Dans notre quartier, on a l’habitude d’accueillir chaque nouvelle accouchée avec des plats faits maison, livrés à domicile. À l’annonce d’une naissance, une grande chaîne de ‘Hessed s’organise et la maman reçoit un repas par jour pendant deux semaines et deux Chabbath complets. Ne serait-ce que pour ça, ça vaut le coup d’accoucher !

C’est une action qui me touche beaucoup parce qu’elle relève de la A’hdout (unité) du peuple d’Israël et qu’elle est vraiment salvatrice ! Lorsqu’on a presque pas dormi de la nuit et qu’on tremble de sommeil, quelqu’un toque à la porte avec une barquette de spaghettis à la bolognaise, ça réchauffe le cœur !

Aujourd’hui, je prépare un couscous pour une jeune femme que j’aurais catégoriquement refusé d’aider il y a encore quelques mois. Elle s’était mal comportée avec une amie et, avec mon côté un peu d’Artagnan, je l’avais condamnée à vie ! Finalement, avec le temps, j’ai pris du recul. Mon amie lui avait pardonné et moi non ? Je regrettais finalement de l’avoir jugée si durement, si c’était à refaire j’aurais agi différemment.

Ce genre de regrets, on en éprouve régulièrement, pour des choses plus ou moins importantes. Et pourtant parfois, on avait reçu un bon conseil, celui qui nous aurait permis de faire le bon choix. Mais on ne l’a pas écouté, sciemment ou pas. Depuis l’adolescence, on reçoit toutes sortes de conseils de personnes plus âgées ou plus expérimentées. Ils les justifient par leur expérience de vie, prétextant qu'ils veulent nous épargner les mêmes erreurs que les leurs. Mais souvent, on est persuadé d'être le seul capitaine à bord de notre vie, avec une parfaite maîtrise de là où on veut aller. Hors de question qu’on s'immisce dans notre existence ! Parfois on regrette cette impétuosité et parfois, au contraire, on se félicite de s’être fait confiance.

Certaines personnes sont plus enclines à écouter les conseils. Cela peut leur éviter des problèmes et leur faire gagner du temps. Mais attention, rares sont ceux qui disposent des qualités nécessaires pour nous conseiller vraiment, à savoir : avoir de l’expérience, ne chercher que notre bien et s’adapter à notre profil. Car un mauvais conseil, en revanche, peut mener à une catastrophe.

S’il y a bien une personne à qui on aurait demandé son avis dans nos jeunes années, c’est notre moi actuel, quel que soit notre âge. On lui aurait demandé à qui faire confiance, quelles opportunités professionnelles saisir, quelles erreurs ne pas commettre, etc. Et notre moi de maintenant aurait déjà préparé une longue liste de réponses à toutes ces questions et d’autres encore. Incluant aussi les numéros gagnants de l’EuroMillions ou l’idée de créer la crypto-monnaie avant 2008 !

Est-ce qu’on aurait aidé son moi plus jeune en lui servant tout sur un plateau, sans risque de se tromper, sans avoir le courage de se lancer, sans qu’il puisse prendre ses responsabilités ?

J’ai entendu une fois, d’une grande dame : « La vie, c’est le brouillon ». Cela comprend de jolies phrases, d’autres plus banales et certaines qu’on arrive plus à lire tant elles sont raturées. Mais le problème avec le brouillon, c’est qu’il n’y a pas de session de rattrapage. Pas de copie finale à rendre ensuite, propre et bien alignée où on aurait gardé le meilleur. Ce qu’on rendra, ce sera notre brouillon. Tel quel. Déprimant, non ?

Aux yeux d’Hachem, notre brouillon n’apparaît pas tel que nous le voyons. Certaines ratures sont au contraire stabilotées en jaune fluo avec écrit « Bravo ! » à côté. D’autres gribouillis disparaissent carrément de la page. Pourquoi ? Parce qu’on a fait une vraie Téchouva sur nos fautes. Et pour le reste, même si certaines choses paraissent ratées à nos yeux, on les aura pourtant réalisées en donnant notre maximum. C’est là-dessus qu’Hachem nous juge, pas sur le résultat.

Parfois, en revanche, c’est vraiment dommage. On aurait pu s’éviter certaines chutes en prenant, par exemple, conseil auprès de ceux qui s’appuient sur des milliers d'années de sagesse, grâce à l'étude de la Torah. Une expérience qu’il serait dommage de ne pas exploiter. Le Da’at Torah acquis par les Rabbanim versés dans l’étude, leur permet de répondre à toutes sortes de questions plus ou moins complexes : des interrogations sur le sens des épreuves, jusqu’à des conseils pour se retenir de remettre en place sa belle-mère ! Si j’avais demandé à mon Rav comment agir à l’égard de celle à qui je tenais rancune, il m’aurait répondu que je ne pouvais pas prendre position puisque je n’étais pas là au moment des faits et que je n’avais pas recueilli les deux versions. Mon amie n’avait peut-être pas très bien agi non plus, ce qui expliquerait sans légitimer ce que l’autre avait fait. Et je dois avouer, avec le recul, qu’il aurait eu raison.

Alors j’espère qu’avec ma marmite de couscous que je porte fièrement jusqu'à la porte de la jeune maman, “ex-ennemie”, ma Téchouva sera acceptée. Moi, à sa place, j’en aurais quand même sûrement donné un peu aux chats du quartier avant, juste pour vérifier que ça ne soit pas empoisonné :)