Vous êtes-vous déjà surpris en pleine contradiction interne ? Du type : je mange un éclair au café alors que j’ai pris la décision de me mettre au régime ou bien je fume alors que je sais pertinemment que cela est nocif pour ma santé etc. ? Notre vie est remplie de ce genre de contradictions internes. En psychologie sociale cela s’appelle : la dissonance cognitive. Une cognition est une information, et lorsqu’il y a contradiction entre les informations, il y a dissonance. Le problème est que nous n’aimons pas ça du tout, pire cela nous ferait même souffrir…
Le premier à avoir défini ce phénomène de façon académique, fut le psychologue Léon Festinger de l’Université de Stanford, qui publiait en 1957 son ouvrage « A theory of cognitive dissonance » dans lequel il formula les grandes lignes de sa théorie, devenue au fils du temps une référence en la matière dans le domaine. Festinger dit que la dissonance cognitive est « un sentiment d’inconfort psychologique causé par deux éléments cognitifs discordant ». Nous ressentons une tension interne lorsque nos conceptions s’opposent entre elles ou bien que nos actes ne sont pas en adéquation avec nos valeurs.
Si ce phénomène psychologique semble être « encore » un mécanisme de plus de notre personnalité, il peut toutefois expliquer bon nombre de nos comportements ainsi que ceux de nos proches…
La dissonance cognitive au service du Mal ou du Bien ?
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les gens changent, pourquoi ils ne suivent pas systématiquement la ligne de conduite inculquée par leurs parents ? Ou pour aborder le sujet du point de vue de la pratique religieuse – qu’est ce qui justifie que les gens baissent parfois dans leur pratique des Mitsvot ? Connaissez-vous des gens qui autrefois portaient la kippa, et n’en portent plus ? Ou des jeunes filles que vous aviez toujours connues scrupuleuses de l’ensemble de la tradition, et qui l’ont peu à peu abandonné ? Que s’est-il passé … !?
Les explications à cela peuvent être nombreuses – mauvaises expérience avec un représentant du judaïsme, épreuves remettant la personne en question etc. La liste est longue et les situations peuvent être complexes, mais il y a aussi ce phénomène de dissonance cognitive qui peut jouer un rôle… et non des moindre.
Voyons comment.
Sarah S. à vingt ans. Elle vient d’une famille orthodoxe. Chez elle, la pudeur est une valeur sacrée mais aussi quelque chose de si naturel qu’elle n’éprouve pas le moindre mal à mettre d’épais collants par tous les temps ou bien à couvrir ses bras jusqu’au poignet même par 35 degrés à l’ombre. Elle y voit même une grande élévation spirituelle. Sa mère Sylvie est aussi très fière de sa fille. Lorsque Sarah intègre la faculté de médecine, elle se sacrifie corps et âme pour passer la première année. Des groupes de révisions se forment entre les étudiants et les jeunes passent le peu de temps libre qu’ils ont ensemble à papoter entre deux examens, thermos à café fumant à la main… Sarah sent qu’elle n’est jamais vraiment mise en avant par ses camarades de promo. On lui adresse à peine la parole, tandis que Jennifer, elle, attire l’attention et les regards de tous, pourtant Sarah ne lui trouve rien de particulier… Quel est donc ce mystère qui fait son charme? Mais Sarah n’est pas dupe, elle sait bien que Jenifer n’est pas « fermée » comme elle.
Jennifer ressemble aux filles des magazines… en deux mots elle attire le regard par sa légèreté et ses tenues…Un soir Sarah décide de rentrer plus tôt de la fac et de s’arrêter chez Zara, elle essaye un top qu’elle n’aurait jamais envisagé d’acheter auparavant…il est court, bien plus court que ce dont elle a l’habitude de porter. Elle paye et l’enfile subrepticement dans son sac. Dans le métro Sarah est en proie à la réflexion « Je ne peux pas mettre un haut pareil, ça ne se fait pas, c’est Assour (interdit)… ! » « Oh la la ! Qu’elle rabat –joie, c’est juste histoire de se faire un peu plaisir… ça va » Sarah vie une tension interne entre ses convictions et ses envies…
Jonathan lui vient tout juste de finir sa dernière année en école de commerce, il pose sa candidature dans une grosse boite et obtient aussitôt un entretien avec le PDG de la société… M. Cohen. Une aubaine pour lui qui est Chomer Chabbath (respectueux du Chabbath) – un patron juif ! M. Cohen de son côté prend littéralement Jonathan sous son aile. Il lui apprend les rouages du métier, le présente à ses relations, lui confie même entre deux rendez-vous « avoir trouvé son successeur ». Ce matin Jonathan reçoit un appel de son patron, ils ont rendez-vous à la Tour d’Argent pour signer le plus gros contrat de l’année. Les hommes s’attablent et M. Cohen commande du vin – non Cachère bien sûr – que le serveur s’empresse de servir à Jonathan. M. Cohen lève sa coupe. Jonathan hésite. Ses pensées fusent « C’est interdit ! » « Et oh ça va hein, M. Cohen est juif lui aussi et il boit bien, faut arrêter avec l’extrémisme …». Jonathan trinque, c’est le début d’une dégringolade spirituelle…
Sarah et Jonathan furent tous deux en proie à de la dissonance cognitive – leurs valeurs ne correspondaient pas à leurs actes.
Ils ont ressenti ce malaise qui les a placés dans une tension psychologique interne et comme beaucoup d’autres, ils firent le choix de remanier leurs valeurs plutôt que leurs actes. Ce sentiment de perturbation psychologique se résout en rééquilibrant les éléments cognitifs entre eux – soit en remaniant nos valeurs pour les faire coïncider avec nos envies et nos actes, soit en modifiant ces derniers.
D.ieu implanta ce sentiment en nous afin qu’il nous serve de repères, « Suis- je dans le vrai ? » « Mon comportement est-il en accord avec les valeurs de la Torah, du bon sens ? » Si la personne se sent en décalage elle fera le nécessaire pour se rééquilibrer - s'améliorer. Car le but étant bien sûr de corriger nos actes lorsque ceux-ci ne correspondent pas à nos convictions, ainsi la personne se rééquilibre et sa tension interne disparaît. Un GPS naturel dont le Créateur nous dota pour que nous soyons toujours en parfait accord avec sa Torah.
Mais la tâche n’était pas de toujours facile, les gens ont tendance à remettre en question leur valeur «Est-ce vraiment mauvais ? » « Après tout, cela ne me concerne pas vraiment » « Je ne suis pas au niveau de faire tout ça… » ou encore « Qui dit que cela est interdit par la Torah ?! »
C’est ainsi qu’une personne peut s’éloigner des valeurs du judaïsme, inculquées par ses parents, ses maîtres, parfois même des valeurs qu’elle-même juge fondamentalement bonnes, qui sont alors discréditées par des actes exhortés par des envies, des intérêts.
La dissonance cognitive – l’anti-modèle éducatif
Mais si le principe de dissonance cognitive agit sur nous pour le meilleur ou pour le pire – il agit chez nos enfants à sens unique, il leur fait perdre confiance dans l’enseignement et dans l’enseignant dès l’instant où ils distinguent de la dissonance cognitive.
Lorsqu’un père enseigne à son fils l’importance et la gravité des lois du langage mais que ce dernier se permet de médire sans impunité – l’enfant est en proie à un malaise interne – les agissements du père ne sont pas conformes à ses enseignements, mais si l’adulte à le choix des armes – corriger ses actions ou remanier ses valeurs (en y ajoutant de nouvelles cognitions ou en supprimer celles qui sont gênantes) – l’enfant n’a pas du tout les mêmes capacités. S’il distingue de l’incohérence dans les agissements du professeur ou du parent, ce sont tous les enseignements que ces derniers professent qui lui paraîtront faux.
Il en est de même pour cette maman qui tente d’inculquer les valeurs du respect des parents à ses enfants mais qui se comporte avec dédain et dureté vis-à-vis des siens, là aussi, les enfants se diront que les préceptes de la maman sont des fables qu’on dit aux petits enfants mais qui n’implique pas de s’y soumettre… Il est va de même pour les traits de caractères tels que la colère, le mensonge, la jalousie... On a beau expliquer à nos enfants que c’est mal, si nous même y sommes abonnés nos enfants penseront qu’ils peuvent eux aussi rejoindre le club…