Yoni, étudiant américain, poursuivait ses études en Israël. Il retournait aux USA régulièrement pour rendre visite à ses parents. Jusque là, rien de bien particulier. Pourtant, lors d’un voyage, le « hasard » lui fit rencontrer un homme…
L’avion décolla et les hôtesses apportèrent aux passagers leurs plateaux-repas. Yoni reçut un repas Glatt Cachère comme il l’avait demandé. Son voisin quant à lui, reçut un repas non Cachère. Yoni en fut étonné. En effet, le nom inscrit sur le plateau, Goldstein, ne laissait planer aucun doute sur l’identité de son voisin ; ce dernier était juif. Yoni, qui était entreprenant et désireux d’aider son prochain à revenir vers Hachem, tenta une approche.
« Vous vous appelez Goldstein ? » demanda Yoni à son voisin.
« Oui » répondit ce dernier en souriant, comme s’il avait deviné la prochaine question…
« Savez-vous que vous auriez pu commander un repas Cachère ? »
« Absolument » dit l’homme qui ne souriait plus. « Je suis juif et j’assume parfaitement tous mes actes. »
« Si j’ai bien compris, continue Yoni, vous mangez de la nourriture non Cachère en toute connaissance de cause ! »
« Vous avez tout compris.»
« Et pour quelle raison ? »
« Je vais vous expliquer, mon garçon. Je crois en Hachem et je continuerai à croire en Son existence jusqu’à la fin de ma vie. Mais mes rapports avec Hachem se sont détériorés après la catastrophe subie par mon peuple durant la Seconde Guerre mondiale. »
« Vous auriez dû en parler avec tous les Grands de la Torah qui eux aussi sont passés par les mêmes épreuves et qui ont gardé la foi et la pratique religieuse. »
« Vous êtes jeune, mon petit et je ne veux pas vous embêter avec ma vie ».
« Mais je tiens à discuter avec vous » insista Yoni.
« Je me suis battu dans les camps car je défendais la plus belle des causes, mon fils. Pourtant, Hachem me l’a pris dans cet enfer indescriptible. Alors j’ai levé les yeux vers le Ciel et j’ai dit à Hachem qu’à partir du moment où Il m’avait enlevé mon fils, Il m’avait perdu à Son tour. C’est la raison pour laquelle j’agis de la sorte. » Yoni, notre étudiant américain resta sans voix tant l’émotion l’avait envahi. Les choses en restèrent là ; mais « Il ne dort ni ne sommeille le Gardien d’Israël »…
Deux ans plus tard, Yoni passa les fêtes de Tichri chez ses parents. Le jour de Kippour, après l’office de Moussaf, les Ashkénazes font une pause. Yoni en profita pour sortir et prendre l’air. En face de la synagogue, il aperçut un homme, assis sur un banc, en train de fumer. Cet homme lui rappelait quelqu’un, mais il n’arrivait pas à se souvenir. Soudain ! Il sut. C’était Monsieur Goldstein… Yoni traversa la rue pour aller le saluer.
« Chalom à vous, Monsieur Goldstein. Vous vous souvenez de moi ? »
L’homme le regarda avec insistance, puis lui sourit.
« Le petit étudiant dans l’avion, il y a deux ans ? »
« Vous avez une bonne mémoire. Alors, vous fumez en toute conscience parce que c’est Kippour, n’est-ce pas ? »
« Absolument.»
« Pourriez-vous m’accorder une faveur, en ce jour si important pour le peuple juif ? »
« Dites toujours ».
« Nous allons reprendre incessamment l’office et nous avons l’habitude de rappeler la mémoire de tous les disparus. Pourquoi ne vous joindriez-vous pas à nous pour rappeler celle de votre fils ? »
Un silence pesant s’installa. Monsieur Goldstein ferma les yeux et réfléchit. La proposition du jeune homme transperça comme un couteau sa mémoire endolorie. C’était la seconde fois qu’Hachem lui tendait la main… Et si c’était le moment de faire la paix ?
« Je vous suis, dit Monsieur Goldstein à Yoni ; mais il vous faudra rester à côté de moi, car cela fait plus de soixante ans que je n’ai pas mis les pieds à la synagogue… »
Yoni ne se sentait plus de joie. Lorsque Monsieur Goldstein pénétra dans la synagogue, les larmes trop longtemps contenues, jaillirent sur son visage. Monsieur Goldstein, accompagné de Yoni monta à la Téba (estrade centrale) pour rappeler la mémoire de son fils. Sa voix était tremblante… Il donna le prénom de son fils et le prénom de sa femme. En entendant l’énoncé des prénoms, l’administrateur de la synagogue se leva soudainement. Son visage était livide. Il regarda avec insistance le vieillard qui venait de parler. Il se rapprocha de lui et prononça les mots suivants :
« Pouvez-vous répéter les prénoms, s’il-vous-plaît ? »
Monsieur Goldstein s’exécuta sans comprendre. L’administrateur était absolument stupéfait. Il se rapprocha davantage de Monsieur Goldstein et le serra très fort dans ses bras.
- « Papa, Papa », déclara l’administrateur en sanglotant. On m’avait dit que tu étais mort dans les camps et voici qu’aujourd’hui en ce jour de Kippour, je te retrouve... Merci à Toi, Hachem ».
En entendant ces propos, Monsieur Goldstein s’évanouit. Tous les fidèles tentèrent de le ranimer. Au bout de dix minutes, le vieillard rouvrit les yeux et aperçut le visage de son fils en face de lui.
« Mon fils, aide-moi à me relever pour remercier le Maître du monde et remercier ce jeune homme pour sa ténacité », affirma Monsieur Goldstein en montrant du doigt notre étudiant qui était très ému…
« Le désespoir n’existe pas ».
Monsieur Goldstein n’enfreignit pas la loi pour se révolter contre Hachem… Il enfreignit la loi pour crier à Hachem qu’il restait toujours Son fils, mais qu’il l’avait perdu. Hachem qui sonde les cœurs entendit l’appel au secours de Monsieur Goldstein et pour récupérer Son fils, lui rendit le sien.
(Rapporté par le Rav Its'hak Fanger)