Après un aperçu négatif sur notre période dans le dernier BILAN, il est essentiel de reconnaître aussi l’élévation spirituelle de notre époque. Entre autres raisons, les progrès technologiques ont contribué à développer l’étude de la Torah, à leur façon. Mais ce n’est pas ce niveau de lecture qui doit retenir notre attention.
Ce qui importe pour la continuité du judaïsme, de la Torah, pour la pérennité des valeurs spirituelles, c’est une élévation qui doit nous rapprocher du Créateur. Tel est le critère de notre réflexion ! À ce niveau, il est très intéressant de remarquer qu’à une période négative succède nécessairement une époque beaucoup plus positive pour le développement de la Torah. Il est possible de prouver ce balancement, mais il faut au préalable rappeler un évènement cité dans la Guémara : « Quand on a annoncé, pendant le siège de Jérusalem par les Romains, quand on a annoncé à Vespasien – chef des troupes romaines –, que le Sénat, à Rome, l’avait élu empereur, il voulut exprimer sa reconnaissance à Rabbi Yo'hanan ben Zakaï qui lui avait annoncé auparavant cette nouvelle, et il lui demanda d’exprimer une demande. Rabbi Yo'hanan ben Zakaï lui dit : « Donne-moi Yavné avec ses Sages » pour développer une maison d’étude. Il ne lui a pas demandé d’arrêter le siège de Jérusalem pour épargner le Temple. Le Temple devait être détruit, mais la Torah doit continuer (Traité Guittin 55a). Toutes proportions gardées, rappelons ici que le 'Hazon Ich a dit à Ben Gourion, lors de sa visite à Bné Brak : « Donne une exemption du service militaire aux étudiants en Yéchiva ». Ben Gourion a accepté et Israël est devenu le centre de l’étude de la Torah, après la disparition des Yéchivot d’Europe orientale. La Torah, la spiritualité du peuple juif, ne saurait disparaître. Ce qu’avait pressenti Rabbi Yo'hanan ben Zakaï face aux Romains n’a cessé de se produire depuis deux mille ans. La fureur nazie espérait une « solution finale » au problème de l’existence de ce peuple qui transcende les siècles, grâce à sa Torah.
Au Moyen-Âge, l’Inquisition ne cessait de poursuivre les Juifs et ce fut l’époque des Richonim, du Rambam, de Rachi. Plus tard, au 18ème et 19ème siècle, la Haskala a fait ses ravages en Europe, l’assimilation a progressé, et ce fut l’époque du Gaon de Vilna, de Rav Moché Haïm Luzzato, du 'Hatam Sofer. En France, au 19ème siècle et durant la première moitié du 20ème siècle, le judaïsme semblait blessé, mais au lendemain de la Shoah, les Yéchivot réapparurent en France, en Angleterre. Même l’École Gilbert Bloch, d’Orsay, a attiré des jeunes revenus aux sources du judaïsme, qui sont devenus de véritables érudits, et des cadres de l’orthodoxie. Les Yéchivot – Aix les Bains, Armentières, Brunoy – attirent les jeunes. Le Centre Européen développe un Beth Hamidrach qui annonce dans son titre : l’éternité d’Israël, c’est l’étude ! Et que dire du travail de rapprochement, de l’étude sur Torah-Box, Kountrass, au Beth Hamidrach et aux Yéchivot de la Rue Pavée. Il y a près de 100 ans, en 1936, on célébrait l’ouverture de la 1ère école juive de Paris : l’École Maïmonide. Les choses ont bien changé mais… la Shoah est passée par là !
C’est maintenant qu’il faut modérer le BILAN évoqué dans l’édition précédente. Une époque difficile apporte avec soi un équilibre qui assure le maintien de l’être juif et de la Torah. Les mouvements de Téchouva, au lendemain de la guerre des Six Jours, témoignent du même phénomène : Israël triomphe mais pas grâce à sa supériorité technologique, mais parce que, ici, se trouve le véhicule de la pérennité d’Israël. « L’Éternel n’abandonnera pas Son peuple ».