Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !
Dans l’épisode précédent : Sophie, marquée par son voyage en Pologne, avec l’association dans laquelle elle travaille, se découvre un lien plus fort avec Hachem et poursuit sa Téchouva. De retour à Paris, elle fait une découverte qui lui permet de relancer l’enquête sur la recherche des tableaux de son grand-père.
Elle savait qu’il était déjà tard dans la soirée, mais elle était tellement excitée par sa découverte qu’elle ne pouvait pas attendre le lendemain matin pour faire part de ses recherches. Et la première personne avec qui elle avait envie de partager ses informations, c’était Yoël Kissler.
Après s’être assurée qu’elle ne le dérangeait pas et s’être excusée pour l’heure tardive de son appel, elle lui dit dans un même souffle :
“Mon enquête peut repartir ! Devinez ce que j’ai découvert !
- Je vous écoute Sophie, vous m’intriguez, dit-il en riant.
- Vous vous souvenez que cette histoire de fausse journaliste me perturbait ? Depuis le début, j’avais le sentiment que quelque chose clochait : pourquoi une journaliste s’était mise à accompagner ma tante partout, alors qu’elles se connaissaient à peine ? Comment se faisait-il que si c’était une journaliste du magazine le plus connu du milieu artistique, or personne ne la connaissait ? Pourquoi avait-elle dit qu’elle était journaliste, alors qu’elle n’avait jamais reçu sa carte de presse ?
- En effet, ça fait beaucoup de questions…
- Sans parler du fait qu’elle a disparu sans laisser de trace, quelques temps après que ma tante aie fait son voyage en France.
- Oui, c’est curieux, mais quel rapport avec votre enquête ?
- Ne vous moquez pas de moi Yoël, mais j’ai eu comme un pressentiment que cette journaliste avait un lien avec le tableau de mon grand-père. Et ce soir, alors que je regardais pour la énième fois la lettre que ma tante avait écrite il y a des années, celle dans laquelle elle accusait un inconnu de l’avoir volée et trahie, je me suis attardée sur l’enveloppe. Le dessus était arraché et l’adresse du destinataire était barrée de la mention “inconnu à cette adresse”, mais j’ai fini par réussir à lire l’adresse, et je me suis demandée si on pouvait retrouver une personne à partir de cette information.
- Et donc ?
- Et bien j’ai rappelé le journaliste du magazine ArtPress et je lui ai posé la question. Bien-sûr il ne savait pas où avait vécu Ingrid Florange, parce qu’il ne la connaissait pas assez à l’époque et que tout ça remontait à loin, mais il m’a donné le contact de l’ancienne secrétaire administrative.
Grâce à D.ieu, non seulement elle a une mémoire d’éléphant, mais elle a tout consigné dans des petits cahiers. Elle m’a confirmé que l’adresse d’Ingrid Florange était bien celle que je lui avais donnée.
- Donc, si je comprends bien…
- Vous comprenez bien Yoël ! Ingrid Florange était la destinataire de la lettre ! C’est elle qui a volé et trahi ma tante Ida ! Je suis sûre que cette femme sait où se trouvent les autres tableaux de mon grand-père !
- Mais quelle détective vous faîtes Sophie ! Bravo ! Qu’allez-vous faire maintenant ?
- Euh...à dire vrai, j’étais tellement préoccupée par cette histoire d’adresse, que je n’y ai pas réfléchi.
- Autrement dit, vous n’en avez aucune idée ?
- Oui, on peut dire ça comme ça.
- Ok, alors laissez-moi vous aider. Connaissez-vous le CVIS ? Il s’agit de la Commission pour l'Indemnisation des Victimes de Spoliations. Ils s’occupent entre autres de restituer les œuvres spoliées aux Juifs pendant la Shoah.
- Pourquoi ne pas m’en avoir parlé avant ?
- Parce que je ne savais pas si cette information serait utile, sans indice pour remonter la piste de la spoliation. Maintenant que vous avez un nom et une adresse, je vous envoie le numéro de téléphone de mon amie Sarah Silberman, elle travaille là-bas”.
Une fois de plus, Yoël était l’homme de la situation, pensa Sophie qui contacta donc Sarah Silberman quelques jours après. Celle-ci déjà prévenue par Yoël, l’invita à la rencontrer dans son bureau.
Lors de leur rencontre, Sophie remarqua que tout comme sa patronne Myriam Uzan, Sarah gardait ses cheveux couverts sous un fin bonnet. Grâce à Myriam, Sophie comprenait maintenant ce que cela signifiait et pourquoi la femme juive protégeait sa chevelure des regards extérieurs, pour la réserver uniquement aux yeux de l’élu de son cœur. D’abord surprise par cette explication, cette idée avait peu à peu fait du chemin dans l’esprit de Sophie, qui admirait de plus en plus la beauté de ce geste.
Quand elle eut fini de raconter toute son enquête à Sarah, qui avait pris des notes sans interruption, Sophie se tut et Sarah lui dit sur un ton affirmatif :
- A mon avis, Ingrid Florange n’est pas son véritable nom.
- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
- Pour l’instant, rien, mais d’expérience, ce ne serait pas surprenant. Beaucoup de personnes ont changé leur nom après la guerre, surtout s’ils voulaient se détacher du passé.
Sophie fut plus que étonnée par cette remarque et sans même se retenir, lui dit :
- Je n’y crois pas ! Pour quoi faire et puis, on ne peut pas changer son nom comme ça !
- Ah oui ? demanda Sarah avec malice, puis elle ajouta : et bien jusqu’il y a encore quelques années, tout le monde m’appelait Sandrine.
Sophie tomba des nues ! Comment cette femme devant elle, (qui n’avait rien d’une voleuse), avait pu avoir l’idée de changer de nom ? Elle brûlait de lui poser la question, mais se sentait tellement mal à l’aise d’avoir été aussi franche un instant plus tôt, qu’elle n’osa pas. Sarah sentit son embarras.
- Je vous rassure, je n’ai pas commis de crime, ni volé de tableau dans ma jeunesse. J’ai fait Téchouva il y a quelques années et plus je me rapprochais de la pratique du judaïsme, plus j’avais le sentiment que mon prénom Sandrine - qui n’est pas un prénom Juif - ne reflétait pas ma Néchama, mon âme.
- Et cela change quelque chose de prendre un nouveau prénom ?
- Bien sûr ! De la même façon qu’un petit garçon qui vient au monde fait une alliance avec Hachem, le jour de sa Brit-Mila, le fait de rajouter un prénom hébraïque est également une sorte d’alliance avec le Maître du Monde. Non seulement on se sent pleinement juive, mais en plus on peut changer son Mazal, sa destinée !
- Je ne le savais pas…
- Pour en revenir à notre fausse journaliste, je vous propose de lancer une recherche dans notre base de données avec les informations que vous m’avez données. Cela peut prendre du temps, nous avons des milliers de noms référencés, dans différents pays.
- Je vous remercie beaucoup pour votre aide Sarah. Si je peux me permettre, pourquoi ce prénom ?
- Parce que c’est notre matriarche et c’est elle qui symbolise le mieux la générosité et j’avais envie justement d’orienter ma vie dans ce sens. Plus j’avançais dans ma Téchouva, plus j’avais envie de me rendre utile dans ma communauté et d’aider les autres.
- C’est magnifique !
- Ce ne sont pas des paroles en l’air. Depuis que j’ai ajouté le prénom Sarah et que je me fais appeler ainsi, je me sens comme investie d’une force supplémentaire.”
Cette rencontre était étonnante à plus d’un titre et laissa Sophie songeuse. Elle ne pouvait s’enlever cette question de la tête : quelle était la nature des relations entre Yoël et Sarah ? L’amitié ? Elle avait passé l’âge de croire que cela pouvait exister entre hommes et femmes. D’un autre côté, elle avait repoussé Yoël quand il lui avait suggéré un Chiddoukh, donc elle était mal placée pour poser des questions et satisfaire sa curiosité. N’ayant pas d’autre choix, elle chassa ce sujet de sa tête.
Elle se remémora la discussion au sujet des prénoms avec Sarah. Celle-ci avait éveillé sa curiosité. Elle profita de son appel hebdomadaire à la Rabbanite Margalite pour lui raconter les dernières avancées de son enquête et lui poser des questions au sujet de l’ajout d’un prénom :
- Oui, c’est quelque chose qui se fait fréquemment chez nous. Soit parce qu’une personne n’a pas reçu de prénom hébraïque à sa naissance, ou alors dans certains cas - que D’ieu préserve - pour rallonger la vie ou sauver d’une maladie, on ajoute certains prénoms en particulier.
- Et c’est compliqué à faire ?
- Non ! Pas du tout, répondit la Rabbanite dans un éclat de rire. Il suffit de se rendre à la synagogue et d’en parler au Rav, qui fait alors la même prière que lorsqu’on nomme une fille à sa naissance. Ce n’est pas plus difficile que ça.
- Je vois…
- Vous voulez rajouter un prénom hébraïque Sophie ?
- Et bien… je ne sais pas trop. Surtout que ce sont mes parents qui m’ont donné ce prénom et qu’ils ne sont plus là aujourd’hui. Mais je n’ai jamais su pourquoi ils avaient choisi “Sophie” et je dois dire que le récit de Sarah qui parlait de sa Téchouva a fait écho en moi. C’est une très belle idée ! Mais il faut savoir qu’on ne choisit pas un prénom à la légère. Connaissez-vous le Rav Kaniewski, le grand de notre génération ? Il est très méticuleux quand il s’agit de choisir un prénom, parce qu’il sait grâce à son immense savoir en Torah, combien cela impacte notre Néchama.
- A ce point ? Alors comment faire pour choisir ?
- Rassurez-vous, ce n’est pas si compliqué. Il faut juste laisser les prénoms exotiques et à la mode de côté et se concentrer sur les prénoms que l’on trouve dans notre sainte Torah.”
Cette conversation sur les prénoms laissa Sophie songeuse et curieuse.
On approchait la mi-août à présent et le travail à l’association avait ralenti pour causes de vacances d’été. Myriam avait annoncé que le bureau allait fermer la 2ème quinzaine du mois et Sophie n’avait aucune idée de ce qu’elle allait bien pouvoir faire pendant deux semaines.
Cette histoire de prénom lui trottait dans la tête, sans qu’elle ne sut lequel choisir, si jamais elle devait choisir. Serait-elle une Esther, une Rachel ou encore une Judith ?
Toute à ses pensées de prénoms, elle ne s’aperçut qu’après un long moment que son téléphone n’arrêtait pas de sonner !
- Sophie, bonjour c’est Sarah Silberman. Je m’excuse d’insister, mais on vient de
trouver quelque chose et je pensais que vous voudriez l’apprendre sans perdre de temps.
- Bonjour Sarah, euh oui en effet, qu’avez-vous trouvé ? C’est au sujet de Ingrid Florange, c’est ça ?
- Oui ! Figurez-vous qu’on avait perdu sa trace au début des années 80, quand votre tante avait tenté de la recontacter en vain.
- Exact, elle a disparu apparemment du jour au lendemain d’après ses anciens collègues. Vous savez ce qu’elle est devenue ?
- Vous êtes assise, Sophie ? D’après les résultats de notre recherche, au moment-même où votre tante lui a envoyé la lettre, Ingrid Florange se trouvait...en Israël !”
La suite la semaine prochaine...