Comme je l’ai souvent expliqué, l’obsession de l’argent est devenue terriblement courante dans notre société, affectant des individus et des familles de tous bords.
J’entendis un jour une authentique Yiddishe Mama, une grand-mère juive, se plaindre de son sort. « Si seulement je n’avais pas été bénie par l’argent, se lamentait-elle, j’aurais été épargnée de voir ma famille détruite. »
Quelle tristesse de penser que des bénédictions peuvent si rapidement se transformer en malédictions. Lorsque de l’argent est en jeu - et pas nécessairement de grandes sommes - les manœuvres peuvent très facilement détruire l’unité d’une famille.
Je n’ai évidemment pas de « solution miracle » pouvant garantir des résultats, mais il faut toutefois faire tout notre possible pour tenter de parer au désastre.
Voici une règle que j’enjoins à chaque famille d’adopter : tout ce qui a trait à l’héritage doit être clarifié tant que les parents sont encore en vie pour éviter tout recours à des procès consternants par la suite.
Mais si nous voulons agir intelligemment, nous devons prendre du recul et envisager un tableau d’ensemble. D.ieu nous a créés avec une âme - la Néchama - ainsi qu’un corps physique. Faisons le point sur notre vie pour déterminer combien d’énergie nous dépensons pour nos besoins physiques et combien nous allouons à notre développement spirituel.
Si nous faisons preuve d’honnêteté, nous découvrirons rapidement que, tandis que nos besoins physiques sont excessivement pris en compte, notre côté spirituel est totalement négligé. Dans notre société contemporaine, la plupart de nos âmes sont sous-nourries au point d’en arriver à une « anorexie de la Néchama ». Les préoccupations du corps l’emportent totalement : les salles de sport, les spas, etc., tandis que la Néchama est consignée à mourir de faim.
Il s’ensuit une agitation découlant d’une vie dénuée de sens.
D’après une simple loi de la nature, chaque espace vide doit être comblé, et, dans notre monde, le plus grand espace vide de tout - le trou dans l’âme de l’homme - est rempli d’éléments indésirables (de drogues, d’alcool, du culte de l’argent, d’accomplissement d’actes immoraux). Et, de même que la consommation de nourriture junk provoque des ravages sur le corps, la consommation de « malbouffe pour la Néchama » peut créer une âme malade.
Et, de plus, notre époque nous présente de nouveaux défis qui requièrent une réorganisation de notre approche de l’éducation et de la vie même. J’étais une fois en déplacement dans une autre ville pour prendre la parole, et je suis sortie dîner dans un des restaurants Cachères du coin. A la table à côté de moi était assis un couple avec leur enfant, qui n’avait pas plus de deux-trois ans. Les parents lui tendirent un iPhone pour l’occuper tandis qu’ils pouvaient profiter de leur dîner sans être dérangés. Je les entendis se rassurer eux-mêmes : « Avec le iPhone, il est calme ; nous pouvons profiter d’une bonne sortie sans payer de baby-sitter. »
Et ce n’est pas tout. Observant leur petit enfant, ils se félicitèrent mutuellement. « Regarde comme il est intelligent. Il sait vraiment bien se servir du iPhone ».
La vie est devenue si triste. Maman et papa ne ressentent désormais plus le besoin de parler à leur petit. Il est occupé, alors il n’y a aucune raison de lui raconter des histoires ou d’engager une conversation avec lui. L’enfant est totalement occupé avec le téléphone.
J’ai assisté à des scènes similaires dans de nombreux autres lieux publics. Dans notre société, il n’est plus nécessaire de raconter des histoires aux enfants, de les faire rire, de les serrer dans les bras, et de les embrasser. Le gadget prend tout en charge et les parents peuvent « se détendre ».
J’ai grandi dans un monde sans iPhones, sans Smartphones, sans ordinateurs individuels. Ce que nous avions pourtant, c’était des mamans et papas qui nous témoignaient un amour débordant, nous racontaient de formidables histoires, et nous chantaient des chansons qui pénétraient dans nos cœurs.
Nos parents nous faisaient sourire, et lorsque nous riions, ce n’est pas parce que nous avions poussé sur un bouton et visionné un dessin animé inepte, mais parce que nous avions confiance dans l’amour de nos parents.
Lorsque nous allions nous coucher le soir, notre mère ou notre père - parfois les deux - venaient à notre chevet et récitaient le Chéma’ et autres prières du soir avec nous.
Aussi longtemps que je vivrai, je n’oublierai jamais la douce voix de mon père et de ma mère me chantant ces saintes paroles : « Béchem Hachem - au nom de D.ieu, sur la droite, est l’ange Michaël, sur la gauche, l’ange Gabriel, et devant moi est l’ange Ouriel et derrière moi, l’ange Raphaël et sur ma tête, la Chékhina, la présence du D.ieu tout-puissant. »
Je ne crois pas que les parents réalisent la destruction qu’ils orchestrent de leurs propres mains, par leurs propres paroles. Les parents sont si anxieux de faire profiter à leur enfant de chaque occasion possible, du karaté aux leçons de musique, jusqu’aux téléphones et ordinateurs les plus modernes, aux vacances de ski, et camps spécialisés, qu’ils les condamnent sans le savoir à être privés de vivre une vie chargée de sens et de but.
Lorsque nous sommes arrivés aux Etats-Unis après la Shoah, nous n’avions pas un sou et pas de toit, mais nous - mes deux frères et moi-même - possédions une chose : la certitude de savoir que nos parents étaient toujours là pour nous. Nous, de notre côté, voulions toujours être présents pour nos parents. Nous ne pensions jamais à les exaspérer ou à nous plaindre en leur demandant ceci ou en exigeant cela.
Je me souviens parfaitement bien de mon grand frère qui tentait de faciliter la vie de nos parents. Il eut une bonne idée : il commanda des friandises et les vendit à la Yéchiva à ses amis. Moi, d’un autre côté, pris des boulots de babysitting. Je n’ai jamais considéré que l’argent que je gagnais fût le mien. Il était pour la famille, et sans même y réfléchir, je le plaçais dans le tiroir où était entreposé l’argent de la famille.
De nos jours, j’entends des enfants dire à leurs parents : « Vous me devez de l’argent ! » ou : « Vous ne m’avez pas donné mon argent de poche cette semaine » ou « J’ai nettoyé la cuisine et tu ne m’as pas payé ». Et au fil du temps, les enjeux grandissent. Ce n’est plus : « Achète-moi ceci » mais « Donne-moi ma propre carte de crédit », « Achète-moi une voiture », « Achète-moi un appartement. »
Ce sont les nouveaux enfants privés. Des enfants qui n’ont jamais eu l’occasion de donner ou de connaitre la joie provenant du don. Des enfants dont les membres de la famille sont capables de s’entretuer pour des dollars.
Lorsqu’on y réfléchit, dans un sens, tout revient à ce scénario du iPhone. Comment peut-on vivre et apprendre la loyauté et l’amour à partir de gadgets ? De tels sentiments étaient jusqu’à récemment réservés aux personnes les plus chères de notre vie - notre mère et notre père, grands-mères et grands-pères, frères et sœurs - en d’autres termes, ces personnes qui, toutes ensemble, forment ce mot magique : la famille.