Bonjour, je m’appelle Myriam, j’ai 36 ans et 6 merveilleux enfants, Baroukh Hachem. J’ai longtemps été passionnée par mon métier de journaliste, rien ne me plaisait plus que de découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles personnes ! Et mon mari, qui travaillait à horaires fixes, prenait sans problème le relai quand je devais être à l’extérieur. Jusqu’à ce jour où j’ai pris une décision qui a littéralement changé ma vie…
Lorsque je faisais de nouvelles connaissances, dans le voisinage, aux fêtes d’école, j’attendais avec impatience la fameuse question : “Vous faites quoi dans la vie ?” tant j’étais fière de mon métier. Ça a duré 6 longues et belles années. Puis, un jour, mon mari a perdu son emploi. Pendant quelques mois, j’ai pu garder mon rythme de travail, le temps qu’il retrouve un autre poste avec les mêmes conditions que le précédent, mais force a été de constater qu’il ne trouvait pas. Après maintes réflexions, on a décidé qu’il lancerait sa société, et que, de mon côté, je prendrais une année sabbatique pour lui permettre de se plonger à fond dans son travail. Cette décision, que je pensais temporaire au début, a littéralement changé ma vie et celle de mes enfants.
Au début, le passage a été délicat. Même si j’adorais passer du temps avec mes enfants, je languissais un peu l’adrénaline des interviews des personnes haut placées, je languissais ma course contre la montre autant que mes tailleurs et talons. Lorsque ces fameuses nouvelles connaissances me posaient LA fameuse question, je répondais un peu gênée : “J’étais journaliste, j’ai pris une année sabbatique, je suis en pause”. Je n’arrivais même pas à dire : “Je suis mère au foyer”, et changeais immédiatement de sujet.
Durant toute cette année de pause officielle, je me suis posée énormément de questions, je me surprenais très souvent à comparer ma vie d’avant à ma vie actuelle. Et même après, il m’arrivait par moment d’éprouver certains doutes jusqu’à il y a quelques semaines… où mon fils a lu cette lettre, lors de sa soirée de Bar-Mitsva. Pour la première fois, j’ai ressenti une certitude. Celle d’avoir fait le bon choix...
« Maman, je sais que tu n’aimes pas être sous les feux des projecteurs, mais aujourd’hui, c’est un jour bien trop important pour que je rate l’occasion de te remercier en public. Aujourd’hui, alors que je deviens ton petit homme, comme tu aimes m’appeler, je veux que tu entendes ce que nous, tes enfants, nous pensons de toi, même si on ne te le dit jamais. Cette partie, nous l’avons écrite, tous les enfants ensemble, parce que là, il ne s’agit pas de ma fête, mais de la tienne maman, aujourd’hui, tu récoltes le fruit de tes nombreux efforts et sacrifices. (Déjà là, j’étais décomposée, mais je continue.) On a su par papa que tu étais journaliste avant que tu deviennes maman, et pas une simple journaliste, tu avais un avenir prometteur, mais tu as décidé, sans aucune hésitation, ça aussi, on le tient de papa, d’abandonner ta carrière et tout ce que cela implique, pour t’occuper de nous. Ça veut dire quoi, t’occuper de nous ?
C’est être là à chaque moment de nos vies, c’est partager nos joies sans nous les voler, tu souris de loin quand tu vois l’un de nous réussir, on sait qu’à l’intérieur, tu exploses de bonheur, mais tu restes discrète pour nous laisser à nous, le bonheur et la fierté dans son entité. C’est essuyer nos chagrins. Par contre là, tu prends tout pour toi, tu ne nous laisses rien à nous. Et on sait que même plusieurs heures après que nos larmes aient séché, les tiennes continuent de couler. C’est t’assurer qu’il ne nous manque jamais rien. Je veux parler des chaussettes pliées dans nos tiroirs, des papiers signés pour nos sorties, des goûters soigneusement emballés dans nos cartables, mais je veux aussi parler de nos Middot (traits de caractère), notre confiance en nous, nos valeurs. Tu t’assures qu’il ne nous manque rien pour devenir des adultes forts, équilibrés et respectueux de leur prochain. Dès que tu vois ou entends quelque chose qui te déplait, qui ne devrait pas se passer dans notre maison, tu nous le dis avec amour, bienveillance et humour. Qu’est-ce qu’on aime rire avec toi maman ! Qu’est-ce qu’on aime te voir rire ! Lorsque toi tu vas bien, notre maison entière va bien, notre monde est stable, on se sent forts et prêts à affronter n’importe quoi.
T’occuper de nous, c’est accepter qu’on soit tous différents, avec des forces et des faiblesses particulières. Tu ne nous mets jamais en situation d’échec, tu fais en sorte de nous demander des choses qui sont dans nos capacités et qui nous rendront fiers de nous-mêmes.
T’occuper de nous, c’est sentir une odeur de brioches quand on monte dans les escaliers à 16h, ce n’est pas juste par gourmandise ou gloutonnerie que je te dis ça, tes brioches sont certes excellentes, mais elles sont aussi et surtout réconfortantes. Quelques fois, on revient d’une journée d’école pas évidente, où l'on s’est fait agresser de telle ou telle façon, on a pu avoir une altercation avec un copain ou un professeur, mais lorsqu’on rentre et on sent l’odeur chaleureuse de notre maison, tous les nuages se dissipent et tous les problèmes s’envolent. T’occuper de nous, c’est passer des heures à réviser avec nous les devoirs, et nous forcer à nous arrêter et nous détendre après, alors que toi, tu enchaînes tes tâches ménagères. T’occuper de nous, c’est être patiente devant le petit de 3 ans qui essaye de faire tout seul ses lacets, quitte à ce qu’il rate le bus scolaire et que tu l’accompagnes toi après à pied. C’est vrai, ta matinée de pseudo-liberté est écourtée, mais quand tu le vois sautiller avec fierté tout le long de la route, tu le dis toi-même, ça n’a pas de prix. T’occuper de nous, c’est deviner quand ça ne va pas, c’est surveiller avec finesse et diplomatie que nous restons dans le bon chemin, que nous ne nous faisons pas influencer ni embêter. T’occuper de nous, c’est laisser à papa un esprit libre pour étudier, un esprit libre pour travailler, car il sait que tu es là pour nous, que tu ouvres l’œil et tends la main. Tu es toujours là maman, mais tu sais aussi accepter les moments où l'on a besoin d’être seuls, de réfléchir par nous-mêmes. Tu le respectes et tu nous accordes cette liberté tout en veillant et tout en rappelant qu’au besoin, tu es là.
Maman, je vais m’arrêter là, non pas par manque de matière, car j’en aurais encore beaucoup plus à dire sur toi et sur tout ce que tu fais pour nous, mais par pudeur, car je ne veux pas dévoiler à tout le monde que j’ai la meilleure maman du monde. »
J’ai longtemps hésité à partager cette lettre parce que je ne voulais pas qu’on se méprenne sur mes intentions. Je ne veux en aucun cas ni me lancer des fleurs, ni jeter la pierre aux mamans qui travaillent à l’extérieur. Que ce soit par besoin ou par envie, chacune est libre de faire ses choix et de prendre les décisions qui lui conviennent le mieux. Et j’ai même envie de rajouter qu’on peut être femme active sur le terrain, et femme au foyer dans le cœur. Être femme au foyer ne veut pas forcément dire rester à la maison pour s’occuper de sa famille. À mon sens, être femme au foyer veut dire donner la priorité à son foyer, savoir que là est l’essentiel, que l’on passe 8 heures dans un bureau ou qu’on ne quitte pas son salon de toute la journée.
Mon intention, aujourd’hui, est toute simple. Je veux que les mamans qui ont fait le choix de rester à la maison pour s’occuper de leur famille, soient fières d’elles-mêmes. Je veux qu’elles relèvent la tête, qu’elles redressent leurs épaules, je veux qu’elles comprennent leur importance, je veux qu’elles n’éprouvent plus de honte à dire « Je suis femme au foyer ». Je veux qu’elles vivent pleinement leur statut et non pas qu’elles y survivent. Il ne s’agit aucunement d’être la “bonne à domicile”, ou de ne servir à rien d’autre que faire à manger et passer la serpillère. Vous êtes en train de construire vos enfants, vous êtes en train d’offrir un avenir meilleur au monde. Vous êtes en train de prendre en main vos responsabilités sans laisser à personne d’autre (copains, voisins, enseignants…) le soin d’élever et d’éduquer vos enfants. Et même si aujourd’hui, vous avez l’impression que votre quotidien n’a rien d’extraordinaire, que lors des réunions familiales, vous restez peut-être silencieuse autour de la table, pensant que vous êtes celle qui en a le moins à raconter, soyez assurée que cette place que vous avez choisie est unique.
Je ne sais pas si je reprendrais un jour un travail, peut-être quand les enfants auront grandi ? Mais à ce jour, je profite de ce qui est pour moi le plus beau métier du monde…
Béhatsla’ha à toutes les mamans !