Je m’appelle Chira, j’ai 37 ans, et je suis maman de trois adorables petits enfants. J’ai fait Téchouva il y a de cela 10 ans. J’ai connu mon cher époux après être revenue à la Torah : il est comme un cadeau que j’ai reçu d’Hachem après le chemin difficile que j’ai choisi tout en étant issue d’une famille complètement non-religieuse.

Après notre mariage, nous nous sommes installés dans un village religieux, et c’est là que sont nés nos enfants. Nous avons toujours été vigilants vis-à-vis de la Halakha, et nous avons appris chaque année davantage ; si bien qu’aujourd’hui nous nous sentons « plus religieux que religieux ».

Jusqu’il y a quelques mois, je vivais de façon routinière, comme une maman qui s’occupe de jeunes enfants… Je travaillais hors de la maison, tenais le rythme effréné du travail domestique : les enfants, le ménage, les repas, les lessives, la course entre les différentes activités extrascolaires et les visites chez le médecin pendant les jours froids de l’hiver. Mon mari travaille aussi très dur et essaie de consacrer son temps libre à l’étude de la Torah. Du coup, la plupart du fardeau familial repose sur mes épaules.

Il y a quelques mois, je me suis à nouveau retrouvée enceinte, et je me suis surprise à me demander avec une peur non feinte comment j’allais de me débrouiller avec un bébé, en plus de toute la pression déjà existante.

Je suis devenue très critique, plutôt énervée, sans patience, et surtout je ne réussissais pas vraiment à ressentir la joie et l’élévation dans le service divin au quotidien, sachant que pour les femmes, ce service correspond surtout aux tâches répétitives de la maison et au fardeau de la garde des enfants. J’écoutais beaucoup la chanson « Mitsva Guédola Lihyot Bésim’ha Tamid » (« C’est une Mitsva d’être toujours dans la joie »), mais je n’arrivais pas à l’appliquer, et pire : la plupart du temps, je m’appesantissais sur ce que je n’avais pas, ou sur ce qui manquait encore au lieu de réaliser toute l’abondance dont j’étais gratifiée.

Je continuais bien entendu à observer le Chabbath, la Cacheroute, les lois de pureté familiale et de pudeur, ainsi que le reste des Halakhot. J'étais presque constamment connectée à Torah-Box. Mais je laissais beaucoup de choses de côté, tout simplement parce que ça ne m’arrangeait pas ou que cela m’était difficile. Je savais bien entendu que « le Lachone Hara’ est pire que de porter une jupe courte », comme fredonnaient les jeunes filles de notre village. Pourtant, en tant qu’enseignante entourée d’enseignantes, j’en écoutais pas mal, je me « parfumais » de « Avak Lachone Hara’ » (« poussière de Lachone Hara’ »), parfois même j’en colportais, répandant des calomnies ici, faisant des commentaires là…

Je ne priais même plus une prière par jour, sous prétexte que je n’avais pas le temps. J’avais même entendu de quelqu’un que les femmes n'étaient pas tenues à une prière quotidienne si elles étaient débordées. C’est ainsi que j’ai peu à peu réduit mon lien avec le Créateur, paradoxalement en lisant les petits journaux de Chabbath, qui étaient mon seul moyen de savoir quelle Paracha nous étions.

Alors que ma voisine lisait le livre de Téhilim chaque jour, chez moi, la poussière s’amoncelait sur les étagères des livres. Bien sûr, qui a le temps dans cette course quotidienne de tout arrêter et de lire Téhilim ? J’étais fatiguée, débordée…

J’étais une espèce de religieuse fade, « grisâtre » ; je faisais les Mitsvot consciencieusement, mais sans engagement véritable ou adhésion du fond du cœur à Hachem.

Je sais malheureusement qu’il y a beaucoup de gens comme cela, des croyants fils de croyants mais dont la joie et la confiance en D.ieu laissent fortement à désirer. D’aspect extérieur, je ressemblais à la parfaite petite religieuse, mais à l’intérieur, j’étais bien loin de cela.

Tout cela a changé une veille de Chabbath. Après le repas du soir, je suis allée m’allonger comme d’habitude sur le canapé pour me repaitre des photos de voyages sur la dernière page du journal de Chabbath. On y trouve des propositions sans fin de voyages en Israël et dans le monde entier. Je me mettais des paysages plein la vue, ainsi que des prix imbattables. Il est vrai qu’on n’est pas censé s’intéresser à de telles annonces pendant le Chabbath. Mais enfin elles sont là, et puis ça me paraissait un peu dérisoire, comme d’autres Halakhot de Chabbath. Il ne faut pas exagérer, me disais-je.

Toute à ma lecture, je touchais mon cou qui me démangeait un peu. C’est là que j’ai ressenti quelque chose de bizarre : une espèce de bosse ronde et inhabituelle au fond de la gorge. Au départ, je me suis dit que cela devait être la pomme d'Adam, ou quelque chose de naturel. Mais la bosse était évidente au toucher et cela a complètement fait virer mon humeur. J’ai essayé de chasser les pensées qui me tourmentaient, mais sans succès.

Le dimanche matin, je l'ai signalé à mon médecin de famille, qui m'a rassuré tout de suite et m’a dit avec un grand sourire que c’était une partie de la glande thyroïde et qu’il n'y avait pas de crainte à avoir. Parfois, ça gonfle, particulièrement chez les femmes enceintes. Toutefois, pour ôter tout doute, elle m’a demandé de faire une échographie. Je suis ressortie souriante et heureuse, le pire n’était pas à redouter.

J’ai passé l’échographie quelques jours après, histoire de jouer le jeu, et je ne me suis pas vraiment dépêchée pour récupérer les résultats chez le médecin. D’ailleurs, ne m’avait-elle pas dit que tout était banal et qu’il n’y avait rien à redouter ?

Finalement, je suis retournée la voir, surtout pour récupérer une ordonnance qui n’avait rien à voir. Or quand elle lut les résultats, elle ne souriait plus du tout.

« Il est écrit qu’ils ont trouvé un certain nombre de résultats qui nécessitent des examens supplémentaires », me dit-elle d’une voix sèche et laconique, à glacer le sang.

Quels résultats ? De quoi parle-t-on ? Quels examens supplémentaires ? De quoi doute-t-on ?

Elle m’expliqua que l’on avait trouvé plusieurs petites excroissances, dont on devait définir la nature. Encore une explication laconique qui laissait présager les pires craintes.

Elle me fit une lettre pour l’endocrinologue, et me dit que le reste des examens et des conseils seraient à prendre auprès de lui, car le cas était compliqué pour elle : elle n’était qu’un simple médecin de famille, et n’était pas experte dans ce domaine.

J’ai quitté son cabinet avec un sentiment de malaise et d'incertitude. J’avais encore à l’esprit sa promesse précédente que tout était banal et que tout irait bien.

Le soir même, je demandai à mon mari ce qu’il était utile de faire. « Peut-être se renforcer dans quelque chose, conseilla-t-il, prends sur toi de faire quelque chose de bien ». Je me demandai quoi choisir. Peut-être faire une prière chaque jour, car je savais très bien que la Halakha exige des femmes au moins une Téfila par jour. J’aurais pu me « rebeller », trouver un Hétèr (une permission), ce fameux quelqu’un qui disait que les mamans de jeunes enfants en étaient dispensées… Mais tout en moi se tint coi : « Oui, ai-je répondu, à partir de demain je ferai une Téfila par jour, même si je suis débordée. Je peux bien consacrer 10 minutes à mon Créateur, et L’implorer que tout aille bien. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Apparemment, quand on inscrit la Téfila dans la routine quotidienne, soudain tout roule relativement bien. Ce n’était pas aussi impossible que je le pensais.

Je suis arrivée chez l’endocrinologue quelques jours après, accompagnée de mon mari. Il m’a examinée, a regardé consciencieusement les résultats de l’échographie et a pris un air grave.

« Vous avez trois excroissances dans le cou. L’une semble bénigne, mais les deux autres ont l’air installées depuis longtemps et me semblent suspectes. Vous devez subir une biopsie en urgence, au moyen d’une injection dans ces excroissances afin de déterminer si elles sont bénignes ou malignes, à D.ieu ne plaise. »

« Et si elles ne sont pas bénignes ? », osai-je lui demander. « Eh bien cela dépend, répondit-il. Il faudra alors soit une tumorectomie, soit cela se sera déjà propagé… »

La peur me coupa la parole, la pire peur qui soit et qui tombait ce jour-là sur moi. Il y a encore deux semaines, avant de trouver cette bosse, je me sentais en pleine santé. Et soudain je suis peut-être malade, à D.ieu ne plaise, et pas simplement malade... L’endocrinologue me prescrivit une biopsie dans un hôpital et me souhaita bonne chance.

Je fondis immédiatement en larmes, des larmes amères, tandis que mon pauvre mari tentait de m’encourager en me disant que la délivrance pouvait venir d’Hachem en un clin d’œil, qu’on ne savait pas encore ce que j’avais dans le cou. Mais le simple fait de penser à cela me bouleversait complètement.

Je pleurais pour mes petits enfants, pour le fœtus que je portais, pour mon mari, pour tout.

J’avais soudain tellement envie de retourner à mon quotidien si mouvementé, celui-là même qui me rendait si irritable et énervée en son temps. Je voulais que tous mes problèmes se concentrent dans le désordre des enfants, la fatigue physique, les lessives sans fin et les repas qui attendaient que je les fasse. Soudain, cette routine me paraissait être le comble du bonheur.
 

Pourquoi se plaindre ?

Pourquoi s’énerver ? Combien de bonheurs renfermait cette routine grise du service divin domestique. Combien avais-je été bête !

« Celui qui a confiance en D.ieu, le ‘Hessed l’entoure ». J’ai immédiatement décidé avec mon mari de graver ces mots dans mon cœur et dans ma vie.

Soudain, toutes les choses pour lesquelles je savais que je devais me renforcer et qui me paraissaient dérisoires ou difficiles, ont été une véritable bouée de sauvetage.

Plus de propos déplacés ou de colportage, et peu importe que ce soit difficile. Quand les efforts sont faits pour la vie d’un être humain, tout parait soudain simple et possible. À ma prière quotidienne, j’ajoutai la récitation du Nichmat Kol ‘Haï avec beaucoup de recueillement et celle des Kétorèt, et bien sûr la lecture de Téhilim.

Le jour de la biopsie arriva, nous devions attendre environ deux heures. Au lieu de cela, nous sommes allés dans le couloir pour rechercher la petite synagogue. Elle se trouvait à l'étage inférieur de l'hôpital ; nous nous sommes assis dans un coin et avons prié.

J’ai versé beaucoup de larmes. J’ai demandé pardon à la « grisaille » et la distance avec lesquelles je servais mon Créateur, pardon pour le manque de reconnaissance et de gratitude pour tout le bon dont je jouissais, pardon pour l’orgueil qui me faisait être nerveuse et me plaindre de choses insignifiantes comme une tache sur le sol ou une chemise déchirée, pardon pour toutes les petites choses que je n’avais pas pris la peine de respecter, comme si j’avais dit à D.ieu que j’en faisais assez, qu’il n’est pas vraiment nécessaire d’observer chaque Halakha ; je me rendis compte de combien je m’étais trompée et perdue.

J’ai demandé, imploré, d’avoir l’occasion de vivre à nouveau mon quotidien routinier avec la joie au cœur, l’occasion de nettoyer et de cuisiner en fredonnant des chansons, l’occasion de changer une couche et de m’en sentir heureuse. L’occasion de pouvoir réparer.

Après les examens, nous avons donné de la Tsédaka et demandé la Brakha d’un Rav réputé pour ses Brakhot. Cela ne m’a pas suffi ; j’ai fait un serment devant Hachem. J’ai bien scruté ma vie et mes actes : grâce à D.ieu, j’avais Chabbath, la Cacheroute, la pureté familiale et les règles de pudeur. Mais je demandai à D.ieu de me montrer ce qui n’était pas correct dans mon mode de vie, ce qui ne laissait pas la lumière de D.ieu être présente dans ma vie. Un éclair m’est clairement apparu : c’était ma relation avec mon mari !

En tant que femme opiniâtre qui considérait son foyer comme son bastion, je dirigeais la maisonnée d'une main ferme qui forçait les autres membres à plier, tout en reléguant mon mari à la marge de la situation domestique. Je ne tenais pas compte de son opinion et je me disputais et négociais sans fin avec lui. Il a beaucoup souffert, alors que je pensais dur comme fer avoir raison.

Je me rendais compte de combien il est important qu’un mari se sente respecté à la maison, qu’il soit vraiment le chef de famille et qu’il ne soit pas en concurrence avec une autorité parallèle. Combien de bénédiction pouvait apporter la paix au foyer si je prenais sur moi cette décision, la plus difficile qui soit : me tenir un pas en arrière, laisser couler, laisser de la place à son rayonnement. Oh, combien cela m’était difficile.

C’est pourquoi j’ai justement fait un vœu à ce sujet : « D.ieu, ai-je dit, si cet examen donne des résultats bénins et que tout va bien, même si les informations médicales vont jusqu’ici dans l’autre sens, je ferai de mon mari le "roi" de notre foyer. Je ne l’accuserai plus, je ne le contredirai plus, je l’honorerai, je ne me disputerai pas avec lui au sujet de la Halakha, de mes tenues vestimentaires, je ne le ridiculiserai plus, et plus encore… Je lui donnerai le sceptre de la "royauté" de notre foyer, et je serai heureuse, sans la menace vitale de cette terrible maladie au-dessus de ma tête. Je serai contente de mon sort, de vivre tout simplement, de créer, de faire, de servir Hachem dans mon quotidien béni ».

Les jours pendant lesquels j’ai attendu les résultats ont été éprouvants pour les nerfs. La seule chose qui me permettait de décompresser de l'anxiété était le rapprochement avec D.ieu. Je découvrais la douceur de prier avec une grande dévotion, la valeur extraordinaire des Psaumes : je m’identifiais d’ailleurs complètement avec certains d’entre eux. Tout être humain qui implore pour sa guérison peut facilement se rapprocher de D.ieu, Le supplier. Le véritable défi est de savoir faire cela au cours de la bénédiction de la vie quotidienne plutôt que dans la détresse.

J’ai beaucoup mis en avant le « droit » de mes enfants à ce que je puisse les élever, les voir grandir et se marier, qu’ils ne manquent pas de figure maternelle, à D.ieu ne plaise. Soudain j’ai réalisé le bonheur qui m'avait été donné d’élever des enfants juifs dans le respect de la Torah et des Mitsvot, tout simplement. Quel bonheur j’avais laissé passer à me plaindre, m’énerver et être mécontente pour rien !

Si seulement cette terrible menace était levée, je serais heureuse de tout, de la lessive, des casseroles, du travail, de la course pour acheter les médicaments aux enfants enrhumés. De tout !

Une semaine plus tard, l’endocrinologue appela sur mon portable car l’hôpital lui avait envoyé les résultats.

En quelques mots, il mit fin à la plus terrible période de mon existence : « Tout va bien, c’est bénin ».

« Revenez après votre accouchement, si la boule bénigne vous dérange, il suffira qu’on l’enlève. Rien que de très banal, il n’y a aucun danger, c’est juste une question de confort pour vous ».

Ma joie était sans limite ! J’ai donné la Tsédaka, j’ai honoré avec joie et bonheur mon mari plutôt étonné. J’ai découvert que depuis que je lui ai donné la commande unique de la maison, j’y ai beaucoup gagné : « Je décide ce que tu décides », m’a-t-il dit.

Un des enfants fait tomber son jus de fruits et le deuxième hurle ? La lessive déborde du sac à linge ? Ma chef de bureau me fait la tête ? Le petit a le nez qui coule ? Le repas est brûlé ? Grâce à D.ieu, je suis vivante et en bonne santé, et avec l’aide du Ciel, je pourrai les voir mariés et pères de famille à leur tour ! La plus terrible menace au monde a été levée : tout le reste est dérisoire, insignifiant, réversible.

Chaque fois que je ressens le risque de m’aigrir, je prends une grande respiration et je me rappelle ce à quoi j’ai dû faire face, et je me réjouis du bien-être et du bonheur qui me sont donnés. Merci à D.ieu pour tous ces petits ennuis !

Ma prière quotidienne, agrémentée de mille ajouts, m’est si douce. Elle s’intensifie. Surmonter les tentations du Lachone Hara’ est comme un pacte entre moi et D.ieu. Quand quelqu'un commence à parler, je change tout simplement de sujet, et je prie Hachem pour qu’Il me sauve. Je fais mine que mon téléphone sonne et ça marche.

Mais le plus important, c’est que cette religieuse « grisâtre » est devenue une religieuse « haute en couleurs », proche d’Hachem et entretenant le lien avec Lui, Lui parlant, Le priant.
 

Une précieuse leçon pour toute ma vie

J’étais égarée dans un monde empli de grisaille, ou alors plongée dans une situation de détresse, à D.ieu ne plaise. Je vous le dis de tout mon cœur : ne passez pas à côté d’une relation authentique à Dieu. Prenez sur vous de vraies résolutions, découvrez la puissance de la prière. N’attendez pas qu’Hachem vous « réveille » de façon désagréable. Il est toujours préférable de renoncer de nous-mêmes, par miséricorde, à ces « écorces » qui nous tiennent éloignés du service divin, plutôt que d’y être acculés par la contrainte.

En ce mois d’Eloul, si une seule et unique Néchama décide de faire Téchouva grâce à mon histoire, cela sera toute ma récompense.

Chira (nom d’emprunt)