La tolérance est une épée à double tranchant. D’un côté, la Torah nous encourage à ne pas juger les autres, à ne pas être critiques et à aimer notre prochain comme nous-mêmes. Nous devons être accueillants, chaleureux et accepter les gens tels qu’ils sont sans être méprisants.
Ces attitudes sont certes vertueuses et doivent être encouragées, mais elles sont extrêmement nuancées et difficiles à appliquer. Lorsque nous sommes excessivement tolérants et indulgents, nous compromettons nos propres valeurs, nos principes et au bout du compte, notre intégrité. Si nous acceptons tout le monde et les choix de tout un chacun, nous affaiblissons les limites de ce qui est acceptable. N’y a-t-il pas de comportements ou de conduites dont nous devons nous distancier ? Certains choix d’autrui ne devraient-ils pas nous conduire à le bannir ?
Je n’encourage pas l’intolérance vis-à-vis de ceux qui pensent différemment ou pratiquent autrement que nous. Je ne suggère pas non plus de ne pas entretenir de relations avec ceux qui se sont égarés, car nous avons toujours l’espoir qu’ils reviennent. Néanmoins, si quelqu’un s’est conduit de manière clairement immorale, lorsque nous maintenons notre amitié, gardons une proximité, et sommes en position d’acceptation, n’est-ce pas une manière de contester notre propre caractère et intégrité ?
Nous lisons chaque vendredi soir ce passage dans la prière : « ohavé Hachem sinou ra » : "ceux qui aiment réellement Hachem détestent et rejettent le mal et les méfaits". Le Roi David ne nous encourage pas à détester l’individu, mais plutôt ses choix. Toutefois, dans certains cas, on ne peut séparer l’individu de ses choix, et si nous aimons réellement Hachem, la justice et l’honnêteté, alors nous ne pouvons ni ne devons tolérer ou accepter la perpétration de ces méfaits.
Pour être clair : si un homme refuse de donner le guèt (document de divorce) à sa femme, si une femme a eu une liaison et continue à porter atteinte à sa famille, si quelqu’un fraude dans les affaires, ou si un individu profère sans arrêt des propos négatifs sur les autres, comment pouvons-nous rester amis avec eux ? Comment justifier notre attitude si nous sommes copains-copains avec eux, si nous les invitons à nos fêtes ou à un barbecue ? Quel message envoyons-nous à nos enfants par notre complaisance, en acceptant l’inacceptable et en tolérant l’intolérable ?
Lorsqu’on nous pose la question, nous sommes nombreux à répondre : « Je ne me mêle pas » ou : « Je ne prends pas position. » Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que s’abstenir de prendre position, c’est aussi prendre position, et cette attitude est profondément blessante pour la victime de la conduite de cet ami(e). Nous ne pouvons nous permettre de choisir la voie de la moindre résistance ou de maintenir des relations de cet ordre en prétextant qu’il serait trop compliqué d’exprimer notre objection à leurs choix.
Le Rambam explique qu’un individu est le produit des individus avec qui il choisit de s’entourer. Nous sommes définis pas nos amis. Choisissons-les intelligemment.
Rav Efraim Goldberg