Il y a de longues années, lorsque j’ai créé l’organisme Hinéni, le concept de Kirouv (rapprocher les juifs au judaïsme) était inconnu. Le monde orthodoxe le considérait d’un œil désapprobateur. « Vous perdez votre temps, me répétait-on de toutes parts. Peut-être viendront-ils pour un jour, ou même pour quelques semaines, mais ils reprendront ensuite leur ancien mode de vie. »
Mais j’étais déterminée à me lancer dans la bataille. Encouragée par mon père, le Rav et Gaon Avraham Halévi Jungreis, et mon mari bien-aimé, le Rav Méchoulem Halévi Jungreis, nous consultâmes les géants en Torah de la génération, le Rav Moché et le Rebbe de Satmar, qui nous fortifièrent par leurs bénédictions. Hinéni devint une réalité. Les prédictions de tous les rabat-joies et pontifes s’étaient avérées fausses. Et aujourd’hui, grâce à D.ieu, le Kirouv est devenue une réalité imposante et bénie de la vie juive.
Un nombre incalculable de fois, j’ai rencontré des rabbins, des Rabbanites, des enseignants de Torah qui m’ont confié que leurs parents et grands-parents ont vécu leur toute première expérience spirituelle par le biais d’un programme de Hinéni, ou suite à un article que j’ai écrit dans The Jewish Press ou lors de la soirée au Madison Square Garden où j’ai lancé le tout premier événement de Torah. Grâce à D.ieu, non seulement les Ba’alé Téchouva ont transmis la Torah aux générations futures, mais ils occupent également des fonctions de direction. Mais bien que le Kirouv soit devenu populaire et accepté, il reste encore des défis à relever, l’un d’entre eux étant que le travail de Kirouv en soi est une entreprise limitée à des professionnel, et la plupart des gens ne le considèrent pas comme une obligation personnelle.
Or, la Torah a un point de vue différent sur cette question. Il y a quelques semaines, la Paracha nous a rappelé la Mitsva très importante de Hachavat Avéda, l’obligation de restituer un objet perdu à son propriétaire. Cette obligation s’applique non seulement à tout objet qui peut avoir été perdu, mais aussi, comme nous l’enseignent nos Sages, aux âmes juives qui se sont perdues.
Si nous prenons en considération la peine de notre Père céleste qui a perdu Ses enfants, comment pouvons-nous esquiver la responsabilité de les « ramener à la maison » ? Certains prétendront qu’ils n’ont suivi aucune formation professionnelle de Kirouv, et qu’ils ne peuvent donc assumer une telle tâche. Mais de même qu’il n’est pas nécessaire d’aller à l’école pour rendre un objet perdu, personne ne doit être formé pour ramener une Néchama (âme) juive perdue. Les seules aptitudes requises sont d’avoir un cœur empli d’amour et de ressentir la douleur de notre Père céleste qui attend le retour de Ses enfants.
Mais est-ce vraiment réalisable ? Pour vous le prouver, je vous livre une expérience personnelle qui indique qu’aucune connaissance spécifique n’est nécessaire.
Comme beaucoup d’entre vous le savent, je vis dans un quartier dans lequel 99% des résidents respectent le Chabbath. J’y ai emménagé peu de temps après le décès de mon mari bien-aimé, le Rav Méchoulem Halévi Jungreis. J’ai décidé de faire ce changement parce que deux de mes enfants y résident, et que, grâce à D.ieu, je peux passer le Chabbath avec eux.
Pour être honnête, je ne connais pas très bien mes voisins. Mes tournées de conférences me conduisent dans le monde entier, et je n’ai pas le temps de socialiser ; de plus, n’ayant pas de jeunes enfants, je n’ai pas l’occasion d’être en contact avec d’autres parents. Il y a quelques semaines, revenant à pied chez moi après le repas de Chabbath passé chez ma fille, je vis un homme faire du jardinage, une scène inhabituelle dans mon quartier. Je m’arrêtai pour lui souhaiter Chabbath Chalom. Il me lança un regard ébahi, indiquant qu’il n’avait pas l’habitude d’être salué ainsi. La plupart des passants l’ignoraient. J’étais sur le point de partir, mais il se hâta de me rejoindre.
Comment savez-vous que je suis Juif ?, me lança-t-il sur un ton de défi.
Nos Sages nous enseignent que les yeux sont les fenêtres de l’âme, votre âme m’a parlé, répondis-je.
Il fut pris de court.
Quel est votre nom juif ?, demandai-je.
Its’hak Ben David Hacohen, répondit-il.
Quel nom magnifique ! Its’hak, qui est monté sur l’autel et était prêt à sacrifier sa vie ! Its’hak, qui nous a enseigné le sens du sacrifice et vivait pour une mission plus noble… David, le Roi d’Israël, qui a écrit des psaumes et ouvert notre cœur à D.ieu… David, qui a permis à notre peuple d’entonner des chants à D.ieu… David, qui a touché non seulement tous les Juifs, mais toute l’humanité. Et, de plus, poursuivis-je, vous êtes un Cohen, un descendant de la glorieuse famille de prêtres d’Aharon, qui a été choisi pour officier devant D.ieu et représenter le peuple juif. Comment pouvais-je ne pas reconnaître votre âme juive ?
Ses yeux s’humidifièrent et je répétai : « Bon Chabbath ! »
Deux petits mots qui peuvent éveiller une Néchama endormie… deux petits mots qui peuvent allumer une flamme, faire venir des larmes aux yeux et lancer un Juif sur le chemin du retour vers le Sinaï.
Alors, la prochaine fois que vous passez à côté d’un frère juif, d’une sœur juive… prononcez ces mots magiques : « Chabbath Chalom ! ».