Chère Rabbanite Jungreis,
La lettre que vous nous avez livrée la semaine dernière sur une femme devenue Ba’alat Téchouva, revenue à la pratique religieuse, a touché un point sensible chez moi. Mon mari et moi avons aussi affronté ce problème, mais sous une perspective différente.
Petit flashback : nous étions à l’université et nous nous sommes fréquentés pendant trois ans avant de nous marier. Installés à Manhattan, nous avions un groupe d’amis dont la vision de la vie était semblable à la nôtre. Nous ne pensions jamais à la Torah.
Quelques années plus tard, nous eûmes un adorable petit garçon. C’était la star de notre vie. Lorsqu’il eut quatorze ans, mon mari et moi visitâmes Israël pour la première fois. Nous ne voulions pas que notre fils manque l’école, il resta donc chez ma sœur. Cette visite fut un tournant dans notre vie. A partir du moment où nous avons visité Jérusalem et que ma main toucha le Kotel, mes yeux s’emplirent de larmes. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui se passait ; il n’y avait aucune explication logique. Et, étonnamment, mon mari ressentit la même chose.
Je me souviens de lui avoir dit : « Ce ne sont que des pierres anciennes. Elles n’ont rien de spécial ou de spectaculaire. » « Tu as raison, me répondit-il. Lorsque nous avons voyagé en Chine et avons visité l’immense muraille, nous n’avons pas versé de larmes. Rien n’a pénétré dans notre cœur. Alors pourquoi pleurons-nous maintenant ? »
Un jour, alors que nous étions au Kotel, nous rencontrâmes un rabbin qui nous invita chez lui pour un dîner de Chabbath, une nouveauté totale pour nous. Lorsque nous sommes arrivés dans son modeste appartement, nous avons été bouleversés. Le rabbin et sa femme avaient huit enfants, l’un plus adorable que l’autre, et tous très polis. Il y avait beaucoup d’autres invités en-dehors de nous. Les chants, les prières, les enseignements de Torah nous firent une impression profonde. Lorsque mon mari et moi retournâmes à notre hôtel, nous ne cessions de nous interroger : « Comment se fait-il que nous ayons manqué tout ceci ? Comment se fait-il qu’au cours de toutes nos années passées aux USA, nous n’avons jamais entendu parler de Chabbath ? »
Chabbath était quelque chose d’étrange, toujours associé aux Juifs religieux, et il n’avait aucune place dans notre vie. Pour nous, c’était le jour consacré aux achats, au spa ou à la salle de sport, ou pour nous délecter des nombreuses activités que notre mode de vie de New York nous offrait.
De retour aux Etats-Unis, nous étions déterminés à en savoir davantage, à étudier et à explorer notre héritage. Avant notre départ, le rabbin de Jérusalem nous a donné vos livres et nous a parlé de divers séminaires et programmes disponibles à New York. Nous nous sommes embarqués dans notre voyage de découverte de soi avec zèle et enthousiasme. Nous avons assisté à vos cours et à d’autres programmes. Nous avons assisté à des Chabbatone que nous avons beaucoup appréciés.
Peu à peu, nous sommes devenus pratiquants. Nous avons décidé d’avoir plus d’enfants, des enfants que nous élèverions dans un esprit de Torah, qui étudieraient en Yéchiva, qui seraient nourris de Mitsvot.
D.ieu nous a bénis de deux petites filles qui nous remplissent de joie.
Venons-en au problème qui ne nous laisse aucun repos : notre garçon était adolescent lorsque nous sommes devenus pratiquants. Il n’arrivait pas à gérer les changements intervenus dans notre foyer. Il était en colère. Il avait du ressentiment pour la Kippa de mon mari, et, bien entendu, il refusait d’en mettre une. Il se plaignait de manger Cachère et de respecter le Chabbath. En bref, il rejetait chaque aspect de notre mode de vie conforme à la Torah.
Notre dilemme devint de plus en plus aigu. Quel exemple donnait-il à nos filles ? Quel message véhiculait-il pour elles ? Constamment, elles nous demandaient : « Comment se fait-il que Benny regarde la télévision le Chabbath ? Comment peut-il répondre au téléphone ou se mettre à l’ordinateur ? Comment se fait-il qu’il ne vienne pas à la table de Chabbath ? »
L’une des expériences les plus douloureuses que j’ai vécue eut lieu lorsqu’un jour, je me rendis au supermarché avec mes filles. Nous passâmes devant un restaurant chinois non-Cachère, et, par la fenêtre, nous vîmes Benny manger des côtelettes. Mes filles coururent vers la voiture et commencèrent à pleurer de manière incontrôlable. « Comment Benny peut-il faire ça ? », demandèrent-elles plusieurs fois.
Je tentai de leur expliquer la situation. « Benny n’a pas eu autant de chance que vous, leur dis-je. Lorsqu’il était un petit garçon, maman et papa ne connaissaient pas la Torah. Papi et mamie ne la connaissaient pas non plus. Ils ne nous ont jamais envoyés en Yéchiva. Et ça a été la même chose pour Benny. Alors nous devons tous être patients et gentils avec Benny. »
Pour être honnête, je tentais également de me rassurer moi-même par cette explication, mais sans grand succès.
Mon mari et moi sommes perturbés. Nous pensons jour et nuit à la situation de Benny. Nos filles ont honte d’inviter leurs copines le Chabbath. La discorde est toujours présente, parfois verbale, parfois exprimée par une hostilité silencieuse et une tension. La paix au foyer est inexistante.
Nous sommes déchirés. D’un côté, nous reconnaissons que Benny n’est pas coupable. Nous avons adopté un nouveau mode de vie pour lequel il n’était absolument pas préparé. Mais d’un autre côté, il détruit l’harmonie de notre foyer et est un mauvais exemple pour nos filles. Que faire ?
Ma sœur, qui est hostile à la religion, mais a bon caractère, serait ravie de le prendre chez elle, et Benny aimerait aussi s’installer là-bas. Mais sa maison est en pagaille. L’un de ses fils boit. Si Benny devait y déménager, j’ai peur qu’il ne se dégrade encore plus.
Rabbanite, que nous conseillez-vous ?
(A suivre)