Mon fils rencontre des difficultés avec ses devoirs scolaires. Il se trouve bête, et j’ai beau lui dire que ce n’est pas le cas, rien n’y fait ; ça le contrarie davantage. Mon enfant se plaint parce que tous ses amis ont des iPod et des télévisions avec écrans plats, et pas lui. Tout ce que je lui réponds le fait rouler des yeux et taper du pied. Pour ma fille, tout devient une grande tragédie : ses cheveux, sas amies, ses notes. Comment lui apprendre ce qui important dans la vie ?
Le rav Israël Salanter affirme qu’un enfant qui joue avec son bateau et qui le voit se casser ressent la même chose qu’un commerçant qui voit toute sa marchandise se noyer. Il nous faut comprendre ce principe : les enfants et adolescents prennent très à cœur les problèmes qui surviennent dans leur monde. Cela peut sembler sans importance (ce n’est qu’un jouet, ce n’est qu’une note, c’est une journée difficile, et puis on n’a pas toujours ce que l’on veut), mais c’est ravageur pour eux. Ils ne parviennent pas à passer outre leurs (apparemment) petites difficultés ; les arbres leur cachent la forêt.
C’est là que nous devons intervenir, c’est notre rôle – les aider à regarder l’image dans son ensemble. Comment y parvenir ?
Selon Thomas Gordon, auteur de La formation à l’efficacité parentale, nous devons pénétrer dans leur monde et regarder les choses à leur façon. Il nous faut être compatissants. Ce n’est qu’avec de l’empathie que nous pouvons aider nos enfants à surmonter leurs problèmes et à en sortir avec leurs propres solutions.
Sans nous en rendre compte, nous dénions les sentiments de nos enfants au lieu d’être à l’écoute et d’y réfléchir – qui sont deux ingrédients clés de la compassion.
Quand un enfant dit « J’ai chaud », le parent répond souvent : « Mais non, il fait froid ici, garde ton pull ! » Un enfant peut dire : « Je déteste mes cheveux » et entendre pour réponse, par son parent très bien intentionné : « Tes cheveux sont très beaux… » Quand ils insistent, le parent répond : « Qui va te regarder de toutes les façons ? » Quand un enfant rencontre des difficultés scolaires et dit : « Je suis nul en maths », un parent aimant dira : « Mais non, tu es très intelligent ! » Tous ces exemples montrent comment un parent peut, à son insu, rejeter les sentiments de son enfant.
Ce déni peut être dédaigneux et sévère : « Tu n’as pas besoin de iPod, ça coûte trop cher. » Mais cela peut aussi se faire plus gentiment, avec les meilleures intentions : « Tu as plein d’amis et tu travailles beaucoup, tu n’auras même pas le temps d’utiliser ton iPod ! » Cela peut se présenter comme une leçon de morale inopportune : « Les iPod sont utilisés par des personnes égoïstes qui ne se soucient pas de l’environnement ; et puis les écouteurs peuvent nuire à ton ouïe. »
Peu importe comment vous vous y prenez, cela reste un déni de sentiments et provoque colère, contrariété et conflits et cela empêche toute communication. Résultat final ? Roulement d’yeux, conversations interrompues, mauvaise humeur et éclats de voix.
Repensez à la fois où après une dure journée, vous vous êtes confiée à une amie qui vous a répondu : « Oh, ce n’est pas si terrible ! » ou « Tu t’énerves pour une journée difficile… », ou « Et oui, c’est la vie ! » Sa réponse fut contrariante et vous avez regretté de vous être confiée à elle. Ce dont vous aviez besoin à ce moment, c’était de la compassion et non de la philosophie, des conseils ou un déni de vos sentiments.
Je suis, un jour, allée à des chiva (visite que l’on rend à un endeuillé durant ses sept premiers jours de deuil) chez une dame dont la mère avait subi une grave attaque et qui était décédée peu après. Quelques femmes présentes avaient traversé cette épreuve et avaient dû s’occuper d’un parent ou de leur conjoint gravement malade durant une longue période. En guise de réconfort, elles dirent : « Mieux vaut qu’elle soit partie rapidement ; tu n’as pas eu besoin de la voir souffrir, c’est mieux ainsi. » Je suis persuadée qu’elles avaient les meilleures intentions, mais leur consolation était déplacée. Qu’importe comment elle est partie ? Rapidement ou pas, qu’est-ce que ça change ? Elle avait besoin d’entendre : « Je suis désolée, j’ai tellement de peine. Je suis là pour t’aider à passer cette épreuve, si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas. »
La Michna de Pirké Avot (6 : 6) liste la compassion, nossé béol im ‘havéro, parmi les 48 moyens d’acquérir la Thora. Voici quatre excellentes méthodes qui nous montrent comment faire preuve d’empathie et comment l’utiliser dans toute relation.
- Prêtez la plus grande attention, et regardez votre interlocuteur. Répondez par intervalles, par des sons montrant votre prévenance (« Oh ! Vraiment ! Ouah ! ». N’interrompez pas la personne pendant qu’elle parle ; laissez-la se dégager.
- Donnez un nom à ses sentiments : « Tu sembles tellement contrarié/bouleversé/épuisé/en colère/gêné », ou « Ce doit être dur ! »
- Verbalisez ses rêves : « Tu rêverais d’avoir tous les jeux de Toys ‘R Us ! », « Tu aimerais bien avoir cours deux jours par semaine et que le week-end dure cinq jours. »
- Employez des termes empathiques comme : « C’est triste », ou « Quel dommage ! » et demandez « Que vas-tu faire ? »
Ces méthodes vous apprennent à être à l’écoute. Elles donnent aux enfants des mots qui décrivent leurs caractères et les émotions qu’ils ressentent.
À l’enfant qui rencontre des difficultés scolaires, nous pouvons verbaliser ses sentiments : « Tu sembles contrarié. Ces devoirs te fatiguent ». Réalisez ses rêves de façon imaginaire : « Tu aimerais bien que ce soit plus facile pour toi. » Compatissez et demandez-lui ce qu’il va faire : « C’est dur ; qu’est-ce que tu aimerais faire ? » Vous allez certainement obtenir comme réponse : « Je vais peut-être demander à Lévi de m’aider, il s’y connaît bien en la matière. »
Vous pouvez vous sentir gauche quand vous commencez à utiliser ces méthodes. Mais quand vous vous y habituerez, vous verrez les luttes quotidiennes avec vos enfants disparaître. Vous serez étonnés de voir comment vos enfants deviennent responsables et sont capables de résoudre tous seuls leurs problèmes.
Adina Soclof