L'association Torah-Box vient de publier la première biographie en français du rav Ovadia Yossef. Hamodia a rencontré Binyamin Benhamou, qui dirige l'association, pour nous parler de cet ouvrage consacré à l'un des piliers du judaïsme contemporain.

- Hamodia : Une biographie en français du rav Ovadia Yossef répond à un besoin évident, semble-t-il. Pourtant, vous êtes les premiers à en éditer une. Qu'est-ce qui vous a poussé et motivé ?

Torah-Box a initié l'année dernière la publication d'une série de biographies sur les tsaddikim de notre temps, en commençant par la rabbanite Kanievsky qui a certainement été un des livres les plus vendus cette année.
Comme disait le 'Hazon Ich, consulter la vie des Grands de la Torah ouvre le cœur et augmente la Yirat Chamaїm (crainte du ciel) parfois plus qu'un livre de Moussar... cela colle bien avec notre objectif...

Et puis, cela devient naturel... Peu importe où l'on habite, comment ne pas penser au rav Ovadia Yossef, alors que presqu'aucun livre ou cours de hala’ha dans le monde ne se passe de ses décisions hala’hiques ? D'autre part, le public français peu ou pas religieux ne connaît le rav Ovadia Yossef qu'à travers la très savante presse française... soit pas du tout... lorsqu'on sait que le rav n’est « que Torah ».

 

- Est-ce qu'au cours de vos recherches vous avez appris des choses que vous ne saviez pas sur cette personnalité fascinante qu'est le rav Ovadia ? 

Premièrement, j'ai appris ce que voulait dire la « Ahavat Israël », l'amour de son prochain. Il a consacré sa vie à la communauté, sillonnant le monde entier, ne renonçant à aucune âme juive pour raviver la flamme de tous... Combien de cours de Torah a-t-il dispensés, de tous niveaux, dans les synagogues comme dans les bases militaires, à combien de questions hala’hiques de toute urgence a-t-il répondu que ce soit par téléphone, fax... Combien de pleurs dans ses prières quotidiennes pour délivrer certaines personnes de leurs malheurs…

Pour finir, j'ai surtout appris à quel point le rav était détaché de toute futilité et absorbé entièrement par l'étude de la Torah. C'est là le secret de sa « réussite », comme il l'explique clairement dans le livre. Durant toute sa jeunesse et longtemps après son mariage, alors qu’Israël était plongé dans les guerres, le rav Ovadia Yossef n'a jamais ouvert un journal (même 'religieux') ni même écouté la radio. Pendant les guerres, plongé dans l’étude, il n'entendait pas exploser les bombes, un jour, il oublia même qu'il était sur une échelle... Il n'a investi que dans l'éternité, la sainteté, pour lui et ceux qu'il a renforcés. Cette combinaison, c'est la vie du rav Ovadia Yossef.

- Comment expliquez-vous le statut incontesté dont jouit le rav Ovadia dans le monde séfarade ? Est-ce dû à ses connaissances ? À sa personnalité ? À sa volonté de redorer le blason du judaïsme séfarade ? 

En fait, ces trois choses-là l’expliquent. Le rav Ovadia, depuis toujours, et avant même qu’il ne soit connu, n’avait qu’une seule chose en tête : étudier la Torah avec don de soi. Mis à part cela, dès son plus jeune âge, il a pris sur lui de remonter le moral et le statut du monde séfarade. On ne peut pas dire que l’une de ces choses explique plus le statut du rav qu'une autre : il a une personnalité extraordinaire, des connaissances rares, et il faut savoir : lorsque le rav Ovadia était jeune et qu’on lui demandait de donner un cours à Béer-Chéva pour six personnes, il prenait le bus et y allait afin de remonter l’ambiance et le moral de la communauté.

Il est également important de préciser une chose : le rav écrit ses livres de hala’ha pour les Séfarades en précisant toujours celle des Ashkénazes. Son travail gigantesque est une Torah entière pour tout le monde, où il précise toujours les différences pour chaque partie du peuple. Une chose est incontestable : ce n'est pas seulement le plus grand rabbin séfarade du siècle, mais depuis plusieurs siècles...

- Il y aurait, paraît-il, un cahier de photos en couleur ?

Barou'h Hachem, se trouve en fin de livres un très joli diaporama de 132 photos en couleur retraçant la vie du rav, transmises en partie par un de ses petits-fils : depuis son mariage en 1944, son départ en 1947 pour devenir le Av Beth-Din d'Égypte, son intronisation en tant que grand-rabbin de Tel-Aviv en 1968, puis grand rabbin d'Israël en 1973, les visites pour conseils et bénédictions de rabbanim et autres personnalités...

- Y a-t-il des anecdotes qui vous ont particulièrement marqué lors de l'écriture du livre ?

Rav Ovadia Yossef se rendit chez le dentiste, accompagné de l’un de ses gendres. Avant même qu’il n’intervienne, le rav lui dit : « Veuillez me prévenir une minute avant de commencer le soin, il est inutile d’anesthésier. » Le praticien se prépara et avertit le rav comme convenu. Il fit tout ce qui était nécessaire pour lui extraire la dent sans avoir recours à l’anesthésie. Lorsqu’il eût terminé, le dentiste dut secouer le rav pour l’avertir que l’opération était achevée.

Le rav Ovadia Yossef n'est pas venu à la Azkara de sa maman ! Ce jour-là, son père organisa la cérémonie traditionnelle « Azkara ». Son frère vint le jour même l’en avertir. « Avec l’aide de D.ieu, je viendrai », dit-il.

À l’heure convenue, la plupart des membres de la famille et des proches étaient déjà là, mais rav Ovadia Yossef, le fils aîné n’était pas encore arrivé. L’attente se prolongea jusqu’à ce que le père, rav Yaakov, ordonnât de commencer sans lui, avec l’espoir de le voir arriver entre temps. Ils terminèrent d’étudier, servirent le repas et rav Ovadia Yossef n’était toujours pas là. Certains s’en étonnèrent - était-il possible qu’un fils ne vienne pas à l’Azkara de sa mère ? Mais son père, rav Yaakov, dit qu’il devait certainement avoir une bonne raison.

Dès le matin, son frère s’enquit de ses nouvelles. Il lui demanda les raisons de son absence de la veille. Rav Ovadia Yossef lui répondit : « Hier, je me suis trouvé confronté à un cas de femme Agouna et j’ai travaillé sur ce dossier confus toute la nuit, pour la sauver. Et grâce à D.ieu, j’ai découvert une permission pour elle dans la Torah. Le temps de terminer de rédiger le ‘psak halakha’, il était déjà quatre heures du matin. Je ne pouvais pas dormir alors que cette femme pleurait et ne trouvait pas le répit. Quelle joie d’avoir pu la libérer de ce fardeau ! Il est certain que ce geste éleva l’âme de ma mère davantage que ma venue à notre réunion familiale. » Lorsque son frère raconta cela à son père, son cœur se remplit d’une joie indicible. « Heureuse est la mère qui a mérité un tel fils », dit-il.