Chère Rabbanite Jungreis,
Je suis née dans une famille laïque. Ni mon père ni ma mère ne portaient de noms juifs et on ne m’en a jamais donné non plus. A l’université, je rencontrai l’homme que je pensais épouser. Une fois nos diplômes obtenus, nous avons loué un appartement à Manhattan. J’étais avocate et j’ai trouvé un bon emploi. Mon ami était expert-comptable agréé. Au bout de six ans, nous jouissions d’une sécurité financière et nous nous sommes mariés.
Nous avons été bénis d’un garçon et d’une fille, et la vie n’était pas trop compliquée. Nous avions nos conflits et parfois même de longs silences pour une raison ou une autre, mais en gros, notre mariage était solide. Ensuite, l’une de mes proches amies, qui était devenue religieuse, m’a offert l’un de vos livres. Je n’avais aucune intention de le lire, alors je le mis de côté. Je n’avais jamais été intéressée par les livres juifs et je ne touchai pas le vôtre.
Mais un jour, j’étais très stressée, je pris votre livre et commençai à le lire. Il me captiva et je n’arrivai pas à le quitter. Je dis à mon amie que j’avais apprécié son cadeau et qu’il m’avait touché comme aucun autre livre ne l’avait jamais fait.
« Pourquoi ne viendrais-tu pas avec moi à l’un des cours de la Rabbanite pour apprendre à la connaître personnellement ? », me demanda-t-elle. Je déclinai son invitation, me justifiant par la charge de travail qui m’attendait et au prétexte que je n’avais pas le temps d’assister à des cours.
Mon amie ne baissa pas les bras. Un jour, je cédai juste pour qu’elle me laisse tranquille, bien que j’admette avoir été curieuse de vous rencontrer et de voir qui vous étiez vraiment.
Cette visite s’avéra être une source de transformation majeure pour moi. Vos propos pénétrèrent dans mon cœur. J’avais l’impression que vous vous adressiez directement à moi. Pour la première fois, j’ai ressenti mon judaïsme. Je vous ai demandé si vous pouviez signer mon livre. Je me souviens de votre sourire accueillant lorsque vous m’avez demandé : « Quel est ton nom juif ? » Cette question m’a alors frappé. Elle ne cessait de faire écho dans mon esprit. Comment était-il possible d’avoir vécu toutes ces années sans avoir jamais songé que mon identité était liée à mon nom juif ?
Jusqu’à ce jour-là, je n’avais pas pris la mesure de l’énormité du vide existant dans ma vie. Ce soir-là provoqua un sursaut en moi. Pour la toute première fois, je ressentis le besoin de me relier à mon héritage, de comprendre ce qu’être juif signifie. Je commençais à suivre régulièrement vos cours, mais sans toutefois demander à vous parler en privé. Je m’asseyais au fond de la classe en tentant d’être le plus invisible possible tout en absorbant chaque mot. Je savais qu’au final, je devais passer à l’étape suivante et accomplir les Mitsvot.
Puis, mon mari fut muté par le bureau de sa firme en Floride. Il était difficile de s’adapter au départ. Tous mes amis étaient à New York. Pour mes enfants aussi, c’était difficile. Ils devaient s’acclimater à une nouvelle école et à de nouveaux amis. Vos cours me manquaient, mais je suivais vos émissions hebdomadaires sur Internet que j’attendais avec impatience. Je me mis à fréquenter une petite synagogue dont les membres étaient accueillants et chaleureux. Je continuais à étudier la Torah comme je le faisais à Hinéni à New York, et de jour en jour, je devenais de plus en plus engagée dans mon judaïsme.
Au fil du temps, je me mis à respecter les Mitsvot. Au départ, c’était la Cacheroute. J’achetai de nouvelles casseroles, poêles et plats. Dans ce sillage, j’eus ma première dispute avec mon mari à propos du judaïsme. Il aimait le jambon et les fruits de mer et sortir dans des restaurants non-Cachères. Je lui demandai de respecter notre Torah. Il argumenta que je lui imposai un mode de vie qu’il n’avait jamais souhaité. Je me rendis compte qu’il avait raison d’une certaine manière. Je rétorquai que lorsque nous nous étions mariés, le judaïsme ne tenait aucune place dans notre vie, certes, mais nous n’étions pas tenus de maintenir ce mode de vie pour toujours.
Je devins Chomérèt Chabbath et lui demandai de ne pas se moquer de cette sainte journée. Il n’en avait rien à faire. Il continuait à prendre la voiture, à regarder la télévision et à se consacrer à toutes ses occupations comme un jour de semaine. Lorsque je lui demandai de venir à la table du Chabbath pour faire le Kiddouch sur du vin, il devint livide. Il n’en était pas question pour lui. Je craignais que mes enfants soient induits en erreur et troublés. J’étais soucieuse de savoir que nos enfants voyaient leur père profaner nos traditions juives et qu’ils allaient l’imiter et rejeter un mode de vie conforme à la Torah.
Mon mari est un homme très affectueux et gentil, un bon père et mari. Mais tout de même, ce conflit détruit notre foyer.
Que dois-je faire, Rabbanite ? Dois-je demander le divorce ? Cette question me hante. Comment peut-on élever des enfants respectueux de la Torah si leur père la rejette totalement ? Malgré tout, j’aime encore mon mari et je suis très perturbée.
J’attends votre réponse.
(A suivre)