Pourim est déjà loin. Le rideau sur la scène du palais de Suse est tombé, les déguisements rangés, la maison retrouve son calme. On commence les nettoyages pour la ligne droite vers Pessa'h.
Mais la Méguila, écrite sur un rouleau, n’a pas d’épilogue. Si l’on pense, après l’avoir rangée dans son étui de velours, qu’on peut l’oublier et la retrouver l’année d’après, un peu poussiéreuse sur l’étagère supérieure de la bibliothèque du salon, on a raté le coche. Cylindrique dans sa forme, elle est cyclique dans son contenu.
Elle se roule et se déroule sans fin, comme une boucle qui tourne indéfiniment, où le premier mot rejoint le dernier. La leçon de Pourim est par excellence celle qui doit nous accompagner tout au long de l’année, tout au long de la vie.
Nos Sages nous apprennent que même à la fin des temps, cette fête ne cessera jamais d’être célébrée. C’est la victoire sur l’apparente aberration de la condition humaine.
Y a-t-il un sens à cette comédie qui est notre vie, oui ou non ?
Camus a dit non. La vie est absurde et il faudra seulement tenter de sauver les meubles et de mettre un peu d’humanité et de fraternité dans cette fatalité. Mais Camus est athée.
Le judaïsme dit oui. Pour lui, non seulement l’agencement de l’existence est voulu et orchestré au millimètre près, mais également tend au Bien Absolu. Intéressant de remarquer que le porte-parole de cette religion est un peuple qui aurait eu mille occasions de mettre en berne ses espoirs en la bonté, sous toutes ses formes…
On tape les trois coups…
Le rideau se lève. Nous naissons. Le décor nous est imposé, les personnages qui nous entourent, les parents et la fratrie également. Les cartes sont distribuées : notre niveau socio-économique de départ, notre taille, notre potentiel intellectuel, nos talents, notre sensibilité. Même notre niveau spirituel de démarrage est fixé. Pour certains, le judaïsme sera une donnée lointaine, parfois même absente, pour d’autres, dès l’enfance il joue un rôle primordial. Selon des desseins qui nous échappent - que d’aucuns appellent « hasard » -, la pièce commence…
Des éléments à priori disparates et incompréhensibles jonchent notre destin, et la question est : saurons-nous y voir le fil conducteur d’une Volonté, ou resterons-nous au niveau d’éléments ponctuels et décousus, qu’on appelle « chance », « malchance » ou « destinée » ?
Chacun est libre de lire sa propre histoire comme il le désire ; pas de coercition religieuse, pas de Nom de D.ieu qui apparaisse clairement, pas de miracles spectaculaires, mais une succession d’événements entrelacés les uns aux autres, de rencontres, de carrefours, de personnages qu’on pourra interpréter à sa guise et qui constituera la trame de notre vie.
« Voir ou ne pas voir la Main de la Providence, that is the question »… et cela aussi bien au niveau personnel qu’à travers l’histoire universelle ou même l’actualité.
Drame sur la planète
Le décor. Une géante névrosée cherche maladivement à élargir son espace vital. Elle tient à être entourée par des états tampons, qui la protègent, comme une « muraille de Chine ». Gare si l'un de ses satellites cherchant une ouverture vers l’Ouest lui échappe. Son dirigeant, Vladimir le Grand, est le maître incontesté (et indélogeable) des lieux.
L’acteur principal. Monté au pouvoir dans un pays dont la vocation n’est pas spécialement philosémite, devenu plus ukrainien que les Ukrainiens, il tient tête aux agressions de l’Ours russe. Forçant l’admiration du peuple par un patriotisme hallucinant, il est le personnage central et pathétique du drame qui se joue en ce moment.
L’Histoire en fera-t-elle un héros ? Ou lui reprochera-t-on que son obstination et sa témérité ont provoqué des effusions de sang inutiles ? Un « zhyd » restera toujours un « zhyd ».
Les jeunes premiers. And the Oscar goes to…
L’Occident et les USA s’adorent dans le beau rôle. Ils pleurent le sort des réfugiés ukrainiens, boycottent, condamnent, mais dans un même souffle courtisent ardemment le Terminator perse dans les luxueux salons de Vienne. Sous des airs d’humanité, derrière des attitudes graves, ce sont des cyniques dont les calculs sont toujours froids et intéressés. Ils pardonneront à l'Iran ses centrifugeuses nucléaires puisqu’il est devenu une alternative si séduisante à l'approvisionnement en pétrole russe.
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La Russie n’est pas la Perse et Zelensky, certainement pas Esther. Mais il faut être aveugle pour ne pas voir qu'après 5 vagues de Corona, une nouvelle contraction douloureuse saisit la planète, qui a, semble-t-il, quelque chose de capital à enfanter…
La Méguilat Esther ne doit jamais être rangée. Car c’est à travers elle que l’on doit lire les événements, comme un calque que l’on place en transparence sur le déroulement de notre vie, et à plus grande échelle, sur l’histoire universelle.
Elle nous apprend que le tracé du peuple juif est différent de celui des nations. Il s’inscrit à la verticale, entre D.ieu et nous, et ce n’est que dans ce sens, que l’on peut lire avec justesse la carte du monde et les événements qui nous entourent.
Aujourd’hui comme il y a 2400 ans.