Quelle place accorder aux influences cosmiques dans le judaïsme ? De l’astrologie à la Kabbale, en passant par le Mazal du mois d’Adar, notre dossier sur l’astrologie dans le judaïsme explore le rapport du judaïsme à ces forces invisibles. Destin tout tracé ou libre arbitre ? Véritables guides spirituels ou imposteurs ? Découvrez la réponse à ces questions et bien d’autres dans les lignes qui suivent.
L’astrologie vue par le judaïsme
Dans notre époque ultramoderne, à la pointe de la technologie, l’astrologie reste pourtant indéniablement à la mode et son attrait ne cesse de croître. Le plus puissant des ordinateurs n’a pas réussi à faire “de l’ombre” à Mme Soleil… Plusieurs tendances et facteurs expliquent cet engouement : les réseaux sociaux, notamment Instagram et TikTok, jouent un rôle clé dans la démocratisation de l’astrologie, les applications d’astrologie comme Co-Star ou The Pattern continuent de séduire grâce à leurs analyses personnalisées, mais surtout, dans un monde à haute instabilité, chacun rêve de pouvoir se rassurer avec quelques prévisions sur mesure, dictées du cosmos…
Mais, le peuple juif, lui-même comparé aux étoiles, a-t-il sa place dans ce grand dialogue interstellaire ?
Quand la science s’en mêle…
L’astrologie se base sur la croyance que les étoiles et les signes du zodiaque progressant au firmament peuvent influencer ce qui se passe sur terre. Les 7 planètes (le Soleil, la Lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) ainsi que les 12 signes du zodiaque, constellations d’étoiles lointaines formant des formes célestes selon leur disposition, se déplacent sur la voûte céleste. Ces déplacements impliqueraient des influences diverses selon le temps. Leurs différentes combinaisons, vu que chaque mois a son signe et chaque heure sa planète, pourraient prédire l’avenir de celui qui est né, ou a vécu de grands évènements à l’instant où l’influence du signe s’exerce.
Durant des millénaires, les domaines de l’astronomie et de l’astrologie étaient confondus. De puissantes civilisations comme l’Égypte, Babylone, ou même la Grèce croyaient dur comme fer dans l’astrologie et l’ont développée et approfondie.
Avec le développement de la méthode scientifique et des sciences exactes, ces deux domaines se sont scindés. L’astronomie devint une science précise et vérifiable par le biais de calculs et de télescopes de plus en plus puissants, tandis que l’astrologie n’a pas pu apporter de preuves scientifiques à la véracité de ses théories et prévisions.
Les recherches scientifiques ont systématiquement échoué à démontrer la validité des affirmations astrologiques. Une étude menée par le physicien Shawn Carlson dans les années 1980 a montré que les astrologues n’étaient pas plus performants que le hasard pour associer des profils de personnalité à des thèmes astraux. Une étude similaire réalisée en août 2024 a confirmé ces résultats : 152 astrologues n’ont pas réussi à faire mieux que le hasard pour associer des thèmes astraux à des questionnaires de personnalité.
Pas de Mazal pour Israël
Le regard que jettent le Talmud et la Halakha sur l’astrologie est assez complexe.
À de nombreuses reprises, les maîtres talmudiques et midrachiques nous parlent d’astrologues et de leurs prévisions. Les astrologues de Pharaon lui font craindre la venue d’un libérateur, ils annoncent un carnage dans le désert lors de la sortie d’Égypte.
Même nos Maîtres nous donnent des recommandations en fonction du Mazal : Rav Papa (Ta’anit 29) recommande de fixer la date d’un jugement en Adar car le Mazal du peuple d’Israël y est puissant.
Nos Maîtres (Chabbath 156a) voient aussi une certaine prédestination dans le caractère de celui qui serait né sous l’influence du Soleil, qui atteindra la grandeur, tandis que celui qui serait né sous l’influence de la Lune sera menacé de graves difficultés dans la vie, et celui qui serait né sous l’influence de Mars aura une inclinaison à verser le sang…
Mais c’est là que nos Maîtres donnent toute la puissance de leur vision : “En Mazal Lé-Israël”, il n’y a pas de prédestination pour le peuple d’Israël. S’il est possible que l’on naisse avec un certain destin, voire de manière plus large, que chacun naisse avec ses cartes personnelles dans le grand jeu de la vie, en termes d’intelligence, de santé ou de richesse, rien n’est jamais joué de façon définitive. Par la prière, par les efforts, par le travail sur soi-même, bien des destins peuvent être modifiés ou plus précisément redirigés. Ainsi, poursuit le texte, celui qui est destiné à verser le sang pourra, s’il se laisse aller à ses instincts criminels, devenir un brigand et un assassin, mais il pourra être tout simplement boucher ou s’il travaille suffisamment sur lui-même, un Mohel, un péritomiste. Nous assistons à une canalisation nouvelle de l’influx originel.
On verra le sang du carnage vu par les astrologues égyptiens se transformer en sang du sacrifice pascal et sang de la Mila effectuée juste avant la sortie d’Égypte. Moché sera sauvé de l’eau du Nil où les astrologues avaient vu sa perte, mais sera puni, 120 ans plus tard, en donnant à boire à son peuple à Mé Mériva.
Dans le traité de Chabbath (156b), nous est rapporté l’étrange concours entre l’Amora Chmouel et Avlet, éminent astrologue. Avlet prédit qu’un certain bûcheron ne reviendra pas vivant de son expédition dans la forêt. Chmouel aura cette phrase mémorable : s’il est juif, il reviendra. Lorsque le bûcheron revient vivant, sous le regard incrédule d’Avnet, Chmouel retrouve dans son fagot un serpent mort, tranché en deux. Le bûcheron, devant Chmouel souriant et Avnet ébahi, raconte qu’il avait réalisé ce jour-là un acte de Tsédaka méritoire, ce qui l’a sauvé de la mort.
Même face à un destin funeste, tout dépend finalement de nos actions et de notre rapport à Hachem.
En pratique, quel doit être le regard d’un Juif d’aujourd’hui sur l’astrologie ?
Interdite pour certains, crédible pour d’autres
À l’époque du Talmud où l’astrologie était considérée comme une science, nos maîtres lui ont donné une certaine pertinence. Mais, par la suite, la crédibilité des astrologues s’est effondrée. Tout d’abord, la complexité incommensurable des interconnexions célestes à combiner avec la psychologie et les ressorts sociétaux et économiques rendait ardue toute prédiction précise sur l’avenir d’un homme. La précision de leurs réponses ne pouvait plus rivaliser avec celle des réponses scientifiques. Les meilleurs astrologues devinrent astronomes et les astrologues restants devinrent moins compétents.
Le regard va donc changer à la fin du Moyen Âge, où vont se dissocier l’astrologie et l’astronomie.
Selon le Rambam, comme la sorcellerie et le reste des pratiques magiques, l’astrologie n’est que mensonge. Il est donc strictement interdit par la Torah de s’y adonner ou de la consulter. Ceci rappelle aussi la célèbre phrase du Rav Chakh selon qui “la première Mitsva de la Torah est l’interdiction d’être stupide”, ce qui nous interdit de nous baser sur des prédictions irrationnelles. On ne peut laisser la place aux charlatans abusant de la crédibilité de personnes fragiles.
Certains, comme le Rachba ou le Ibn ‘Ezra, n’y voient pas d’interdit car il n’est pas ici question de sorcellerie.
D’autres, enfin, qui constituent la majorité des maîtres, suivront Na’hmanide, et concluent que, s’il est vrai qu’il n’y a pas d’interdiction de sorcellerie, il y a une Mitsva d’être “Tamim (entiers) avec l’Éternel ton D.ieu” (Dévarim 18,13). Ce verset nous recommande de ne pas chercher à prédire l’avenir par les astres mais de faire confiance à Hachem, Maître de nos destins. En clair, ne pas être dans les étoiles, mais au contraire, bien plus haut, en se rattachant à la source de toute vie. Si Hachem souhaite nous dévoiler un pan de l’avenir par un prophète ou par les Ourim Vétoumim du pectoral, nous L’écouterons, mais nous plaçons notre espoir en Hachem pour qu’Il nous envoie ce qui est le meilleur pour nous.
En pratique, lire son horoscope n’est pas recommandé par la Torah. D’après Na’hmanide, on passe outre ici à la Mitsva de “Tamim Tihyé”, d’être entier avec Hachem. D’après certains (Rambam), on transgresse même une interdiction. Enfin, pour la majorité absolue des astrologues, leurs prédictions n’ont absolument aucune valeur, et il serait pure folie de leur faire confiance pour diriger notre avenir.
Celui-ci est fixé en rapport avec la mission que Hachem nous a confiée et en fonction de nos bonnes actions et de notre prière.
Ceci peut même s’appliquer aux Nations du monde, car Hachem dirige Sa création en fonction des actes d’Israël. Pour reprendre la merveilleuse phrase du Grand Rabbin Sitruk, de mémoire bénie : “Au lieu de consulter leur horoscope, les nations feraient mieux de consulter leur IsraéloScope !”.
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