Découvrez la course-poursuite palpitante de Sophie en quête de son héritage, au cœur d'une enquête qui lui fera découvrir la beauté du judaïsme. Suspens, humour et sentiments... à suivre chaque mercredi !
Dans l’épisode précédent : De retour à Paris, Sophie se rend dans la galerie d’artiste où sa tante avait acheté le tableau de son grand-père, des dizaines d’années plus tôt. Elle découvre que sa tante était accompagnée d’une journaliste, qui semble avoir disparu depuis. Pendant ce temps, Yoël Kissler, le charmant religieux du musée de Jérusalem lui propose de commencer un Chiddoukh à son retour en Israël. Sophie hésite...
“Sophie bonsoir, tout va bien ? Vous m’appelez au sujet des tableaux ? Je n’ai pas trouvé les informations que je recherche.
- Euh, oui tout va bien… mais ce n’est pas au sujet des tableaux que je vous téléphone, mais du Kiddoukh.
- Du Chiddoukh ?
- Ah oui, c’est ça… désolée, je ne parle pas vraiment l’hébreu. Oui, alors, euh…” (Ça y est, elle sentait que son courage s’était fait la malle au moment où elle avait entendu sa voix au téléphone et maintenant elle se sentait ridicule à bégayer, heureusement que sa fille n’était pas là pour assister à la scène). Elle respira un grand coup et reprit un peu de contenance : “Je vais répondre non à votre très gentille proposition.”
Il y eu quelques secondes de silence de l’autre côté du téléphone, puis Yoël répondit :
“Je ne vous cache pas que j’aurais espéré une réponse positive. Etes-vous sûre de votre décision ?”
Il avait répondu avec une telle douceur, que Sophie se demandait justement si elle avait pris la bonne décision.
“Oui, je suis désolée.
- Bon, ce n’est pas grave… Alors, si vous me permettez, je… je vous recontacterai pour vous donner les informations sur le numéro de série. Bonne soirée.”
Sophie raccrocha et n’en menait pas large. La Rabbanite Margalite lui avait parlé de Emouna, cette confiance absolue que D.ieu veille sur nous et nous aide, mais comment ressentir cette confiance ?
Trois jours après, Yoël tint sa promesse et rappela Sophie. Elle n’eut pas le temps de parler pour lui dire qu’elle regrettait de lui avoir causé une déception, que déjà il lui faisait part de ses recherches concernant le numéro inscrit au dos du tableau peint par son grand-père et qui pouvait laissait penser que d’autres toiles existaient quelque part. Comme le lui avait dit le vieux galeriste qui avait vendu le tableau de son grand-père 30 ans plus tôt, il s’agissait bien d’un numéro qui indiquait qu’il appartenait à une série, mais Yoël n’avait pas réussi à trouver plus d’informations. Il semblait que les autres tableaux s’étaient volatilisés.
“J’ai contacté les maisons de vente comme Drouot, qui a vendu beaucoup de tableaux ayant appartenu à des Juifs et spoliés par les Nazis, mais ils n’ont aucune trace dans leurs archives.
- Et qu’est-ce que ça signifie ?
- Il y a plusieurs possibilités. Soit ils ont été détruits, soit ils ont été conservés dans un même endroit depuis toutes ces années. Ce qui est sûr, c’est qu’ils n’ont jamais été repérés dans le circuit officiel. Et ça, c’est étonnant, parce que ce que je ne vous ai pas dit Sophie, c’est qu’en faisant mes recherches, j’ai découvert que votre grand-père Shmulik Grinbaum était connu dans le milieu artistique avant la guerre, il avait même une cotte.
- Une cotte ?
- Oui, ça signifie qu’il avait été repéré par les marchands d’art et que son travail avait de la valeur.
- Oh…”
Sophie ne s’était jamais imaginé que son grand-père ait pu être un artiste en devenir… parti sans avoir pu révéler au monde son talent, comme 6 millions d’autres.
“ Sophie, vous êtes toujours en ligne ?”
La voix de Yoël la tira de ses pensées, décidément elle allait de surprise en surprise, à mesure qu’elle cherchait à en savoir plus sur les peintures de son grand-père.
“Sophie, avez-vous pu récolter des informations dans la galerie que je vous ai indiquée ?
- Oui, il s’agissait bien de la galerie dans laquelle ma tante Ida avait trouvé le tableau (Sophie était rassurée de reparler de l’enquête, c’était un sujet de conversation neutre). Avant de quitter Jérusalem, la cousine de mon père, Iréna, m’a parlé d’une journaliste française, Mme Florange, que ma tante Ida avait rencontré pendant son séjour à Paris et qui l’accompagnait dans les musées. Et ce matin, quand j’étais à la galerie, M. Dorville m’a montré les documents de la vente du tableau et figurez-vous que j’ai reconnu le nom de Mme Florange, qui s’était portée garante, à l'époque, lorsque ma tante a acheté le tableau.
- C’est très bien, cette journaliste pourra sûrement vous renseigner sur l’enquête de votre tante si elle a passé du temps avec elle.
- Justement, quelque chose me chiffonne. M. Dorville m’a dit qu’il ne l’avait jamais rencontrée avant, ni n’a jamais revu cette journaliste après. Et je me posais la question de savoir si dans le monde de l’art on se connaît tous ?
- Tous, non je ne pense pas, répondit Yoël. Mais c’est vrai qu’entre les galeries, les artistes et les marchands d’art, c’est un petit milieu. Vous savez pour qui cette femme travaillait ?
- M. Dorville m’a dit qu’elle était journaliste pour ArtPress.
- Alors là ! C’est très curieux en effet.
- Pourquoi ?
- Parce qu’il s’agit du magazine d’art le plus connu dans le milieu. Tout le monde connaît et suit assidûment ses revues et critiques de ses journalistes, depuis des années. En effet, c’est étrange.”
Sophie ressentit un frisson d’appréhension en entendant Yoël. Ce n’était pas son genre pourtant de se fier à son instinct, mais elle sentait que quelque chose clochait.
“Sophie si vous le souhaitez, je peux vous retrouver le contact d’un ou deux journalistes que j’ai connus et qui ont travaillé pour le magazine. Peut-être qu’ils connaissent cette Madame Florange. Ce serait bien que vous puissiez les rencontrer avant votre retour en Israël.
- Mon retour… mon retour en Israël ?”
Sophie était sous le choc. Déjà quand il lui avait proposé un Chiddoukh, il lui avait dit “quand vous serez de retour”, où était-il allé chercher l’idée qu’elle ne resterait pas en France ?
“Yoël, mais… je n’ai pas prévu de revenir !
- Ah bon, j’ai dû mal comprendre.” Pourtant, tout dans la voix de Yoël semblait dire le contraire. Sophie sentait qu’il n’était pas du tout convaincu par ses propos.
“Je vous recontacte dès que je retrouve le numéro des journalistes. En attendant, qu’avez-vous prévu de beau ce Chabbath ?
- Chabbath…?” Yoël rit franchement : “Mais oui, c’est déjà demain.”
Il y a des fois où quand on raccroche le téléphone, on se dit qu’on a passé un bon moment à échanger, à rire, avec son interlocuteur. Ce n’était pas un de ces moments.
D’abord Sophie n’était pas plus avancée avec cette mystérieuse journaliste. Et puis, elle avait dit non à Yoël, qui ne s’était pas vexé, alors pourquoi se sentait-elle si mal ?
Et comment avait-elle pu oublier Chabbath ? La semaine était passée si vite !
Tout se mélangeait dans sa tête et devenait de plus en plus énigmatique.
Le lendemain, Sophie n’était pas plus avancée, mais décida de se concentrer sur Chabbath. Elle se rendit dans le Marais chez un traiteur Cachère. Puis, elle repassa devant la librairie où elle s’était arrêtée des semaines plus tôt et décida d’y entrer. Elle se souvenait de l’étrange titre du livre qui l’avait attirée, ce fameux jour où elle avait perdu son emploi. Le titre était “Ein Mazal LéIsraël”. Intriguée elle décida de l’acheter.
De retour chez elle, elle appela sa fille qui rayonnait de bonheur de l’autre côté du téléphone en lui racontant ce qu’elle vivait au séminaire et ses aventures avec ses amies. En raccrochant, Sophie sentit une boule dans sa gorge. Non pas qu’elle aurait voulu avoir sa fille près d’elle, parce qu’elle savait combien elle profitait. Mais elle sentit d’un coup la nostalgie d’Israël, de Jérusalem, de la Rabbanite Margalite...
Sophie plaça les bougies de Chabbath devant la fenêtre du salon. Elle avait envie de reproduire ce qu’elle avait vu à Bayit Vagan, de retrouver cette sensation inédite de sérénité. Elle repensait aux paroles d’Iréna et de sa fille, qui disaient combien elles avaient vécu une vie en dehors du judaïsme, parce que les Nazis avaient tout volé à leurs familles, y compris leurs identités. Est-ce que c’était dû à l’enquête sur les tableaux, à son héritage familial ? Peu importait la raison, même seule, même dans son appartement parisien, elle voulait vivre un nouveau Chabbath, parce que seulement à ce moment, elle se sentait complète, sereine.
Elle qui avait trop souvent souffert de solitude ne se sentit étrangement pas oppressée sans musique, ni télé, ni ordinateur.
Après le repas, elle eut l’idée de commencer son livre “Ein Mazal LéIsraël”. Elle avait acheté le livre juste pour le titre, qui lui avait rappelé l’expression de sa tante Ida, sans comprendre le thème : le destin des Juifs n’est pas tracé. Le livre commençait par une question : “avez-vous la Emouna” ? Elle rit intérieurement, on aurait cru entendre la Rabbanite Margalite parler et elle pensa à Yoël. Ses peurs avaient pris le dessus sur ses sentiments, est-ce que cela signifiait qu’elle n’avait pas d’Emouna ? L’auteur poursuivit son introduction : “Le manque d’Emouna c’est vouloir des réponses immédiates à nos questions. La Emouna véritable, c’est accepter qu’on ne reçoit pas de réponse à nos demandes et continuer de penser que c’est bien ainsi, parce que D.ieu sait ce qu’Il fait et qu’en fin de compte, nous réaliserons que tout cela était pour notre bien, uniquement pour notre bien”.
Jamais Sophie n’avait lu quelque chose qui la bouleversa autant que ces phrases. Comme si c’était directement dirigé vers son âme. Elle sentait que tout était tellement vrai et en même temps, c’était comme si une porte s’ouvrait vers de nouveaux horizons plus grands et plus beaux. Elle en fut profondément bouleversée.
Si remuée qu’elle ne lâcha pas son livre de tout le Chabbath, qui passa en un instant ! Il faisait déjà nuit depuis un moment quand elle termina son livre et elle se sentait si différente. Elle venait de prendre une grande décision et se sentait aussi excitée qu’angoissée.
Quelques jours après, Yoël rappela Sophie, fidèle à sa promesse, pour lui communiquer le contact d’un ancien journaliste d’ArtPress qu’il avait connu personnellement et qui avait travaillé au journal au début des années 80.
Sophie nota consciencieusement le nom du journaliste et son numéro de téléphone. Puis, après avoir remercié Yoël, elle ajouta : “Yoël, Chabbath dernier j’ai repensé à notre dernière conversation et...”
La suite la semaine prochaine...