La semaine dernière, je vous ai livré la lettre d’une maman troublée. Sa famille est un exemple typique de Ba’alé Téchouva qui découvrent la Torah à une phase intermédiaire de leur existence et affrontent le ressentiment de leurs enfants adolescents. Très souvent, ces adolescents sont en colère face aux nouvelles restrictions en vigueur dans leur foyer.
L’histoire de l’auteur de la lettre commence lorsqu’elle et son mari ont effectué leur première visite en Israël. Ils en ont été très marqués, en particulier en priant au Mur occidental. Ils rencontrèrent au Kotel un rabbin qui les invita à un repas du Chabbath, qui marqua le début de leur « parcours ». Ils rentrèrent chez eux inspirés et déterminés à vivre une vie de Torah.
Leur résolution s’est néanmoins heurtée à la rébellion de leur fils adolescent. Ils ont eu par la suite deux petites filles qu’ils ont élevées dans la Torah. Pendant ce temps, le problème avec leur fils, Benny, s’aggravait de plus en plus. De façon vindicative, il profanait le Chabbath, mangeait non-Cachère, et, de manière générale, méprisait notre Torah. Au lieu du foyer serein que le couple espérait construire, l’agitation et la colère régnaient. Les deux petites filles étaient embarrassées d’inviter leurs copines à la maison. Pire encore, elles étaient confuses et troublées.
Voici ma réponse :
Chère amie,
Si cela peut contribuer à vous aider, sachez que vous n’êtes pas seule dans ce bateau. Je ne vise pas seulement les familles de Ba’alé Téchouva, mais aussi des familles qui ont toujours été pratiquantes, des familles découvrant avec horreur que leurs fils et filles se rebellent en dépit de l’éducation de Torah qu’ils ont reçue.
D’une certaine manière, la souffrance de ces parents est encore plus vive que la vôtre, ils ont pensé faire tout ce qu’il fallait, pour découvrir au final que la formule n’a pas fonctionné (je vous prie de croire que je ne minimise pas votre souffrance, mais réfléchissez à la honte éprouvée par ces parents dans leur communauté, et parmi leurs amis et voisins).
J’ai souligné à de maintes reprises que tout ce que j’enseigne, écris ou conseille repose sur la sagesse de la Torah. Je prends très au sérieux ma responsabilité de prodiguer des conseils. Je ne veux pas m’amuser avec la vie des gens, alors je cherche toujours une réponse dans la Torah. Vous me demandez si vous devez envoyer Benny chez votre sœur. Vous écrivez également que votre sœur est non seulement laïque, mais qu’elle considère avec mépris la vie de Torah. De plus, autre problème dans le foyer de votre sœur : la tendance de son fils aîné à boire et à faire la fête tard dans la nuit. Votre fils aimerait bien s’installer chez sa tante, et cela résoudrait la tension et les chamailleries constantes dans votre foyer. Alors, que devez-vous faire ?
Notre ancêtre Ya’acov a également été confronté à ce dilemme. Son premier-né, Réouven, s’est conduit de manière inappropriée. En dépit de sa détresse, Ya’acov décida de réprimander son fils uniquement à la fin de sa vie, sur son lit de mort. Pourquoi Ya’acov a-t-il attendu si longtemps ? Il redoutait qu’en parlant de façon critique à son fils, celui-ci quitterait la maison de son père pour s’installer chez son oncle ‘Essav, auquel cas il aurait été totalement perdu.
Ce sont les mêmes peurs vécues par les parents d’aujourd’hui. Devez-vous envoyer votre fils vivre chez votre sœur ? Il sera influencé par sa tante, son oncle et ses cousins. « Oncle ‘Essav » apparaît sous diverses formes et en divers lieux : dans la rue, à l’université, et parmi les amis, les membres de la famille et les collègues. L’air même de notre société est pollué de vapeurs toxiques comme l’immoralité, la décadence et la corruption.
Les parents ne peuvent harceler de jeunes adultes pour qu’ils se plient à leurs désirs. Ils peuvent difficilement s’en prendre à eux trop durement. Si l’on veut que la discipline soit effective, elle doit être administrée dès le plus jeune âge, lorsque les enfants sont encore souples et leurs traits de caractère, pas encore définitifs. Malheureusement, dans notre société, l’inverse est vrai. Lorsque nos enfants sont petits, nous sommes laxistes sur leur impudence que nous minimisons. Lorsqu’ils grandissent et se rebellent, nous nous demandons comment ils ont pu en arriver là. Dans votre cas, le dilemme est double, car lorsque votre Benny était petit, vous meniez une vie totalement laïque. Il n’a jamais envisagé une vie de Torah, ni au niveau de l’esprit, ni du cœur, alors vous ne pouvez espérer qu’un éclair de lumière lui indique ce que vous souhaitez qu’il voie.
Mon mari, Rav Méchoulem Halévi Jungreis, conseillait toujours aux parents d’enfants problématiques d’éviter les disputes. Vous ne pouvez leur imposer de respecter la Torah. Vous pouvez uniquement les entourer d’amour et prier que votre attitude affectueuse crée chez eux un désir de s’engager et de découvrir leur héritage.
Ya’acov n’a pas seulement été confronté au défi avec Réouven, mais également avec ses petits-enfants. Lorsqu’il sentit sa fin venir, il convoqua les fils de Yossef - petits-fils de Ya’acov - pour pouvoir leur accorder une bénédiction. Jusqu’au tout dernier instant de sa vie, Ya’acov avait l’esprit clair et aiguisé. Soudain, cependant, quelque chose d’étrange se passe. Sur un ton angoissé, Ya’acov demande : « Qui sont ces garçons ? » en montrant du doigt les fils de Yossef, Ephraïm et Ménaché. Sa question était incompréhensible. Ces deux petits-fils étaient la prunelle de ses yeux. Jour après jour, ils quittaient le palais pour venir étudier la Torah chez leur grand-père. Ya’acov connaissait leurs voix. Leurs visages étaient gravés dans son esprit. Alors pourquoi posait-il une telle question ?
Nos Sages nous expliquent que, par Roua’h Hakodech (esprit prophétique), il vit que des fils rebelles et infidèles naîtraient de ces garçons, qui induiraient le peuple juif en erreur. Yossef lui assura que la chaîne de la Torah ne pourrait se briser. Mais Ya’acov savait qu’ils avaient besoin de bénédictions particulières.
« Amène-les chez moi, s’écria-t-il, pour que je les bénisse, les embrasse et les enlace. » Cette bénédiction, ce baiser et cette étreinte restent gravés pour toujours et peuvent refaire surface à chaque génération. Répétons simplement les paroles et gestes de Ya’acov. Bénissez-les. Embrassez-les. Prenez-les dans vos bras. Au final, les fruits vont pousser et l’arbre familial éclore à nouveau. C’est infaillible. Je l’ai constaté à plusieurs reprises.
Alors voilà : n’envoyez pas Benny au loin, mais aimez-le davantage. Vous avez expliqué à vos filles que l’amour est la meilleure méthode pour réagir à la conduite anti-Torah de leur frère. Je comprends qu’il soit plus facile de le dire à vos filles que de l’intérioriser. Je réalise aussi que, même si vous le comprenez selon la logique, d’un point de vue émotionnel, c’est plus difficile.
Vous vous sentez déchirés. D’un côté, vous voulez protéger vos filles : d’un autre côté, au plus profond de vous, vous savez que si vous laissez partir Benny, il sera entrainé encore plus vite dans la spirale infernale. Dites à vos filles de s’armer de patience. Expliquez-leur les conséquences de laisser partir Benny. Les enfants sont très sensibles. Si on leur parle comme à des adultes, si on leur demande d’aider, elles réagiront positivement.
Et dites enfin à vos précieuses filles que si elles suivent votre conseil, la famille sera un jour guérie et la Torah illuminera votre foyer.