Cela fait plusieurs semaines que nous abordons les Chidoukhim dans cette rubrique ; nous avons surtout évoqué les défis auxquels sont confrontés les célibataires pour trouver leur âme sœur.
Mon mari, de mémoire bénie, m’avait raconté qu’avant la Shoah, son père, le révéré sage, le Rav et Gaon Hatsadik Ocher Anshil Halévi Jungreis zatsal, avait tenté de trouver un Chidoukh pour sa fille, la sœur aînée de mon mari. Elle était exceptionnellement belle, intelligente, talentueuse et dotée de traits de caractère exemplaires. Ses actes de bonté étaient légendaires, mais malgré toutes ces données, ils avaient énormément de difficultés à trouver un conjoint pour elle.
La raison était simple : la condition préalable pour obtenir un bon Chidoukh à l’époque était que la famille de la jeune fille offre une dot substantielle. En tant que rabbin qui subsistait difficilement sur un maigre salaire, mon beau-père parvenait à peine à nourrir sa famille et ne pouvait offrir la dot que les parents de garçons exceptionnels cherchaient à obtenir pour leurs fils.
Privé de choix, mon révéré beau-père s’adressa à divers membres de sa communauté, en expliquant sa situation, et demanda une hausse de salaire. Ils étaient tous sensibles et compréhensifs envers la situation de leur rabbin bien-aimé. Le soir tant attendu de la réunion communautaire arriva, et, de manière incroyable, sa requête fut rejetée.
Imaginez-vous la terrible déception. Tentant de comprendre ce qui était allé de travers, le frère aîné de mon mari, le Rav Hagaon Moché Nossen Notte, s’exprima sur un ton railleur : « C’est comme le Bassar et le ‘Halav (la viande et le lait) : séparément, ils sont Cachères, mais en les combinant, ils deviennent Taref, impropres ! »
Et, tragiquement, ma jolie belle-sœur fut conduite à Auschwitz sans avoir connu la joie de passer sous la ’Houppa.
Pourquoi ai-je choisi de vous raconter cette histoire tellement douloureuse ? La réponse devrait être évidente. Chaque génération fait face à ses propres défis. Malheureusement, trouver le bon conjoint n’est pas un phénomène nouveau, ce problème ne se limite pas au monde actuel.
Nous, le peuple juif, avons toujours été conscients des difficultés énormes inhérentes à cette recherche. Dès la naissance d’un enfant, nous bénissons sa venue par une merveilleuse bénédiction : « Létorah, Lé’houppa, Ouléma’assim Tovim - puisse cet enfant vivre une vie de Torah, passer sous la ‘Houppa et incarner les bonnes actions. »
Un jour, alors que cette bénédiction était prononcée lors d’une Brit-Mila, j’entendis une jeune femme dire en riant à une amie : « Nous, les Juifs, c’est tout autre chose. Ce pauvre enfant vient tout juste de naître et nous nous préoccupons déjà de son Chidoukh ! »
« Pardonnez-moi, lui dis-je, j’ai surpris votre conversation. Vous avez tout à fait raison. Dès le moment de la naissance, nous implorons le Saint béni soit-Il de guider notre enfant vers son conjoint désigné d’avance, car c’est la tâche la plus écrasante de l’humanité ; le défi est si grand qu’il peut briser un homme et laisser des marques indélébiles sur les générations futures. »
Il se trouve que même lorsque nous souhaitons Mazal Tov, nous comprenons que ce souhait doit se doubler d’une prière afin que D.ieu accorde aux parents le mérite de voir leur enfant sous la ‘Houppa. C’est un cadeau qu’aucun parent juif ne prend pour acquis. La Torah elle-même en est témoin, en relatant dans les moindres détails les efforts entrepris par Avraham Avinou pour rechercher une femme pour son fils Its’hak. En effet, on pourrait se demander pourquoi la Torah, le Livre le plus saint qui soit, dans lequel D.ieu proclame Ses commandements divins, s’attarde sur la recherche parentale d’un conjoint pour son enfant. Mais la question elle-même est la réponse, car le fait même qu’Hachem y consacre une Paracha entière témoigne de son importance. Il ne peut y avoir de priorité plus grande pour des parents juifs.
Tragiquement, dans notre société, les parents ont peu ou rien à dire. Très souvent, des mères ou des pères me consultent discrètement pour voir si je peux faire quelque chose pour leurs enfants, et ils ajoutent invariablement que leurs enfants ne doivent pas en être informés.
Réfléchissez à cette situation. Moi, qui ne suis pas un membre de la famille, j’ai le droit de poser des questions ou de recommander quelqu’un, mais une mère ou un père doit garder le silence. C’est la culture que nous avons créée.
Notre ancêtre Avraham était l’homme le plus riche et le plus éminent de sa génération. Il était le propriétaire de vastes possessions : des biens immobiliers, du bétail, des serviteurs, etc. La Paracha sur le Chidoukh commence (Beréchit 24 :1) par l’histoire relatant qu’Avraham était âgé et avait préparé ses dernières volontés et son testament. Il convoqua le fidèle exécuteur de ses biens, Eliézer, et le chargea de réaliser sa volonté. Incroyablement, aucune mention n’est faite de ses biens matériels. Avraham n’a posé qu’une condition à Eliézer : qu’il trouve un Chidoukh pour Its’hak en fonction des spécifications qu’il lui a transmises.
De nos jours, ce serait risible. L’argent, les biens immobiliers, le bétail - tout ceci n’a aucune importance. La seule priorité est le Chidoukh, et que la jeune fille destinée à Its’hak réponde aux critères définis par Avraham. La Torah nous enseigne de toute évidence une leçon importante à retenir.
A suivre…