Rabbi ‘Akiva avait appris à surfer à bonne école. Son Maître, Nahum Ich Gamzou, se déplaçait sur les mers les plus houleuses, serein, confiant, en équilibre sur les vagues, ayant acquis une technique très au point, qui consistait à savoir comment “les prendre” - même les très grosses !!! -, et au lieu de se faire submerger par elles, avec toute la lourdeur de leurs millions de litres cubes, il y pénétrait, sans opposer de résistance, tout simplement… 

Wouahhh !


On connaît Noé, qui selon Rachi, « marchait côte à côte avec D.ieu », Avraham qui marchait “devant D.ieu”, et désormais, on connaîtra  Nahum, qui lui, Lui donnait carrément la main. 

Et main dans la Main avec son Créateur, en effet, on relativise… Soudain, menaces et vagues prennent d’autres proportions. 

Cela veut dire, que confronté à une contrariété - grande ou petite -, un souci, une nuisance, un tracas, une injustice, une perte d’argent, ses boussoles étaient si bien réglées, qu’il n’y voyait que la Main Infiniment Bonne de D.ieu. 

C’est le positionnement le plus enviable d’un homme sur terre, à savoir que RIEN de mal ne peut l’atteindre, puisqu’il a cessé d'appréhender le monde dans sa dualité, pour aller au-delà, et voir derrière chaque chose, le D.ieu Un et Bon, qui englobe Tout.

Facile à dire, mais sur le terrain…

Travaux Pratiques

Nahum Ich Gamzou est l’un des grands Maîtres du Talmud. Il y est cité à de nombreuses reprises, et on sait qu’il était un immense érudit et vivait dans un dénuement total. 

Une aventure le concernant est rapportée dans la Guémara (Ta’anit 21; 1). Choisi par ses pairs - vu son inégalable piété - pour rencontrer l’Empereur en place et lui offrir au nom de la communauté, un présent de grande valeur constitué d’or et de diamants, il se mit en chemin. Les aubergistes de l'hôtel dans lequel il passa la nuit avant d’arriver au palais, échangeront à son insu le contenu de son coffret avec du sable. Ne s’en étant pas aperçu, Nahum se présenta devant le monarque qui ouvrant la précieuse boîte, fut outré de découvrir la scandaleuse offrande. Furieux, interprétant ce geste comme une moquerie, et donc un affront de lèse-majesté, il décréta la mise à mort de Nahum

Nahum, ou la passion du “surf”…Nahum, ou la passion du “surf”…

Le Tsadik, certainement interloqué du tour que prenaient les événements, ne perdit pourtant à aucun instant son sang-froid. 

Sans panique, il prononça son fameux : “Gam zou le Tova…! - Ça aussi, c'est pour le bien !” 

La tournure des choses, aussi dramatique fût-elle, ne le mettait pas dans un état de panique, mais serrant sans doute à ce moment plus fort la Main du Très-Haut, que de toute manière il ne lâchait jamais, il se laissait porter par la vague, observant où elle le mènerait, n’allant pas contre, ne luttant pas avec, mais se glissant à l'intérieur, comme pour y trouver refuge.

C’était sa technique…

Le conseil du maître-nageur

Nahum, ou la passion du “surf”…

Tout Bagnino vous le dira : si l'on est pris dans un tourbillon marin, surtout, surtout ne jamais se battre avec et épuiser ses forces, mais se laisser porter par le courant.

Google vous le donne ainsi :

Rester calme, très calme malgré le caractère impressionnant et stressant de la vague qui vous tire, attendre, économiser ses efforts et ne pas lutter contre.”, puis : 

Même si vous êtes un nageur chevronné, il est totalement inutile d’affronter le courant de face, vous n’arriverez pas à le remonter !”

Ainsi Nahum, le croyant, appréhendait les événements de la vie, sa foi totalement imbriquée dans son vécu, sans aucun “jeu” entre l’une et l’autre. 

Devant ce que nous, nous nommons “les épreuves”, les coups durs, Nahum, au lieu de se laisser frapper d’effroi, même s’il saisissait très bien l’envergure de la menace, comprit qu’il n’avait aucune chance de se battre avec. Il chercha un abri au cœur même du danger, appelant du fond de sa vulnérabilité, de son impossibilité d’agir, de sa condition d’homme, créé, mortel et limité, le Seul qui répond, le Seul à qui on peut avouer qu’on n'a aucune chance, le Seul qui peut nous sortir de là.

Gamzou le Tova, ça veut en fait dire : il n’y a que Toi. 

Point.

Quelle passivité ! Quel comportement absurde et inadéquat ! C’est une démission du monde !! Il faut chercher à s'en sortir ! Vite, des solutions, des armes, des discours, des grands rassemblements… diront certains…

Et bien non ! Nahum Ich Gamzou, le bien-nommé, n’ameutait personne, rentrait en lui, et non pas en stress, et levait le cœur vers le Saint Béni Soit-Il, Lui abandonnant son destin. Il savait, comme le jour est jour, que tout cela venait pour une très BONNE raison.

L’histoire se finit bien et la situation se renversa pour Nahum, qui non seulement eut la vie sauve mais repartit couvert de cadeaux avec les remerciements du souverain. Mais, bien plus que le dénouement heureux de l’histoire, c'est le “comment” notre Sage traversa les étapes de cet épisode qui nous intéresse. 

Le futur au présent

À notre petit niveau, cette histoire reflète le scénario classique d’une tentative de faire le bien qui se retourne contre nous, d’une fausse accusation qui salit notre nom, d’une énorme déception de quelqu’un qu’on croyait connaître, d’un rendez-vous “en vue de mariage” - tant espéré - qui capote, et qui plus tard, pris dans le grand angle de la vie, zoom élargi, s’avère salutaire. 

On en a tous connus. 

Mais pour enfin comprendre à quel point un événement fâcheux , une “tuile”, aura été salvatrice, il nous faudra le recul du temps, parfois de beaucoup de temps, alors que Rabbi ‘Akiva et son Maître Nahum, le vivaient au présent. 

C’est toute la différence. 

Et on voudrait tant, comme eux, réduire le “gap”.


Rabbi ‘Akiva marchait avec les Sages dans les décombres du Temple. Le canal pur et diaphane par lequel Israël communiquait au quotidien avec son D.ieu, n’était plus. 

Le Grand Luminaire de Jérusalem et du monde s’était éteint.

Nahum, ou la passion du “surf”…

 Ils virent alors un renard s’échapper des ruines du parvis. 

Les Sages sanglotèrent alors, et Rabbi ‘Akiva se mit à rire. Ils se tournèrent vers lui, surpris, et l'interrogèrent sur sa réaction.

Rabbi ‘Akiva répondit : “Lorsque je vois que les prophéties [de destruction] se sont réalisées, alors je sais que les prophéties de reconstruction également se dérouleront, puisque dans nos Textes, elles sont mentionnées dépendantes les unes des autres.”

Il avait appris de son Maître à lire le futur au présent, et à ramener à maintenant, sans perdre de temps, le rire et l’optimisme que de toute manière, l’avenir nous réservera.  

Un surfeur sachant surfer

Vendredi matin. La machine à laver émet son sifflement pour me prévenir que le programme est terminé. 

Mais la porte ne s’ouvre pas. Je force. Rien n’y fait. 

Je sais qu’un membre de la famille a fait une lessive avant moi (et sans mon accord !!) et c’est lui sans doute, qui a eu la main lourde sur la poignée, et l’a cassée.

Je brûle d'appeler le coupable avec un : “Pourquoi tu… ! T’aurais pas pu… ? Tu sais combien cette réparation va … ? Où vais-je trouver un technicien un vendredi à cette heure ? etc. etc.”

Mais ne suis-je pas  en train d’écrire un article sur les techniques de “surf” ?

Peut-être que le temps de les appliquer, même à cette infime échelle, est arrivé ?  

Est-ce que je vais régler quelque chose avec mes récriminations ? 

Est-ce que me décharger sur lui va réduire le coût du dégât ? 

Et si cette petite-mini-anodine contrariété m’invitait à en faire un travail ? 

Je me calme.

Nahum, ou la passion du “surf”…

Ne nous méprenons pas, ce n’est même pas une vague, à peine un clapotis, une ridule à la surface de l’eau, de quoi m’exercer sur ma planche de surf.

 Je monte dessus, et je tiens. 

C’est un début.

Plus tard dans l'après-midi, j’apprends une nouvelle qui m’attriste. Rien de très grave, mais assez pour me peiner. Je tombe de la planche. 

Pas grave. J’apprends.

Et j’en fais une prière. Oui, sans honte. Nahum Ich Gamzou notre Maître en faisait pour moins que ça.

C’est ainsi qu'on apprend à surfer, non?…

Nahum, ou la passion du “surf”…