Au début du 20ème siècle, avant la Révolution communiste, le Tsar de Russie avait fait un geste démocratique, en faveur de la population juive de Russie, et les autorisa à élire des députés juifs. Les autorités rabbiniques désirèrent décourager les Juifs d’être élus à la Douma, le Parlement russe. Ils utilisèrent un verset des Téhillim : « Les morts ne louent pas l’Éternel, ni ceux qui sont descendus dans la Douma » (Téhillim 115,17). Il va de soi que la lecture immédiate signifie que les morts, ceux qui sont dans « l’empire du silence », ne peuvent pas louer l’Éternel. « Douma » est de la même racine que le terme « Domèm », « silencieux », verbe employé à propos d’Aharon, le jour de la mort de ses deux fils : « Vayidom Aharon » – Aharon garda le silence (Vayikra 10,3). Le silence d’Aharon fut considéré comme un mérite. Il accepta le verdict divin, sans exprimer aucune récrimination, et cela est dit à titre d’appréciation de l’attitude d’Aharon. Alors, le silence est-il une façon de louer l’Éternel, ou est-ce le moment – la mort – où l’on ne peut plus s’exprimer ? À plusieurs reprises, dans le livre des Psaumes, il est rappelé qu’après cette vie, on ne peut plus louer l’Éternel. « Dans la mort, Ton souvenir est effacé ; dans la tombe, qui Te rendra hommage ? » (Psaumes 6, 6) ou encore : « Éternel, je T’invoque, je Te supplie ! Que gagnes-Tu, si mon sang coule, si je descends dans la tombe ? La poussière Te rendra-t-elle hommage ? Exprime-t-elle Ta vérité ? » (la reconnaissance du Créateur ; 30, 10). Mais, par ailleurs, le Psalmiste dit : « Pour Toi, c’est le silence qui est Ta louange » (65, 2).
Il semble que la situation actuelle et les manifestations qui sont essentiellement dirigées contre le public religieux expliquent et traduisent ces diverses réactions. D’une part, on s’attaque à la Torah, on détruit les meubles du rabbinat, en Suède, on veut brûler la bible hébraïque. L’existence CONCRÈTE des Juifs, de l’observance, dérange. Alors on s’agite, on fait du bruit, on empêche les trains de fonctionner, la vie de continuer ! N'est-ce pas ici une manifestation extérieure du souhait de voir les valeurs juives détruites, de refuser cet héritage de l’Antiquité qui dérange la modernité ? On va jusqu’à refuser la démocratie, quand elle ne nous convient pas ! Ces symboles d’une mythologie caduque doivent disparaître, disent-ils. Actuellement, les manifestations sont le résultat de cet acharnement à détruire le passé. Mais, grâce à D.ieu, l’inverse existe : sans bruit, sans manifestation, sans s’affirmer à l’extérieur, l’étude, la prière, la louange au Maître du monde continuent et se développent. Quelques centaines d’étudiants – selon l’appréciation des premiers gouvernants – sont devenus des dizaines de milliers qui poursuivent – sans RIEN CHANGER, sans BRUIT – un héritage vieux de plus de 3000 ans ! Quel peuple peut se glorifier, dans la vie moderne, dans une époque où tous les luxes sont offerts, d’avoir des membres qui préfèrent se contenter de vivre dans des conditions difficiles pour exalter la louange de l’Éternel, pour reconnaître Son œuvre ? Seul, un peuple habitué à la spiritualité peut se conduire ainsi : refuser les acquis d’une modernité, se laisser considérer comme parasites, inutiles dans une société hyper-technicisée. Ils savent, cependant dans l’ombre, dans le silence, qu’ils continuent une tradition, qu’ils constituent une chaîne qui remonte au début de l’Histoire. C’est ici que le silence est riche de signification. C’est d’eux que parviendra, réellement, la louange au Créateur, et qui amènera la Guéoula, la Rédemption finale.