Les erreurs judiciaires, on connaît. Certains y ont même laissé leur tête, au temps où la guillotine était encore en service, jusqu'à ce que le garde des Sceaux, Robert Badinter, fasse annuler la peine de mort en France, le 9 octobre 1981.
Mais si condamner un innocent est un désastre, acquitter un coupable est impardonnable : d’autant plus lorsqu’on blanchit un homme responsable de la déportation en France de 76 000 Juifs (dont 11 000 enfants), et ayant orchestré en deux jours, entre les 16 et 17 juillet, la plus grande infamie jamais perpétrée dans une capitale européenne : la rafle du Vel d’Hiv.
Antre de l’enfer
Il faut prendre les mesures de ce qui se passa pendant ces deux jours d’horreur, où la police et la gendarmerie à la solde de l’Occupant nazi, arrêtèrent dès le petit matin, chez eux, des familles juives coupables de… - de quoi au juste ? -, les arrachant à leur foyer, les entassant dans des autocars jusqu’au grand stade du Vélodrome d’Hiver, où ils attendront leur déportation vers Drancy, puis Auschwitz, dont presque personne ne reviendra.
Une rescapée, qui avait alors 14 ans, Arlette Testyler, arrêtée avec sa mère et ses deux sœurs par des gendarmes français en uniforme, se souvient : « C’était l’Enfer de Dante. Le souvenir de cet immense complexe sportif peuplé d’une foule hagarde, perdue, désespérée, tenue dans l’effroi de l’inconnu, dans des conditions hygiéniques innommables, ne me quitte pas. Les sanitaires avaient débordé, la puanteur envahissait les lieux, la chaleur était suffocante, et les familles jetées là, s’organisaient tant bien que mal, dans la promiscuité la plus totale. »
12 844 personnes furent internées au Vel d’Hiv, dont 4000 enfants dans le plus grand coup de filet effectué en si peu de temps sur le sol européen. Odieux record pour la France.
L’architecte et l’organisateur de cette infamie, René Bousquet, était à ce moment le secrétaire général des forces de police, en d’autres termes, le tout puissant ministre de l’Intérieur de Pétain. Pas un Allemand n’eut besoin de participer à la rafle, orchestrée uniquement par Bousquet pour le gouvernement de Vichy, afin de satisfaire l’appétit vorace des nouveaux patrons...
Bousquet, criminel en col blanc
Physique de jeune premier, athlétique, toujours élégant et souriant, il commence une longue et brillante carrière politique à l’âge d’à peine 23 ans.
Sans scrupules, calculateur, ambitieux, très intelligent, lors de la mise en place de la politique de collaboration avec les nazis, Laval, chef du gouvernement de Pétain, le connaissait déjà et le compta vite parmi ses plus précieux collaborateurs.
Déjà en 1943, Bousquet, prudent, au flair affiné et sentant le vent tourner au bénéfice des alliés, commencera à rendre des services à la Résistance : on ne sait jamais…
Il semble même qu’il sauvera la vie à un certain François Mitterrand, qui lui en sera reconnaissant même 35 ans après, une fois élu à la présidence. Mais n'anticipons pas…
Procès en flop
Après la guerre, lors du procès d’épuration des collaborateurs et des dirigeants de Vichy en 1949, alors que Laval sera jugé et fusillé, René Bousquet, étrangement confiant, sera acquitté. L’accusation occultera son entière responsabilité quant à la déportation des Juifs, et la défense soulignera ses actions en faveur de la France. L’homme, en tous les cas, trouvera grâce aux yeux des jurés, alors que le drame incommensurable que venait de vivre la communauté juive passera “sous les radars”.
L’avocat, chasseur d’anciens nazis, Serge Klarsfeld, n’aura de cesse de le poursuivre pour rouvrir son procès, mais l’homme, à nouveau libre et influent, dirigeant la Banque d’Indochine, aura habilement réussi à se créer un cercle d’amis en vue et à faire oublier son passé criminel.
Le 8 juin 1993, alors qu’enfin Klarsfeld réussit à le faire inculper (procès très attendu, car on savait qu’il éclabousserait des personnalités politiques qui avaient été proches de Bousquet), un homme se rend à son domicile et l’abat de 5 balles.
Meurtre d’un déséquilibré ou commandité par « en haut » pour empêcher l’ancien chef de la police française de révéler des détails encombrants sur des personnages à présent trop bien placés ?
L’énigme reste entière.
Fragile nature humaine
Maître Badinter, décédé il y a moins d’un mois, fut un spécialiste de l’affaire Bousquet. Enfant sous l’Occupation, son père fut raflé à Lyon, déporté et assassiné à Sobibor. Devenu le prestigieux avocat que l’on sait, Robert Badinter a même consacré un livre à cette “affaire” et au désastreux procès de 1949 qui innocenta Bousquet. Mais le cœur des hommes, même de ceux qui sont l’incarnation parfaite de la justice et de la droiture, est enclin, comme disent nos Sages, à se ramollir sous l’effet d'un bienfait rendu…
Badinter, Garde des Sceaux et ministre de la Justice sous Mitterrand, pressenti pour devenir son Premier ministre, “adoubé” et élevé à des fonctions prestigieuses par le président socialiste, n’évoquera jamais les sulfureuses relations que Mitterrand entretenait avec Bousquet, l’invitant chez lui, en famille dans sa maison de campagne des Landes, puis le recevant à l'Elysée sous son septennat…
Mitterrand, l’homme aux mille facettes, à la fois de gauche mais pétainiste avoué, qui décorait la tombe du Maréchal officiellement chaque 11 novembre, de 1986 à 1992, ne voudra jamais responsabiliser l’État et la police française pour les crimes perpétrés contre la communauté juive sous l’Occupation. Tout au long de sa carrière politique, l’homme s’entourera de tristes sires, ex-collabos, qui trempèrent à divers niveaux dans le sombre régime de Vichy.
Et lorsque Mitterrand, le 16 juillet 1992, se rendra exceptionnellement à une commémoration organisée par les enfants et familles des déportés, en souvenir du cinquantième anniversaire de la Rafle, et qu’il sera hué par la foule pour son refus de demander pardon au nom de l’État français à la communauté juive, Badinter, chevalier servant et fidèle employé de Sa Majesté François, montera sur l’estrade, outré, et fustigera le public, prenant la défense de Mitterrand son bienfaiteur, clamant sa colère devant ces sifflets inconvenants à ses yeux. Il hurlera avec pathos son fameux : “Vous m’avez fait honte !!!” à ses coreligionnaires.
Pour un fils de déporté et un grand juriste, sa mémoire historique fut bien sélective…
‘Hochen Hamichpat
Le « Pectoral de Justice » est l’un des 8 habits que le Grand Prêtre portait, au temps du Tabernacle et du Premier Temple. Carré parfait, fabriqué d’étoffes rares, dans lequel on incrustait et sertissait 12 pierres précieuses, gravées chacune au nom d’une tribu, c’est dans les plis de cet habit qu’on glissait le nom de l’Éternel, le Chem Haméforach.
Nos Sages nous disent que cet habit venait expier la faute des inexactitudes dans le rendu de la justice. Portées sur le cœur par Aharon et ses descendants, les pierres s’allumaient comme sur un cadran futuriste, pour former une phrase et répondre aux questions posées à D.ieu sur tout ce qui touchait aux décisions cruciales concernant les Bné Israël. De même, lorsque les Juges n’avaient pas réussi à trancher un cas, ils interrogeaient l’Éternel, via le pectoral.
Le Saint Béni Soit-Il juge à la perfection : à la fois avec compassion, c'est-à-dire en prenant en compte toutes les circonstances atténuantes d’un individu, mais également en conservant l’attribut de rigueur intact.
Seul D.ieu peut harmoniser dans son verdict ces deux pôles antagonistes, opposés comme le feu et l’eau.
Inspirés par Lui, connectés à Lui, Son Nom Ineffable placé sur notre cœur, c'est ainsi, et ainsi seulement que nous pouvons rendre une Justice équitable et que les nations avec émerveillement reconnaîtront le caractère divin de nos tribunaux.
Car la justice des hommes, avouons-le, est bien faillible.
Et le peuple juif en sait quelque chose…