On raconte que Rav David Hekcher, l’un des directeurs de la prestigieuse Yéchiva de de Kol Torah à Jérusalem, se promenait un jour dans la rue avec un groupe d’élèves qui l’entouraient en lui parlant du thème qu’ils avaient étudié pendant le cours qui venait de s’achever.
Le groupe marchait en direction de la salle à manger de la Yéchiva, et passa à côté d’une poubelle immense remplie de sacs poubelle. Au sommet de la poubelle se tenait un chat qui miaulait faiblement, tout en se léchant les babines.
« Que nous dit ce chat d’après vous ? », demanda le Rav Hekcher à ses élèves.
Les élèves se regardèrent les uns les autres, perplexes. Ils se trouvaient au beau milieu d’un débat halakhique orageux, et le Rav interrompait leur débat pour parler du chat ? Que lui arrivait-il ? C’était du vrai Bitoul Torah ! De plus, pourquoi le Rav s’intéressait-il aux affaires des félins, depuis quand leur mode de vie ou leur papotage lui était d’un quelconque intérêt ?
Mais le Rav insista. Il répéta sa question deux, trois fois. « Que nous dit le chat ? »
Lorsqu’il vit que les élèves ne répondaient pas, le Rav David Hekcher déclara : « Je vais vous dire ce qu’il dit. D’après lui, nous sommes de pauvres malheureux, prisonniers de toutes sortes de règles et de politesses humaines. Il prétend vivre une vie folle ici, dans la poubelle.
Nous nous rendons à présent dans la salle à manger, où on va nous servir un repas composé d’un shnitzel, de quelques pommes de terre et de légumes sautés. Si quelqu’un veut un quart de poulet, il devra patienter jusqu’à Chabbath, et quand à celui qui désire des boulettes de viande à la sauce tomate, il devra attendre demain, car aujourd’hui on ne sert dans la salle à manger que des shnitzels.
En revanche, ce chat a une place en or. Il fait de petits trous dans les sachets et en sort un morceau de viande piquante qui reste de Chabbath. Il continue à chercher à droite, et trouve un reste de shnitzel de la semaine dernière, un peu à gauche, il trouve un bon steak entamé à moitié. Il a également plusieurs accompagnements : petits pois, carottes, pommes de terre au four, purée, friands, etc.
Nous devons nous laver les mains, nous assoir à table, et manger posément à l’aide d’un couteau et d’une fourchette. Le chat est dispensé de tous ces problèmes. Il plonge sa tête à l’intérieur de l’assiette et mange à un rythme bien plus soutenu que nous. »
L’étonnement des élèves ne fit que croître. Le Rav commençait à leur décrire les pensées de l’animal, ses arguments, son sentiment de supériorité par rapport à nous autres humains. Cela intéressait-il quelqu’un ? Pourquoi le Rav abordait-il ce sujet ?
« Dites-moi, mes chers élèves, poursuivit Rav David, est-ce que, d’après vous, le chat a raison ou se trompe ? Est-ce qu’il profite plus que nous ? Sa vie est-elle meilleure que la nôtre ? »
Les élèves éclatèrent de rire. Mais non, il n’a pas raison, quelles sottises ! Les hommes mangent autant qu’ils le veulent !
« Sachez que le chat a raison, les surprit le Rav. De son point de vue, depuis là où il se trouve, dans la poubelle, il a raison. C’est très confortable et agréable. La poubelle est un lieu confortable et agréable pour s’y allonger, il est habitué à l’odeur depuis son plus jeune âge, il a toujours de la nourriture à sa disposition, sans faire d’efforts ni travailler pour se la fournir, il mange des repas très variés, de la viande, du poisson, des légumes, de la soupe, il mange de tout, chaque jour et pendant toute la journée.
Mais il est dans les ordures ! Il se trouve dans les détritus. C’est pourquoi il ne comprend pas pourquoi notre situation est bien meilleure. Il ne saisit pas qu’il est malheureux et infortuné, que nous ne l’envions pas du tout, que nous avons même pitié de lui. Nous sommes tellement éloignés de sa situation, que nous ne pouvons même pas nous tenir près de la poubelle où il se sent pourtant tellement bien chez lui. »
Les élèves comprirent alors pourquoi le Rav avait décidé d’évoquer les pensées du chat. Ils en retirèrent une leçon capitale. Souvent, l’homme se trouve dans un état spirituel faible, éloigné de la Torah, du Chabbath et du respect des Mitsvot. Il se sent bien tel quel, cette situation lui convient bien. Mais il ne comprend pas que s’il émergeait un instant des ordures, s’habituait à maintenir un niveau d’hygiène spirituelle de base, à préserver quelque peu son regard, à éviter de profaner le Chabbath et de proférer des propos médisants, etc., il comprendrait à quel point il se trouve à présent dans les détritus. A quel point les scènes qui à présent le tentent, sont horribles et détestables, à quel point son Chabbath est misérable lorsqu’il le passe en regardant la télévision, plutôt que de s’imbiber d’un peu de spiritualité pour nourrir l’âme Divine qui se trouve en lui.
Il se sent bien tel quel, mais, en vérité, il se trouve dans l’endroit le plus pourri du monde !!