L’un des passages principaux de la Parachat Vayé’hi concerne les bénédictions accordées par Yaacov Avinou à ses fils. Elles décrivent leurs forces (et parfois leurs faiblesses) et leur contribution au peuple juif. À la fin de ce récit, la Torah conclut : « Ce sont toutes les douze tribus d’Israël, et voici ce que leur père leur dit, il les bénit, chacun selon sa bénédiction, il les bénit. »[1] Les deux dernières précisions sont difficiles à comprendre. Pourquoi la Torah nous répète-t-elle que Yaacov bénit ses fils, chacun selon sa bénédiction ? Et pourquoi répète-t-elle à nouveau, à la fin, que Yaacov les bénit – chose que nous savons déjà ?
Le Or Ha'haïm propose une explication fascinante sur ces deux précisions. D’après lui, les mots « selon sa bénédiction » signifient que chacun reçut la bénédiction qui lui convenait en fonction de son âme et de ses actions. Parce qu’il faut savoir que l’âme de chacun a sa propre Bé’hina et ses qualités. Certaines personnes ont la qualité de la Kéhouna (prêtrise), d’autres ont la qualité de royauté et d’autres ont la qualité de la « couronne de la Torah ». D’autres encore ont la qualité de la force, de la santé ou du succès. Yaacov voulut, par l’intermédiaire de la prophétie, bénir chaque enfant selon la bénédiction qui lui convenait…[2]
Le Or Ha'haïm enseigne donc que Yaacov donna à chaque fils une bénédiction adaptée à ses qualités et à son potentiel uniques. Nous en déduisons que chaque personne a ses propres qualités et doit s’efforcer de réaliser ce potentiel à sa manière.
Le Or Ha'haïm poursuit et explique les termes : « Il les bénit ». La Torah parle au pluriel [les], pour montrer que chaque bénédiction aide l’enfant lui-même ainsi que ses frères. Par exemple, quand il bénit le roi et lui souhaite de vaincre ses ennemis, il s’agit d’un bénéfice pour tous les frères. Ainsi, un enfant qui a une qualité en abondance partagera cette abondance avec tous ses frères… Le point fort de chaque Juif apporte une contribution unique à l’ensemble du peuple juif.
L’individu n’est pas censé être un Gadol Hador ou le chef de toute la nation, mais chacun doit réaliser son potentiel. Et même si le potentiel aurait pu, dans l’absolu, être exploité davantage, cela n’a pas d’importance, parce qu’Hachem ne juge la personne qu’en fonction de ses talents et des circonstances. Rav Moché Feinstein disait souvent, lors d’oraisons funèbres : « La vie de chaque personne est mesurée. Certaines personnes reçoivent un grand récipient et d’autres en reçoivent un petit. Chacun est tenu de remplir son récipient au maximum. Si un "simple Juif" remplit son récipient au maximum, il est plus grand que la personne plus grande qui ne remplit pas son récipient complètement. »[3]
Dans le même ordre d’idées, le ’Hafets ’Haïm écrit qu’Hachem exige que chaque personne Le serve selon ses capacités. Tout comme il y a des riches et des pauvres, des forts et des faibles, il y a aussi des personnalités différentes. Certaines personnes peuvent servir Hachem et atteindre un niveau très élevé, et d’autres sont incapables d’atteindre ce même niveau. C’est pourquoi la Torah exhorte chaque personne à servir Hachem « de tout son cœur et de toute son âme », en mettant l’accent sur le cœur et l’âme de chacun.[4]
Le ’Hafets ’Haïm souligne également que les différents types de personnes sont essentiels pour la réussite générale du Klal Israël. Un jour, quelqu’un lui demanda pourquoi le monde avait besoin de ’Hassidim et de Mitnagdim, et pourquoi, même chez les ’Hassidim, il existe de nombreux groupes : certains mettent l’accent sur l’étude et d’autres sur la prière, certains chantent beaucoup, tandis que d’autres dansent davantage. Que manquerait-il au monde s’ils priaient d’une même manière ? Le 'Hafets 'Haïm répondit qu’au lieu de poser des questions sur les différents groupes du Klal Israël, il devrait demander au tsar russe pourquoi il avait tant de types de soldats différents : l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, l’armée de l’air et les plongeurs sous-marins. Que manquerait-il à l’armée s’il n’y avait qu’un seul type de soldat, avec un seul type d’arme, et un seul général qui commanderait tout le monde ? La réponse était évidente ; quand nous devons entrer en guerre et vaincre l’ennemi, nous avons besoin de différents types de combattants. Chacun a un avantage sur l’autre : par exemple, l’infanterie peut se battre à l’épée, ce qui n’est pas le cas de la cavalerie. Cette dernière, quant à elle, peut effrayer davantage l’ennemi. Ceux qui tirent avec des canons et diverses autres armes peuvent mener la guerre sur de longues distances, mais ne peuvent pas faire de combat rapproché. De même, poursuivit le 'Hafets 'Haïm, pour gagner la guerre contre le Yétser Hara’, nous avons besoin des différents types de ’Hassidim ainsi que des Mitnagdim. Tous sont des soldats de l’armée d’Hachem. Chacun aide à vaincre l’ennemi – l’un avec sa Torah, l’autre avec sa prière, l’autre avec le chant et ainsi de suite.[5]
Les bénédictions accordées par Yaacov enseignent que chaque personne a des qualités et un potentiel uniques et exceptionnels, et que si chacun exploite et réalise ce potentiel, alors tout le Klal Israël connaîtra un grand succès dans toutes ses saintes entreprises.
[1] Béréchit, 49,28.
[2] Or Ha’haïm Hakadoch, Béréchit 49,28.
[3] Darké Moché, ’Hayé Sarah.
[4] 'Hafets 'Haïm Al Hatorah, Vaét’hanane.
[5] 'Hafets 'Haïm Al Hatorah, Réé.