Un ‘Hassid m’a raconté qu’il a accompagné il y a une quarantaine d’années l’Admour de Leilov, Rav Biderman, au tombeau de Ra’hel Iménou à Bethléem. Ce Rebbe, connu pour sa piété, ses conseils et ses bénédictions, était sollicité par de très nombreuses personnes dont l’un des anciens premiers ministres de l'État hébreu, Mena’hem Béguin. Arrivé sur place, l’Admour s’assit à proximité du Kéver, sortit de son sac de la nourriture et se mit à manger. Lorsqu’il finit son repas, il demanda à retourner à Jérusalem sans même prier comme le font d’habitude les visiteurs. Curieux, le ‘Hassid demanda au Rav des explications. Ce dernier lui répondit : “Je suis juste venu rendre visite à Mamé (maman) Ra’hel, et j’ai mangé en sa compagnie.”
Notre matriarche Ra’hel est morte en accouchant de Binyamin sur la route d’Efrat près de la ville de Bethléem, comme cela est rapporté dans le ‘Houmach. Ya’akov, son mari, l’enterra à l’endroit où elle décéda. Pourtant, la ville de ‘Hévron n’étant pas loin, il lui aurait été assez facile de transporter le corps de la défunte dans le caveau familial acheté par Avraham, là où Ya’akov lui-même demandera d’être enseveli. En réalité, comme il le justifiera auprès de son fils Yossef, il avait agi ainsi sur ordre divin car plus tard, à la destruction du premier Temple, les exilés passeront devant le tombeau de Ra’hel. Elle se mettra alors à pleurer et suppliera D.ieu d’être clément avec Son peuple, et grâce à son intervention, l’Éternel acceptera de les ramener plus tard en Israël.
On apprend de cet enseignement deux éléments importants : tout d’abord, le fait qu’il y a un lien entre le lieu où réside le mort, et son âme. C’est la raison pour laquelle on se rend aux tombeaux des Tsadikim pour adresser nos prières à D.ieu. De plus, on relève que, parmi les autres matriarches, c’est Ra’hel qui a été “choisie” pour intercéder en faveur du peuple d’Israël. Sarah est la mère de toutes les grandes nations, Rivka est aussi la mère de ‘Essav qui va donner naissance à l'Occident, tandis que Ra’hel - avec ses sœurs - sera celle qui donnera naissance au peuple hébreu dans toute sa plénitude. Un patriarche ne pouvait pas être non plus celui qui allait éveiller la miséricorde de D.ieu, car un homme dans sa nature est véhiculé par la raison, et il aurait pu justifier les décrets divins de façon cérébrale en disant : “Israël a fauté, on l’a prévenu, maintenant il doit expier ses égarements !”
Par contre, Ra’hel est une mère qui a mis au monde ses enfants, qui les a nourris, et qui s’inquiète continuellement de leur sort. Elle pleure devant leurs souffrances, et ne peut accepter aucune explication à leurs malheurs. Elle sera enterrée à l’endroit clef, on dirait même stratégique, afin d’intervenir pour sa descendance en route pour l’exil. Son lieu de sépulture reste jusqu'à aujourd’hui un endroit privilégié de prière, continuellement visité, et dans lequel des miracles se réalisent.
Nous avons le bonheur de commencer notre histoire dans le cadre d’une famille, à partir de couples : Avraham et Sarah, Its’hak et Rivka, Ya’akov, Ra’hel et Léa. Nous ne sommes pas les descendants d’un personnage mystérieux, dont on ne connaît ni les parents (ce qui d’ailleurs permet d’émettre des théories extravagantes sur son ascendance), ni la femme, ni les enfants, et que seuls de rares initiés auraient côtoyé. Ces données sont rassurantes car grandir dans une famille avec un papa et une maman est très important pour l’équilibre psychique et affectif d’un être. Ya’akov, le père, va se charger de transmettre son enseignement, la vraie Émouna et la morale. Ra’hel (sa principale femme), la mère, va donner soutien, tendresse, amour. C’est ainsi que l’Admour de Leilov le vivait dans son quotidien, visitant sa maman, et venant prendre tout simplement son repas avec elle.