L'autre jour j'ai vu une vidéo de rav Fanger. Elle m'a fait l'effet de la "Madeleine de Proust". Ceux qui ont bûché sur "À la recherche du temps perdu" pour leur bac, se souviennent du héros, qui goûte une madeleine et est soudain submergé par ses souvenirs d'enfance. Et bien cette vidéo a fait ressurgir en moi des souvenirs enfouis depuis des années que je voudrais partager avec vous, car ils contiennent un message de première importance.
Le Rav explique à quel point nous sommes vulnérables et comment une femme mariée peut sombrer, presque malgré elle, dans l'abîme...
Il raconte : ça commence par un Chalom Bayit un peu boiteux, pas entretenu et ça finit par un collègue qui, en vous voyant arriver au travail, vous dit : "Miri, mais qu'est-ce c’est que cette petite mine…? C'est pas possible. Je te fais un café...". Rav Fanger imite la situation à la perfection, met en garde, et j'ai cru alors voir ce qui m'est arrivé il y a 10 ans…
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Je me suis mariée à 18 ans. Mon mari a été mon premier Chiddoukh. À 20 ans j'étais déjà maman de deux adorables petits garçons. Mais notre couple n'était pas entretenu, nous nous laissions vivre. Les cadeaux, le feu d'artifice des fiançailles, le tourbillon de la soirée du mariage ont vite disparu, engloutis dans le train-train du quotidien.
Les enfants ont grandi et j'ai commencé à travailler avec des non-Juifs. J'ai découvert un nouveau monde. J'étais partie à 18 ans du cocon familial pour vivre directement avec mon mari. Pas de séminaire, pas de stage, aucune relation avec le monde.
Au travail, j'ai découvert un monde si nouveau, si attrayant !! Les hommes et les femmes étaient mélangés. Les femmes étaient “émancipées”, libres, capables, elles pouvaient même diriger tout un service. La première fois qu'un homme m'a serré la main, je savais que c'était interdit mais encore une fois je n'ai pas réfléchi, et je n'ai pas refusé ! Je pensais que ce n'était que serrer une main, presque un acte passif. Mais ce n'était pas "que"...
J'ai découvert le plaisir de faire partie d'un groupe, d'une société, de recevoir des compliments... Ahhh ces fameux compliments... Je ne savais pas ce que c'était. Alors, lorsque j'ai reçu le premier compliment d'un collègue, j'ai senti comme une renaissance. J'ai senti ma place dans son cœur. Tous les jours je me faisais de plus en plus belle pour lui, je me sentais exister grâce à lui. Et un jour, au lieu de me serrer la main, il s'est approché de moi. Le gouffre était béant, à mes pieds. Et le vide était si attirant...
Mais si le diable fait les casseroles, il ne sait pas leur mettre des couvercles
La Providence divine m'a protégée et de façon éloquente...
Prise dans une sorte de vertige incontrôlable, j’ai accepté un rendez-vous en dehors de notre lieu de travail. Mais ce jour-là… en quittant la maison, j'ai pris par erreur le portable de mon mari qui, lui, a pris le mien, bien sûr.
Et là, il a tout vu… Les échanges, les mails, les messages Whatsapp...
Je crois que lorsque je me suis rendue compte que mon portable était chez mon mari, j'ai ressenti cette "honte" qui anéantit. Vous n'êtes plus rien, pulvérisée, disloquée, indigne, déshonorée jusqu'au tréfonds de votre être.
La reconstruction avec mon mari a été très longue et elle m'a demandé des myriades d'efforts sur plusieurs mois et d'innombrables pardons. J'ai dû prouver que j'étais à nouveau digne de sa confiance. Les enfants ont beaucoup souffert et j'ai tellement regretté de leur avoir fait vivre tout cela…
Mon mari, très intelligemment, au lieu de m'entretenir dans la culpabilité et le regret, s'est lui aussi remis en question. Il m'a demandé ce qu'il me manquait. Il a fait des efforts remarquables. Il ne voulait plus qu'aucun homme ne puisse me rendre heureuse à sa place ! Aujourd'hui je peux dire qu'il a réussi ! Cela n'a pas été l'histoire d'un jour mais de plusieurs mois, voire des années.
Si j'ai tenu à partager mon histoire avec vous c'est parce qu'elle contient plusieurs messages de vie très importants.
Mais avant tout, je voudrais vous dire, de mon vécu, à quel point les règles de Yi’houd qui entourent et protègent la femme juive sont essentielles, à quel point ces règles ont compris le fonctionnement et la vulnérabilité de l’être humain. Oui ! Une anodine poignée de main peut mener loin. Oui, avant de travailler dans un milieu laïc, non juif, ou même religieux mais mixte, il faut demander à un Rav.
Si dans mon cas, je peux dire qu’au bord du précipice j’ai été sauvée, je sais que malheureusement d’autres ont sombré. Et ces “dérapages” ne mènent pas seulement à la destruction d’un foyer, mais également à la destruction psychologique d’êtres humains, broyés dans leurs remords. How fragile we are ! Chaque femme (chaque homme) honnête avec elle (lui)-même le sait très bien.
Voici les 3 principaux messages qui, je pense, sont à retenir de mon histoire :
"Hachem ne se trompe jamais de mari ou de femme". Ne croyez pas que par erreur vous vous êtes mariée avec lui - ou marié avec elle - et que dans d'autres conditions (par exemple avec plus de maturité), vous auriez choisi un autre conjoint. Faux !
La vérité est que cet homme (ou cette femme) m'était destiné(e) et la Providence me l'aurait mis sur mon chemin quoi qu'il en soit. Et ce dans tous les domaines de la vie. Les gens qui vous entourent et les incidences qu’ils auront dans votre vie sont inévitables.
C’est l’axiome premier : L'acceptation.
Sans ça, on restera d’éternels insatisfaits, incapables de s’investir car toujours dans le doute. Mais attention, cela ne veut surtout pas dire passivité.
Et là je passe au deuxième message qui est : Ne pas se laisser porter par la vie.
Toute relation humaine à laquelle on tient, s’entretient ! Elle demande réflexion et investissement. Si un problème surgit, on doit s’en occuper et ne pas le laisser s’installer.
Il faut savoir se poser les questions. Pourquoi en suis-je arrivée là ? Pourquoi mon mari n'est pas pour moi le plus important ? Mon couple ne vaut-il pas plus cher que tout ? Chercher, si besoin, de l'aide lorsque la situation n'est pas simple. L'importance étant d'identifier le problème au lieu de l'occulter et de se mentir, car la négligence mènera infailliblement a une gangrène.
Le dernier point sur lequel j'aimerais insister est : Ma responsabilité.
Dans un différend, on a toujours tendance à penser que c'est l'autre qui a tort. Mais ce qu'il faut se demander, c'est comment moi, à mon niveau, avec mes moyens, je peux améliorer la situation, trouver des solutions. Parfois, face à des personnes qui ne veulent pas se remettre en question, nous ne sommes pas prêts à faire le premier pas. Mais si moi, je décide de changer certaines choses, alors j’enclenche un mécanisme positif.
Pas seulement parce que la nature le veut, mais parce que Hachem nous y aidera. Il faut considérer que si moi je fais le premier pas, Hachem fera le deuxième. Ce n'est plus mon mari ou ma femme, ou mon collègue ou mon patron, ou les impôts ou ma voisine ou ma mère ou ma belle-mère, qui sont en face de moi… mais Hachem Lui-même qui gérera la situation si moi je suis prête à me lancer et à faire le premier pas !
Voilà mon histoire. Merci de m'avoir lue. J'espère avoir été comprise et que les messages qui me sont si chers aujourd'hui ont été clairement expliqués. Et si mon récit aura pu aider ne serait ce qu'une femme, j'en serais profondément heureuse.
Jocelyne Scemama, d’après un témoignage reçu (anonyme).