La Paracha Térouma vient compléter le processus d’émancipation des enfants d’Israël qui avait débuté avec la sortie d’Egypte, puis complété par le don de la Torah et de l’ensemble des commandements. Il s’agit à présent de créer à l’Eternel une « demeure » au sein du peuple juif.
En réalité, ce projet dépasse le cadre de la sortie d’Egypte, il vient achever de réparer la faute originelle qui avait contribué à éloigner la Présence divine de la terre. A présent, à travers le Sanctuaire, Hachem accepte de résider à nouveau au milieu du peuple.
Or, ce message que porte notre Paracha nous rappelle la dignité éminente qui est attribuée à l’homme et au monde par l’Eternel, et que nous ne devrions jamais ignorer.
En effet, en estimant que le monde est digne de recevoir la Présence divine et d’y bâtir une résidence pour Celle-ci, Hachem nous rappelle qu’Il n’abandonne jamais le monde et les hommes à un destin pré-établi ou déterminé par les lois de la nature, mais au contraire qu’Il reste toujours présent parmi les hommes.
Aussi, il n’y a pas deux ordres séparés dans la Torah : le monde d’une part qui appartient aux hommes, et le Ciel d’autre part qui est l’endroit où se trouve D.ieu. Il appartient au contraire aux hommes de faire du monde où ils habitent un lieu de résidence pour l’Eternel. L’étude de la Torah, la pratique des Mitsvot et le raffinement des qualités humaines sont destinés précisément à leur permettre d’y parvenir.
Contrairement à la théorie platonicienne de la « caverne » reprise dans nombre de spiritualités selon laquelle le monde matériel est un reflet dégradé d’un monde supérieur, celui des Idées, la Torah refuse ce dualisme et propose à l’homme un projet beaucoup plus ambitieux et optimiste. Il ne s’agit pas de fuir le monde matériel, mais plutôt d’essayer de l’élever continuellement pour en faire un lieu propice à la résidence de l’Eternel.
La présence du sanctuaire au milieu du peuple porte précisément ce message : l’homme a la capacité de permettre à D.ieu de résider au milieu des hommes et de donner au monde sa plus haute dignité, conformément au projet originel.
Il s’agit naturellement d’une grande responsabilité, mais aussi d’une éminente dignité qui revient à chaque homme. Cette conscience de la valeur de chaque homme aux yeux de l’Eternel est de nature à emplir l’homme de joie. Sa grandeur spirituelle ne dépend pas de sa capacité à échapper à sa nature humaine, mais au contraire, elle dépend de sa capacité à approfondir celle-ci afin d’opérer en lui-même la synthèse entre sa dimension spirituelle et sa dimension matérielle.
Il s’agit là d’une démarche personnelle de raffinement de ses qualités de cœur et d’âme qui peut être réalisée par chaque homme, peu importe le niveau dont il part. Dès lors que l’homme essaie de s’approcher de D.ieu de manière authentique, il prend part au projet divin, il contribue à spiritualiser sa vie et il crée sur terre l’espace propice à recevoir la Présence divine.
Rappelons-nous ces paroles du prophète que nous lisons dans la Haftara de Chabbath Roch ‘Hodèch : « Le ciel est Mon trône et la terre Mon marchepied, quelle maison pourriez-vous Me bâtir ? Aucune maison ne peut Me servir de demeure, car toutes ces choses La main les a faites. J’ai cependant ordonné leur construction, afin d’enraciner dans leur cœur l’idée de Ma providence, comme il est dit : "Et voici, sur qui Je porterai Mes regards : sur les humbles et ceux qui ont le cœur contrit, sur ceux qui craignent Ma parole" » (Isaïe, 66, 1-4, trad. R. E. Munk).
Et, de fait, créer une demeure pour Hachem peut sembler dérisoire au regard du caractère infini et transcendant de D.ieu. Mais Hachem offre ce merveilleux cadeau à l’homme de pouvoir relier sa vie limitée et matérielle à l’infini de D.ieu, de pouvoir introduire une dimension transcendante et pure dans son existence. Comment faire pour y parvenir ?
Aucun travail matériel n’est requis, aucune dépense d’argent n’est demandée, aucune connaissance théorique n’est requise. Hachem demande simplement à l’homme d’ouvrir son cœur et son esprit à la parole qu’Il lui a transmise. Il nous demande seulement de vouloir authentiquement nous rapprocher de Lui, en étant conscients de nos limites, mais aussi de notre dignité éminente à Ses yeux.
Aussi, pourrons-nous alors, dans l’attente imminente du troisième Temple, offrir à Hachem une demeure que rien ne pourra détruire : celle de nos cœurs !
Chabbath Chalom !