Motsaé 'Hag Pessa'h, à la tombée de la nuit, après Havdala et la vaisselle, je suis sortie avec les enfants pour notre traditionnel "petit tour" dans le quartier.
Tiens ! En s'approchant de la route principale, boulevard Golda Meir, à l'endroit du passage pour piéton, il y a un attroupement. Au loin, on entend des sirènes de police et d'ambulances qui hurlent et se rapprochent. Les faisceaux lumineux rouge-bleu de leurs phares coupent cruellement l'obscurité. Je serre la main de mon petit. Que s'est-il passé ?
C'est le passage pour piétons que mes enfants empruntent 4 fois par jour pour se rendre au Talmud Torah et à la Yechiva. Je ne l'aime pas. De loin, très souvent, j'entends, même depuis ma cuisine, le crissement de freins sur cette route. Et quand les enfants tardent à rentrer, mon cœur se serre.
Nous nous approchons des lieux. Il y a eu un accident. L'attroupement se fait plus dense et la police écarte maintenant les curieux et délimite l'endroit avec des longs rubans rouges.
Nous percevons des bribes de conversations venant de la foule. Un homme dit : "Il est grièvement blessé. C'est la tête qui a été touchée". Un autre dit : "C'est le petit Bigueleisen de Ramot 4, il traversait avec son grand frère".
Haim Binyamin ben Chochana Raizel, comme nous l'avons nommé lors de toutes les Téfilot qui ont eu lieu pour sa Réfoua Chéléma (guérison), est mort ce dimanche matin suite à ses blessures, à l'hôpital Cha'aré Tsédek de Jérusalem, deux mois et demi après qu'une voiture l'ait fauché alors qu'il traversait sagement au passage pour piétons.
Il avait 11 ans et sa jeune vie a été brutalement interrompue par un chauffard.
11 ans. La vie devant lui. Ses parents sont des gens de bien et dans le quartier, on les connaît. Ils organisent régulièrement une distribution de denrée alimentaires pour les familles nécessiteuses.
Le petit Binyamin aurait dû grandir entouré de ses frères et sœurs aimés, de ses chers parents et de ses enseignants qui l’appréciaient tant pour ses bonnes Midot (traits de caractère), son sérieux dans l'étude, et sa joie de vivre. Il aurait dû continuer à aller au 'Héder du quartier, puis, à la joie de sa famille, aurait dû fêter sa Bar Mitsva et entrer en Yéchiva Ketana. On lui aurait fait une fête.
Mais il n'a pas eu le temps de fêter sa Bar Mitsva, d'acheter son chapeau et son joli costume.
Le conducteur qui l'a renversé était très pressé ce soir-là. Il a brûlé un feu rouge et roulait à 90 km/h. L'enfant a été éjecté à plusieurs mètres. Le coup a été très violent sur la carrosserie, et le chauffeur, affolé par ce qu'il venait de faire, a encore appuyé sur l'accélérateur et s'est enfui. La police a mis 4 jours à le retrouver. A 22 ans, il va avoir de longs mois à réfléchir sur les conséquences de son acte. Il va avoir toute la vie pour y réfléchir.
Je suis une maman, une piétonne et une conductrice.
Comme toutes les mamans, je prépare le repas de midi pour mes enfants et les attends. Je les guette et un retard prolongé m'inquiète. Et quand j'entends leurs pas au loin, la porte de la barrière de ma cours qui grince, je suis rassurée.
Et si un retard m'inquiète, c'est que la piétonne que je suis, en vois de toutes les couleurs.
Pas plus tard qu'avant hier, un conducteur affable freine pour me laisser traverser à un passage pour piétons. Je m'engage. Une deuxième voiture arrive derrière mon conducteur et commence à le klaxonner nerveusement. Ce klaxon voulait dire : "Avance !! Pourquoi la laisses-tu passer ?!".
Je me souviens que lorsque j'ai passé mon permis, à 19 ans, mon professeur de conduite m'avait dit : "Le passage pour piéton C'EST UN MUR ! Infranchissable ! Il faut attendre que la personne ait les 2 pieds sur le trottoir d'en face pour redémarrer doucement".
Lorsque moi-même je suis au volant et que je freine pour laisser passer un piéton qui s'engage sur un passage, je jette immédiatement un regard dans mon rétroviseur, pour vérifier que le chauffeur derrière moi a bien calculé l'éventualité que j'ai ralenti et ne va pas me "rentrer" dedans. Car, derrière moi, peut se cacher un chauffard potentiel. Je le sais.
Que ces quelques lignes soient Lé'ilouy Nichmat Haïm Binyamin ben Chochana Raïzel. Que son âme repose en paix au Gan Eden.
Et tout à l'heure, conducteurs et conductrices, je vous demande, je vous supplie, lorsque vous prendrez le volant, souvenez-vous un instant, Lé'ilouy Nichmato, que la route est dangereuse, qu'une voiture est une arme, que rien ne presse vraiment, et que la vie de nos enfants est beaucoup, beaucoup trop précieuse...