Pour la première fois de son histoire, à l’entrée du 19ème siècle, le peuple hébreu en exil va être ébloui par les “Lumières” des Gentils, alors que jusque-là, il avait plutôt connu, avouons-le, leur “Obscurité”.
Apparemment, sans brusquerie et sans intentions scélérates, les peuples civilisés tout imprégnés des idées éclairées du 18ème siècle semblent chercher pour la première fois à intégrer les Juifs (rebaptisés “israélites”, terme nettoyé des vieux stigmates), dans une société fondée sur des valeurs d’égalité entre tous les citoyens. Cette nouvelle législation, héritée de la Révolution, va favoriser l’entrée des Juifs dans le grand monde, leur donnant les mêmes droits qu’aux Français “de souche”. L’admission dans les académies, les universités et les grandes écoles devient alors envisageable et par là, l’accès à toutes les professions libérales ; on pourra même devenir propriétaire terrien (chose impensable jusque-là), posséder des biens immobiliers et s’assurer une vie respectable. Les peuples n’y mettent aucune condition (même si l'on prête à Napoléon des intentions assimilationnistes), et un Juif pourra enfin pratiquer sa religion en toute liberté, en toute quiétude, tout en devenant un citoyen à part entière.
A priori, c’est l’affaire du siècle !!
La communauté va-t-elle rester fidèle à sa tradition devant ces nouveaux privilèges, où va-t-elle céder à la tentation du “comme les peuples” et s’affranchir de son patrimoine sacré… ?
Le défi est de taille, et pour reprendre une jolie image : lorsque le vent et la tempête soufflent, on s’accroche plus que jamais à son manteau, pour s’y emmitoufler, alors que lorsque soudain le soleil brille, chaud et lumineux, on aura tendance à se déshabiller et à se défaire de tout ce qui, précédemment, nous couvrait.
Portrait d’Alfred
C’est sur ce « terreau » qu’Alfred Dreyfus naît en 1859, benjamin d’une famille de 9 enfants. Installés en Alsace depuis des générations, ne reniant pas leur judaïsme, mais ne le pratiquant plus, les Dreyfus sont d’abord Français, c'est-à-dire très patriotes et républicains. Ils se sentent immensément reconnaissants envers la France pour les avoir accueillis et leur avoir permis l'accès à sa culture, à son éducation et à ses plus prestigieux établissements.
Alfred choisit une carrière militaire, ce qui va presque de soi. Il est discret, déterminé, travailleur et ambitieux. Il compte servir son pays et lui offrir ses qualités et ses compétences. Il se spécialise dans l’artillerie lourde et reçoit les compliments de ses supérieurs.
Mais si Dreyfus est le fruit d’une France nouvelle, qui a ouvert les portes de ses institutions à tous ses citoyens, l’État-Major n’aime pas spécialement ces nouveaux venus et reste encore très empreint des stéréotypes centenaires de la « vieille France ». Ces Juifs sont à leurs yeux des “parvenus” qui, s'ils sont brillants, continuent à éveiller méfiance et ressentiment.
Nos Sages le disent en 4 mots : « Kol apossel, bemoumo possel », c'est-à- dire : « Celui qui dénonce chez son prochain une anomalie, la porte en fait en lui-même. » Fine observation psychologique ! Le défaut que je vois chez autrui est en fait enfoui en moi. Et au cours de “l'Affaire”, on découvrira en effet avec stupéfaction, que parmi les hauts militaires français d’alors, on allait trouver des menteurs, des traîtres, des falsificateurs et des espions au service de l’ennemi.
L’Affaire en quelques lignes
En septembre 1894, Mme Bastian, femme de ménage à l’ambassade d’Allemagne à Paris, mais en fait une espionne pour les services secrets français, trouve un « bordereau », déchiré en 6 morceaux, dans une des corbeilles de l’établissement. Le document révèle qu’il existe un traître dans l’armée française, qui fournit à l'Allemagne des renseignements sur l'armement du pays. Le colonel Henry est mis au courant, et fait appel à des graphologues amateurs, qui croient voir une ressemblance entre l’écriture du bordereau et celle du capitaine Dreyfus.
Celui-ci est inculpé sur cette pauvre pièce à conviction, jugé à huis clos par un tribunal militaire, qui truque le procès et fabrique un dossier d’accusation falsifié.
Car Dreyfus, c’est le coupable idéal : juif, c'est-à-dire étranger, Alsacien, c'est-à-dire éventuellement en intelligence avec l’ennemi puisqu’il parle couramment l’allemand, son arrestation arrange tout le monde et surtout permet de garder une image aseptisée et intacte de l’armée française. L’honneur est sauf.
L’Affaire scindera les Français entre dreyfusards et anti-dreyfusards, des familles se déchireront, la presse s’en mêlera, et la rue ne parlera que de ça.
Le capitaine sera dégradé devant 4000 soldats dans la cour de l'École Militaire, et 20 000 spectateurs viendront assister à la fin du traître. On lui arrachera ses galons un à un, et la foule criera “À mort Judas ! Mort au Juif !”, alors qu’on brisera son sabre. Il sera envoyé au bagne à vie, dans des conditions épouvantables, en Guyane, à l'île du Diable.
Dreyfus clamera son innocence pendant les 12 ans que durera l’Affaire. Le grand Émile Zola, persuadé de l’innocence de Dreyfus, dénoncera dans l’éditorial du journal l’Aurore, au titre de “J’accuse”, une machination honteuse et un état-major corrompu. À la suite de cet article, l'écrivain sera inculpé et jugé pour diffamation, mais il obtiendra ce qu’il voulait : que l'on révise le procès du capitaine.
En fin de compte, Dreyfus, sentant qu’il ne pouvait continuer la lutte, vu son état de santé, se suffira de la grâce que lui proposera le président de la République, Félix Faure. Sa réhabilitation totale et son acquittement ne lui seront accordés que 4 ans plus tard, en 1906.
Dreyfus fut réintégré dans l’armée, combattit en 14-18, et mourut dans la discrétion en 1935, à 76 ans. Le véritable traître, Ferdinand Esterhazy, fut acquitté lors d’un procès fantoche, et se réfugia en Angleterre où il coulera ses vieux jours.
Lire en filigrane
L’Affaire aurait pu être une chance pour la communauté juive d’ouvrir les yeux sur le vrai visage d’une société aux apparences éclairées, mais rongée de l’intérieur par un antisémitisme viscéral et une hypocrisie sans fond. Il n’y avait dans ces prestigieuses institutions politiques, judiciaires et militaires ni de vraie justice, ni de liberté, ni d’égalité quand on était juif. C’était un leurre. Sans quelques hommes courageux et décidés à faire jaillir la vérité, l’Affaire aurait été étouffée, et Dreyfus sacrifié sans scrupule sur l’autel de la patrie.
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Comme les premières gouttes de pluie qui annoncent un orage et permettent de s’abriter, l’Affaire, aurait dû être un signal d’alarme pour que le monde juif d’Europe, et particulièrement les richissimes familles assimilées, refassent le point sur leur positionnement par rapport à la société environnante, en repensant leur véritable identité. Mais il n’en fut rien, et aucune leçon ne fut tirée : certains même se convertirent, pensant pathétiquement régler ainsi leur statut.
Compassion minutée
L’Histoire est un instrument de mesure délicat et précis permettant de lire l’actualité. Elle offre à chaque époque des calques qu’il suffit de replacer quelques décennies plus tard pour découvrir en transparence les mêmes mécanismes. Elle permet en zoomant large sur les événements, de tirer des conclusions qui, même si elles sont douloureuses, restent essentielles.
Les nations éclairées, qu’on appelle globalement l’Occident, s’acharnent à rouvrir sans fin, ou tout simplement à ne pas le fermer, le procès du peuple juif.
Pauvre Israël, qui pense que les images insoutenables du 7 octobre vont émouvoir l’opinion publique et la faire pencher de son côté. Les attaques antisémites dans le monde ont décuplé depuis. Et si des manifestations de solidarité existent, où les puissants de ce monde offrent leur compassion à l'État hébreu et condamnent la barbarie, ces déclarations sont sur minuterie, et dès qu'Israël ripostera, nous serons très vite rappelés à l’ordre, pour des “frappes” non proportionnées.
Ne cherchons ni justice, ni logique, ni compassion de leur part et épargnons-nous l’indignation qui monte en nous lors des comptes-rendus faussés, des procès tronqués qu’on continue à faire à Israël. La très prestigieuse Agence-France-Presse, embrasse instantanément le narratif des terroristes sur le soi-disant bombardement d’un hôpital à Gaza par Tsahal et va donner instinctivement plus de crédibilité à des coupeurs de têtes, qu’au peuple d'Israël.
Dans les mains de qui sont nos sources d’informations ?
L’attitude de la société ambiante, éclairée et humaniste, est révélatrice aujourd’hui, comme il y a 100 ans, d'une aversion phénoménale pour le Juif. Dreyfus ne fut jamais suspect : quelle que soit son attitude, il était déjà jugé. Si sa main tremblait, on y voyait sa félonie, s’il se tenait droit, il était présomptueux comme un traître, et s'il s’affaissait, on ne pouvait plus douter de sa culpabilité.
Cette haine vient peut-être nous dire que notre destin en tant qu’individu et peuple, est ailleurs, autre, et qu’il est peut-être temps de revenir à soi.
“Béréchit bara Elokim…” Au début D.ieu créa… (Genèse 1/1)
Et l’immense Rachi de commenter: “Bé-réchit", c’est pour Israël, qui s’appelle Réchit que le monde a été créé…
Ouvrons nos Textes Saints. C’est là-bas que se trouve le seul vrai décryptage de notre destinée.