Bien que l’on ne désire, en aucun cas, en aucune circonstance, dans cette chronique inciter les lecteurs à ressentir des pulsions négatives, il faut, exceptionnellement – si l’on veut « ouvrir les yeux » et donc « voir plus clair » – exprimer notre tristesse devant la haine que suscite Israël dans le monde, que suscitent les fidèles de la Torah dans le peuple juif. Même incitation à la haine, même rejet de l’AUTRE, même refus d’accepter l’existence – non l’idéologie – d’AUTRUI. Tentons d’analyser ces faits, en les présentant d’abord, en expliquant ensuite leurs raisons et leur source, et en essayant de comprendre cette manifestation profonde de la difficulté d’accepter « ce qui n’est pas MOI » !
Présentons d’abord des faits récents : dans la première page du journal orthodoxe Yated Nééman du mardi 16 Mai 2023, deux titres attirent l’attention : « Provocation anti-orthodoxe dans le débat sur le budget » et « Abou Mazen a prononcé à l’O.N.U. un discours de provocation anti-israélien ». Le même terme de « provocation » (« Hassata » en hébreu) est utilisé pour qualifier ces deux évènements. Faut-il y voir un hasard du calendrier, ou un lien idéologique (même inconscient) entre ces deux situations, évidemment non liées apparemment entre elles ? Histoire aussi vieille que l’histoire d’Israël, puisque l’on sait qu’à chaque génération depuis Lavan, le beau-père de Ya'akov Avinou, le but du non-juif est de refuser l’existence du Juif. Avant même la Révélation, 'Amalek voulut empêcher Israël d’arriver au Sinaï. Ne revenons pas ici sur les avatars de la haine du Juif qui traverse l’Histoire de l’humanité, dans la religion, comme dans la société. Shylock, le Juif de Shakespeare, comme Nucingen, le Juif (inofficiel) de Balzac, ou les Juifs de Jean-Christophe de Romain Rolland ne cessent de présenter les travers des personnages juifs ! Silbermann, le héros de Jacques de Lacretelle, est le Juif assimilé, lycéen qui réussit, mais est poursuivi par la société, qui ne peut l’accepter.
Cependant, ce qui nous éveille à nouveau ces jours-ci, c’est que cette aversion du Juif est aujourd’hui relayée par la haine du Juif religieux. C’est lui qui est aujourd’hui l’objet des quolibets et des critiques. C’est cette situation, malheureusement très actuelle en Israël, qui s’impose à notre réflexion. Il est, en fait, fort regrettable qu’un tel fossé sépare les descendants du peuple d’Israël. Mais il ne suffit pas de le regretter. Il importe de réfléchir, et d’éviter cette division en deux peuples : ceux qui continuent un héritage, vieux de trois mille ans, et ceux qui estiment que croire en la Transcendance n’est pas moderne : comment croire encore à de vieilles mythologies, belles dans le passé, mais surannées aujourd’hui ? Tel est le raisonnement actuel de ceux qui ignorent les éléments même du judaïsme. On a vu, il y a quelques mois, un officier israélien reprocher à un soldat religieux d’affirmer sa foi en la construction du Temple et en un avenir messianique. « Ce n’est pas moderne, c’est un messianisme archaïque » prétendent ceux qui n’ont jamais été bercés par les paroles des prophètes d’Israël. Car ne nous trompons pas : les générations actuelles n’ont pas connu les fondements du judaïsme. Les premiers sionistes non religieux avaient encore connu les Yéchivot et le monde de la Torah. Ils ont rejeté ce passé qu’ils connaissaient cependant. Mais ils n’ont pas enseigné la foi d’Israël, et les jeunes d’aujourd’hui sont totalement ignorants. Même le jeune Litwak, dans le livre de Herzl Altneuland, affirme sa foi en D.ieu qui protège le peuple d’Israël, même si, bien sûr, il ignore la Torah. Un député orthodoxe a cru bon d’expliquer que les non-religieux n’aiment pas les orthodoxes parce qu’ils sont « différents » du reste de la population. C’est une affirmation totalement erronée : ce sont les non-religieux qui sont différents. Ce sont eux qui « changent » le message du peuple juif et cherchent à interdire de transmettre la tradition. C’est la raison pour laquelle les budgets des écoles religieuses les excitent tellement. Les établissements d’enseignement laïques sont bien plus richement dotés, et sont beaucoup plus luxueux que les écoles religieuses, mais cela, on refuse de le reconnaître. La haine aveugle, et on utilise tous les arguments contre la Torah, même s’ils ne sont en aucun cas fondés sur des faits.
Il faut, pourtant, dépasser ces calculs mesquins : ce n’est pas le budget qui est l’objet de la querelle. Le vrai motif, même s’il n’est pas toujours conscient, c’est l’absence d’idéologie qui ronge ceux qui ont quitté la seule idéologie juive : l’observance des Mitsvot, la fidélité à la Torah. Quand il y avait encore des idéologies de remplacement – sionisme, socialisme – on trouvait un « remplacement » à la seule idéologie juive. Aujourd’hui, ces « ersatz » d’idéologie n’existent plus. L’absence d’idée constructrice est le ferment réel de cette haine. De même que les nations du monde savent qu’il y a un peuple qui ne s’est jamais assimilé, depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui – et, de ce fait, les nations refusent de reconnaître une existence transcendante, qui les gêne, de même les membres du peuple, qui refusent de s’identifier à la Torah, se sentent coupables, et de ce fait haïssent. La haine est l’expression d’une culpabilité. Israël ne peut survivre que grâce à cette « haine gratuite » qui cause beaucoup de malheurs, mais c’est elle qui doit nous fortifier. Nous avons reçu un message pour le bien de l’humanité. Malgré tous les obstacles – pogroms, autodafés, Shoah ou haine – la Vérité ne saurait s’effacer, ni disparaître. Elle reste souvent discrète, cachée dans l’ombre (étude dans les Yéchivot par exemple), ne s’extériorise pas, mais elle maintient et soutient une histoire millénaire. Cela peut irriter, mais c’est le prix à payer pour connaître l'Être du monde, le SENS de notre Histoire, et pour répandre la vraie Lumière qui est le joyau de l’humanité. Dépassons les obstacles, car nous savons, assurément, qu’il y aura une Rédemption, une Guéoula pour toute l’humanité !