Toute la famille Cohen se préparait avec émotion à fêter la Bar Mitsva de leur fils lorsque la ville de Beitar est entrée en confinement. D’un coup, tous les projets se sont effondrés, la salle et les invités ont été annulés, et on se résignait déjà à une fête mini-comité, mini-ambiance, et maxi désappointement…
Mais c’est ne pas connaître Reb Moché David Cohen, le père de famille, conducteur de bus de la compagnie « Kavim », qui a alors décidé de transformer le citron - et son acidité - en citronnade !!!
Comment ?
Avec beaucoup d’imagination et un cœur grand comme ça… Ecoutons-le :
« Lorsqu’on a entendu la nouvelle du confinement, j’ai dit à mon fils Chnéor Zalman, que je l’emmènerai au terminal des autobus de la ville, et qu’on boira là-bas « Lé’haïm » en petit comité, pour son grand jour. Mais c’était un camouflage. J’ai pris mon fils dans le bus, et à chaque station, à sa stupéfaction et à son immense joie, ses amis, un à un, sont montés ; à l’une des stations, ce sont ses Rebbés (enseignants du Talmud Torah) qui sont montés, et à une autre, les membres de la famille. J’avais tout orchestré. En fait, dans une salle, nous étions limités à 10 personnes, alors que, dans le bus, nous pouvions être 30 selon les directives du Ministère de la Santé. A chaque station, des cris de joie s’élevaient et un nouvel invité montait dans le bus de la joie !! Son Rav a pris le micro pour faire un discours aussi chaleureux qu’enthousiaste. On a roulé dans la ville, de station en station, plus de deux heures. Ce fut un moment inoubliable et je crois que mon fils n’oubliera jamais ce formidable évènement... »
En route pour le Temple…
Les habitués de ce chauffeur pas comme les autres, ne s’étonneront pas vraiment de cette histoire. Depuis qu’il a pris le volant, il y a de cela quelques années, il a transformé son véhicule en autobus de Mitsvot et de bonne humeur. Cela commence avec un sourire pour chaque nouveau passager, puis une invitation à un verre d’eau fraîche (coin préparé à cet effet dans le bus), à prendre un feuillet de Chabbath, « Si’hat Hachavou’a », et ça continue lorsqu’il chantonne des airs ‘hassidiques tout au long du voyage, de sa belle voix, en faisant régner une atmosphère de calme et d’élévation spirituelle.
Sa première tournée du matin, en direction de Jérusalem, il la commence par ces mots : « Bonne journée et bienvenue aux passagers de la ligne 298… Je rappelle à ceux qui ont l’habitude de dire « Tefilat Hadérèkh » (prière sur la route) que nous venons de quitter Beitar. A votre service, il y a ici, dans le petit frigidaire, des bouteilles d’eau fraîche. Respectons chaque passager et gardons l’endroit propre. J’espère de tout cœur qu’en chemin, nous serons obligés de changer l’itinéraire, dû à l’arrivée de notre Machia’h, et que nous nous dirigerons directement vers le Beth Hamikdach. En attendant… très bonne journée à vous tous ! »
Après 40 ans…
« Un conducteur serein, nous dit Reb Cohen, rend les passagers sereins. Je sens que chaque tournée est pour moi l’occasion de faire plaisir, d’agrémenter le voyage et même d’aider mes passagers. Jamais je n’aurais pensé qu’on puisse faire autant de bien avec un autobus… »
Sa gentillesse et sa bonne humeur sont contagieuses. Au terminal, à la pause, il propose aux autres conducteurs de mettre les Téfilines, et ainsi devient partie prenante d’histoires incroyables.
Une parmi tant d’autres est celle d’Anatoly, 53 ans, de l’équipe technique de la compagnie Kavim. Lorsque Reb Moché David lui a proposé de mettre les Téfilines, ce dernier lui a répondu : « Je ne suis pas religieux, je n’ai pas besoin... ». En fait, cet homme ne les avait jamais mis.
En parlant avec Reb Moché David, Anatoly s’est radouci et a dit qu’il voulait « essayer ».
« J’ai couru acheter des boissons et des gâteaux et on lui a fêté sa Bar Mitsva dans une ambiance indescriptible de joie et de convivialité », raconte Reb Cohen, la voix vibrante, encore imprégnée de l’émotion du moment.
Chers passagers…
Cet hiver, Reb Moché David s’est rendu sur la tombe du Rabbi de Loubavitch, à New York, avec, dans sa main, un sac plein de lettres. « Ce sont les lettres de mes passagers, nous dit-il. Je leur ai raconté que j’avais l’intention de venir ici, et à chaque trajet, ils m’ont apporté leurs lettres contenant toutes leurs demandes. Mes passagers, je les aime ! J’essaie de me soucier d’eux, pas seulement dans le matériel... »
Au cours de l’année, sa trajectoire prend la couleur du calendrier juif.
En Eloul, il sonne du Chofar (pas en conduisant, bien sûr !), à ‘Hanouka, il entonne les « Nigounim » de la période et suspend des décorations lumineuses, et à Pourim, pas besoin de vous le décrire, la fête bat son plein dans son bus.
« Les réactions et les lettres de remerciements que je reçois me montrent à quel point un accueil chaleureux et un petit mot personnel sont si importants », dit-il.
Rendre une activité triviale (a priori...) en une occasion sans cesse renouvelée de faire le bien, c’est là son formidable message.
Merci, Reb Moché David, de nous en donner un si bel exemple !
Traduit et adapté par Jocelyne Scemama (Si’hat Hachavou’a, Parachat Vaét’hanane)