l’approche correcte à avoir dans tous les domaines de la vie. L’étude d’un livre de Hachkafa ou de Moussar est très louable, mais ils tirent tous leur source de la Torah écrite et de son explication dans la Torah orale. Plus on développera notre compréhension et notre analyse de la Torah, plus celle-ci sera présente et ancrée dans la vie. L’histoire suivante montre comment les Guédolim tiraient des leçons d’importance capitale grâce à leur étude de la Torah.

Après l’échec d’Avraham Avinou de convaincre Hachem de ne pas détruire la ville de Sodome, la Torah précise : « Hachem s’en alla quand Il termina de parler à Avraham et Avraham revint à sa place. »[3] Que signifie ce verset, quelle leçon peut-on tirer de la deuxième partie de la phrase ?

Lors d’une réunion dans laquelle une décision contraire à l’avis du Steipler et de Rav Chakh fut prise, ce dernier en fut très déçu. Il avait tant œuvré et bataillé pour cette cause, que ce revers le démoralisa complètement. Le Steipler envoya un messager chez Rav Chakh pour lui parler du verset précité : « Avraham revint à sa place » ; lorsque l’on fait son possible pour sauver une situation et que l’objectif n’est pas atteint, on a le devoir de reprendre ses activités, ses engagements comme si rien de fâcheux ne s’était passé. Un manque de succès ne justifie en aucun cas l’abandon de son œuvre sacrée, il doit émuler Avraham qui « revint à sa place » et continuer de diriger le peuple juif comme avant. Rav Chakh comprit le message et reprit les rênes du Klal Israël.

Le Steipler avait assurément bien réfléchi et approfondi son étude de la Torah. Ceci lui permit d’appliquer les enseignements du ’Houmach dans son quotidien. Celui qui comprend ainsi la Torah peut espérer en faire de même, à son propre niveau, et apprécier davantage le « chant » de la Torah.

 

[1] Rapporté par Rav Issakhar Frand.

[2] Propos entendus du Rav Its’hak Berkovits.

[3] Béréchit, 18:33.