La paracha "Michpatim" (22, 21) dit : "כָּל אַלְמָנָה וְיָתוֹם לֹא תְעַנּוּן" (N’humiliez jamais la veuve ni l’orphelin)
A propos de ce verset, Rachi explique : « Il en va de même pour tout être humain, mais le texte parle des situations les plus fréquentes. Comme ils offrent moins de résistance, c’est eux que l’on maltraite le plus souvent. »
Le récit suivant illustre la sollicitude manifestée par nos maîtres à l’égard des sentiments de la veuve :
Un Chabbat, Rabbi Israël Salanter avait été invité à déjeuner chez l’un des notables de la ville qui comptait également parmi ses amis. Mais Rabbi Israël déclina l’invitation en expliquant :
« Je m’interdis de manger où que ce soit, hors de chez moi, avant de m’être assuré du respect le plus parfait de la cacherout en particulier et de la halakha en général. »
Le notable lui répondit : « Je puis vous assurer que tout, chez moi, est parfaitement conforme à la Torah et aux mitsvot. Je n’achète ma viande que chez tel boucher connu pour sa crainte de D.ieu et dont la marchandise est au-dessus de tout soupçon. Notre cuisinière est une bonne juive dont la conduite est en tous points irréprochable. C’est la veuve d’un talmid ’Hakham, un érudit, et elle-même est issue d’une excellente famille. De plus, mon épouse entre souvent à la cuisine pour veiller à tout. La veille de Chabbat, nous dressons une table splendide. Entre chacun des plats, nous parlons de Torah afin de ne pas être comparés, à D. ne plaise, à ceux que les Sages appellent des « mangeurs de sacrifices idolâtres ». Nous apprenons des dinim, nous chantons des cantiques en l’honneur du Chabbat et nous restons à table jusque tard dans la nuit, animés d’une joie immense. »
Rabbi Israël Salanter ne put qu’accepter l’invitation. Il posa, toutefois, une condition : que, cette fois-ci, l’on abrège de deux heures le repas du vendredi soir. L’hôte accepta. Ce vendredi soir donc, le repas se déroula plutôt rapidement. Entre chacun des plats, il n’y eut presque pas de paroles de Torah et c’est à peine si l’on entonna des cantiques de Chabbat. C’est ainsi qu’une heure plus tard, on en vint à réciter le birkat hamazone. A ce moment-là, le maître de la maison se tourna vers Rabbi Israël et lui demanda de lui expliquer le pourquoi de l’étrange condition qu’il avait posée. Le Rav avait-il trouvé quoi que ce soit à redire sur la tenue de sa maison à table ?
En réponse, Rabbi Israël fit appeler la veuve qui s’occupait de la cuisine et, avec beaucoup de finesse, « s’excusa » auprès d’elle de lui avoir infligé un travail si épuisant, ce soir-là. Comme elle s’étonnait, il lui dit : « A cause de moi, vous avez été obligée de servir rapidement plat après plat, contrairement à vos habitudes. »
En proie à une grande émotion, la cuisinière s’exclama : « Puissent toutes les bénédictions possibles parvenir jusqu’au Rabbi ! Si seulement le Rabbi voulait bien venir ici tous les vendredis soirs ! Il faut dire que le maître de maison a l’habitude de prolonger les repas chabbatiques jusque très tard dans la nuit. C’est bien vrai que cela m’épuise, d’autant que je travaille toute la journée, au point que mes jambes ne me portent plus. Mais ce soir, grâce au Rabbi, on a fait vite et je peux ainsi rentrer chez moi plus tôt, pour me reposer ! »
Rabbi Israël se tourna vers son hôte et lui dit : « Cette pauvre veuve a répondu à votre question et à votre étonnement. Certes, vous avez une bien belle façon de célébrer le repos du Chabbat, mais c’est en privant autrui du repos auquel, lui aussi, a droit ! »