La Paracha décrit la célèbre naissance de Moché Rabbénou et la façon dont il fut placé dans un panier sur le Nil et sauvé par nul autre que « la fille de Pharaon » qui le prit comme un fils adoptif, au palais. Le Ibn Ezra[1] demanda pourquoi Hachem décida de faire grandir Moché de cette manière, différemment de ses frères qui ont subi l’esclavage.
Il répond qu’il fallait que le futur dirigeant d’Israël soit élevé dans une atmosphère de royauté et de pouvoir et non dans un environnement d’asservissement et de soumission. Si Moché avait grandi comme un esclave et avait réfléchi comme un esclave toute sa vie, il lui aurait été beaucoup plus difficile de devenir le chef d’une nation.
Prenons un exemple : Moché tua l’égyptien qui battait un Juif. Un esclave, toujours opprimé et méprisé, n’aurait pas eu la force et la confiance en soi nécessaire pour protester contre cette injustice et pour punir son auteur. Avec une mentalité d’esclave, il aurait été impensable qu’il agisse comme il le fit. Seul quelqu’un qui se sent prince (parce qu’il a grandi dans la maison du roi) peut être confiant et décider d’intervenir dans ce genre de situations.
Il en est de même pour le comportement courageux de Moché qui aida les filles de Yitro. Elles se faisaient harceler par les bergers locaux, devant le puits de Midyan. Moché était un étranger qui venait d’arriver en ville. S’il n’avait pas grandi dans une maison de leadership et d’autorité, il n’aurait jamais eu le courage et l’assurance de prendre les choses en main et de rétablir la justice quand cela s’avère nécessaire.
Le Ibn Ezra développe le même principe dans une situation inverse. Dans son commentaire sur Parachat Béchala’h, il parle des événements qui ont conduit à l’ouverture de la mer. Quand le peuple juif se retrouva devant la mer, poursuivi par les Égyptiens, il n’y avait que quelques centaines de soldats pour un peuple de six cent mille hommes. Les Bné Israël auraient facilement pu les vaincre, mais ils avaient très peur des Égyptiens. En effet, les Égyptiens avaient été les maîtres des Bné Israël. Cette génération de Juifs, qui venait de quitter l’Égypte, avait appris, depuis la plus tendre enfance, à souffrir du joug égyptien, les esprits étaient humbles. Comment pouvaient-ils oser combattre leurs bourreaux alors que ce n’était pas leur habitude ?
Le Ibn Ezra poursuit en affirmant que cette soumission était tellement ancrée dans leur nature que cette génération dut mourir durant les 40 ans de traversée du désert et ce n’est que la génération suivante qui put entrer en Erets Israël, parce que ces hommes n’auraient pas eu la force de combattre les Cananéens. Ainsi, une nouvelle génération, qui n’avait pas été soumise à cette servitude et qui avait un esprit beaucoup plus élevé, pouvait conquérir la terre d’Israël. Il fait ensuite référence à son commentaire de la Parachat Chémot, montrant que Moché put agir avec une grande confiance en soi du fait de son éducation.
Il y a un grand débat actuel à propos de l’éducation ; est-ce la génétique de l’individu ou son éducation qui définit principalement sa nature ?
Le Ibn Ezra estime que l’éducation a un grand poids sur l’avenir de la personne. Et à ce sujet, Rav Yérou’ham Lebovitz[2] note que deux jumeaux génétiquement identiques peuvent devenir très différents, s’ils reçoivent une éducation différente dans leur jeunesse.
Rav Issakhar Frand parle des ramifications de ce débat dans le monde moderne : « Regardons autour de nous. Malheureusement, de nombreux maux affligent notre société. Pourquoi ? On pourrait partiellement répondre en affirmant que chez beaucoup d’enfants, il n’y a pas de véritable vie à la maison. Ce n’est pas surprenant et il ne faut pas être un grand spécialiste des sciences sociales pour observer les conséquences de l’éducation sur l’avenir de l’homme. Inversement, quand un enfant est entouré d’amour et d’affection, qu’il grandit avec une présence aimante et qu’il développe sa confiance en soi, il pourra, en grandissant, prouver ses capacités de leadership, même s’il est moins talentueux que quelqu’un d’autre (qui, quant à lui, n’a pas bénéficié d’une éducation aussi saine).
Tout cela n’enlève rien au fait que chaque personne a le choix d’optimiser chaque situation de la vie. Le libre arbitre est donné à tout homme, peu importe l’éducation qu’il a reçue. Mais nous mettons l’accent ici sur la façon dont un parent, un enseignant, ou toute autre personne peut influer sur les autres. Le Ibn Ezra nous enseigne l’immense influence que nous pouvons avoir sur nos enfants ou nos élèves ; nous pouvons leur construire une base propice au succès pour leur avenir.
[1] Ibn Ezra, Chémot 2,3.
[2] Cité par Rav Issakhar Frand.