C’est une histoire difficile à narrer tant les doigts tremblent d’émotion sur le clavier.
Un israélien ‘haredi (orthodoxe), Yonatan, résident de Yitzhar en Judée-Samarie et père de 6 enfants, a souhaité faire don d’un rein à une personne plus âgé qu’il ne connaît pas et avec laquelle il n’a aucun lien familial, Oren. Il en va de la survie de ce dernier. « Je n’arrivais pas à trouver un rein », se rappelle Oren. « Des membres de ma famille étaient volontaires, mais ils n’étaient pas donneurs compatibles ». Yonatan est quant à lui donneur compatible mais il apprend qu’un obstacle majeur se pose. Son poids – il est alors obèse – compromet le processus de transplantation rénale. « Pour que je puisse donner mon rein, il me fallait perdre 50 kg ! », s’exclame Yonatan.
Tout le monde pense que le projet de transplantation est annulé. Et pourtant, en dépit de cet obstacle semblant insurmontable, l’amour du prochain et la détermination dont fait preuve Yonatan va lui donner un élan fantastique. Il se lance dans un régime drastique, et il fond littéralement de 50 kg en deux ans ! Sa motivation n’est nullement esthétique, il ne fait pas ce régime draconien pour se pavaner sur la plage, ou ne serait-ce même que pour sa propre santé. Ce régime est uniquement motivé par son souhait inébranlable de sauver son prochain, une personne septuagénaire qu’il ne connaît absolument pas.
Le don de rein se passe remarquablement bien à l’hôpital de Péta’h Tikva, sous la surveillance rabbinique complète du Rav Yéchayahou Héber. Oren est sauvé. Yonatan est déjà rentré chez lui, tandis qu’Oren demeure encore quelques temps en surveillance post-opératoire dans l’établissement hospitalier. Mais Yonatan lui rend visite souvent, ajoutant la Mitsva de Bikour ‘Holim (rendre visite à un malade) à ses actions exceptionnelles. « Il n’y a pas de doute que ce que tu as fait es unique, donner une partie de ta vie à quelqu’un d’autre », confie Oren à Yonatan non sans émotion. « Ce n’est pas seulement un rein que j’ai reçu, c’est une nouvelle famille ».
« Aime ton prochain comme toi-même », nous enjoint la Torah (Vayikra, Paracha Kédochim, 19:18).
Cette mitsva est décrite par Rabbi Akiva comme étant un principe fondamental de la Torah. A tel point qu’Hillel mentionne l’amour du prochain à un candidat à la conversion au judaïsme comme essence de la Torah, le restant de la Torah ne constituant que des explications de ce commandement (Talmud Bavli, Traité Chabbath 31a).
Le geste plein d’altruisme de Yonatan donne aussi un relief particulier au 3e des 5 Livres de la Torah, Vayikra (Lévitique). Ce Séfer explicite entre autres la notion de korban, maladroitement traduite par « sacrifice ». Le korban constituait un sacrifice animal qu’une personne devait apporter en offrande au Beth Hamikdach pour expier une faute, avec l’état d’esprit que ce qui arrive à l’animal aurait dû arriver à la personne, explique le Ramban. Or, en hébreu, la racine de korban est la même que kirouv, signifiant « rapprocher ». Quand une personne comme Yonatan se mue elle-même en korban par amour d’Hachem, de Ses Saints commandements et de son prochain, la personne donne sa quintessence, le meilleur et le plus pur d’elle-même. D’une certaine façon, elle dépasse son état animal et s’élève aux côtés d’Hachem, véritable partenaire à Ses côtés.
Enfin, Yonatan, véritable tsadik, illustre parfaitement aux yeux du monde la valeur unique que revêt la vie dans le judaïsme, au point qu’un danger qui pèserait sur elle (Pikoua’h Néfèch) nous fait repousser toutes les injonctions de la Torah.
Puisse ce geste sans pareil donner un éclairage nouveau à notre vie et à notre pratique des Mitsvot !