J’ai reçu la semaine dernière une lettre d’une veuve qui se lamentait sur le statut de célibataire de son fils de quarante-cinq ans. Elle écrivait qu’elle avait du mal à comprendre pourquoi un si grand nombre de célibataires avait des difficultés à trouver leur élu(e) et à fonder un foyer juif. Dès qu’elle essayait d’aborder ce sujet avec son fils, il balayait ses questions en déclarant : « Ne t’inquiète pas, maman, lorsque l’élue se présentera, je te tiendrai au courant. » Elle cherchait spécifiquement des réponses aux questions suivantes : a) A quel point les parents doivent-ils exercer une pression sur leurs enfants pour faire un Chidoukh ?, b) Quand et où tracer une ligne ? A quel moment pouvez-vous dire : « J’ai fait ce que j’ai pu, et maintenant il/elle doit se débrouiller seul. » ?, et c) Pourquoi les jeunes gens ont-ils peur aujourd’hui de s’engager au mariage ? Voici ma réponse :
"Chère amie,
Il n’y a peut-être jamais eu dans toute l’histoire juive autant de célibataires qui auraient dû être mariés, mais qui sont en réalité célibataires. C’est probablement l’un des problèmes les plus épineux de la communauté juive. Bien entendu, de nombreuses familles bien intentionnées, des individus, des synagogues, ainsi que divers organismes ont déployé des efforts concertés pour résoudre ce problème, mais parfois, leurs bonnes intentions ont eu l’effet inverse. Dans les zones métropolitaines, où réside une grande concentration de jeunes Juifs, être célibataire est devenu un mode de vie. Les invitations à des repas de Chabbath et de Yom Tov sont facilement accessibles, et un système de réseautage social très actif est en place. On pourrait s’imaginer que tous ces programmes entraînent dans leur sillage une prolifération de Chidoukhim, mais c’est souvent le contraire ; cette vie sociale très active rend la vie de célibataire gérable, et pour certains, même agréable.
Tout ceci ne veut pas dire que ces célibataires ne préféreraient pas être mariés, qu’ils ne trouvent pas leur situation déprimante par moments, mais ce que je dis, c’est qu’il est radicalement différent de faire partie d’un cadre social qui partage les mêmes intérêts, que de vivre à la maison avec ses parents (comme c’était le cas des générations précédentes). Tout simplement, la pression de fonder son propre foyer n’est désormais plus présente.
Le revers de toutes ces activités pour célibataires est que lorsque vous cherchez à présenter des jeunes gens, la réponse la plus fréquente est la suivante : « Je le/la connais. Il/elle est très sympathique, mais nous sommes juste amis. »
De plus, j’ai relevé une maladie affective qui est de plus en plus présente chez les célibataires, c’est la « phobie de l’engagement ». Elle se manifeste surtout chez les jeunes hommes âgés de trente ans ou plus (les jeunes femmes sont parfois aussi touchées, mais en général, elles désirent se marier, veulent un foyer et des enfants). Sur le plan intellectuel, ces jeunes hommes désirent se marier, avoir des enfants et fonder des foyers ; mais sur le plan émotionnel, ils sont paralysés. De nombreux facteurs alimentent cette peur… Il y a tant de mariages malheureux, tant de divorces de nos jours, que l’idée du mariage devient effrayante - alors, ils rencontrent sans cesse des jeunes filles dans le but de se marier. Mais le moment venu où ils doivent prendre l’engagement ultime, ils paniquent et tentent de justifier leur incapacité à s’engager par des excuses du type : « Je t’aime, mais… », « Nous avons des problèmes à résoudre… ». Ils sont parfois victimes d’une inertie, ou d’un excès de confiance, ou bien ils se sont habitués à leur indépendance… Ils voudraient théoriquement partager leur vie avec un conjoint, mais, dans la pratique, ils ont du mal à franchir le pas. Nos Sages nous ont prévenu que les enfants doivent se marier jeunes, alors qu’ils sont encore souples et capables de progresser ensemble.
Autre raison qui bloque les célibataires d’un certain âge : ils ont eu trop d’expériences dans le passé et ne peuvent s’empêcher de faire des comparaisons. Ensuite, il arrive que les célibataires ne soient pas réalistes. Ils sont à la recherche de « la femme/l’homme de leur rêves », et ne prennent pas le temps de se regarder eux-mêmes.
Je pourrais encore continuer, mais cette analyse ne vous aidera pas à apaiser vos angoisses. J’ai une profonde empathie pour vous : rien n’est plus perturbant pour une mère que de savoir que ses enfants ne sont pas stables… et le contraire est également vrai.
Vous demandez à quel point vous devez vous investir. Autant que possible ! C’est votre raison d’être en tant que mère. Le travail d’une maman ne se finit jamais ! Je comprends que vos amis vous ont recommandé de vous désinvestir de toute cette affaire, mais une mère juive ne fonctionne pas sur ce modèle.
Les parents doivent être des entremetteurs actifs pour leurs enfants. Ils ne peuvent simplement espérer au mieux et déléguer toute leur responsabilité à des professionnels. Vous avez bien fait de contacter le Rav pour qu’il intervienne en faveur de votre fils. Continuez dans ce sens.
Il est vrai que votre fils a quarante-cinq ans, mais une maman n’a jamais fini d’œuvrer pour ses enfants. Vous pouvez également lui suggérer de me contacter. Puisse D.ieu vous aider à le conduire rapidement sous la ‘Houppa."