D.ieu est souvent considéré - excusez-moi pour le blasphème - comme une “roue de secours”. Nous sommes tous de bons croyants mais dans la vie de tous les jours, nous aspirons à un quotidien serein sans souci : une bonne santé, une subsistance dans la largesse, des enfants, du Chalom Bayit. Et si parfois, nous avons un petit pépin, nous nous sentons rassurés lorsqu’on connaît un bon médecin, que l’on possède des économies qui nous permettent de rebondir, un piston pour de bonnes écoles, etc. Mais si, à D.ieu ne plaise, on se retrouve sans solution, c’est alors qu’on va faire appel à notre Créateur. Enfin pas vraiment, ou plutôt pas immédiatement, car on recherchera tout d’abord à recevoir la bénédiction de grands Tsadikim, on ira prier sur la tombe de Rabbi Chim’on Bar Yo’haï, au Kotel ou au Kéver Ra’hel, on fera des dons à la Tsédaka, on essaiera aussi les différentes Ségoulot. Si malgré tout cela, le problème persiste, alors en dernier recours on “essaiera” la prière vers Hachem en espérant que cela marchera, tout en se disant “on ne sait jamais !”
La Méguilat Esther vient nous enseigner combien cette approche est erronée et contraire au judaïsme.
Lorsque les Bné Israël prirent connaissance du décret d’Haman - signé par le roi - de tous les exterminer, ce fut le choc et le désespoir. Mais dans un second temps, ils s’apaisèrent car ils réalisèrent que se trouvaient deux sources distinctes pouvant mener à l’annulation de ce décret : Mordekhaï et Esther ! Le premier avait sauvé le roi d’un complot meurtrier et n'avait toujours pas été récompensé ; on pouvait donc espérer que lorsque le monarque s’en rappellerait et réaliserait que son sauveteur était un Juif, il renoncerait à ce génocide. Quant à Esther, elle se trouvait être providentiellement la femme d’A’hachvéroch ; elle ne manquerait certainement pas d’intercéder auprès de son époux pour sauver son peuple.
Mais voilà que lorsque le roi se souvient finalement de Mordekhaï et décide de le récompenser pour son bienfait, il ne lui octroie pour tout présent que des marques d’honneur (chevaucher son propre cheval, vêtu de la tunique royale), mais point du salut escompté. Il restait encore aux Bné Israël un dernier “joker” en la personne d’Esther, mais qui dans un premier temps refusera d’intervenir ; et même lorsqu’elle acceptera, elle ne trouvera rien d’autre à faire que d’inviter le roi et Haman à un banquet. “Il est question de vie et de mort, et madame sirote du vin en bonne compagnie !”, se dirent, inquiets, les Bné Israël.
Nos Sages se sont eux-mêmes interrogés sur l’attitude d’Esther et ont cherché à comprendre pour quelle raison avait-elle organisé ce festin. Une des réponses données est que la reine voulait absolument que les Juifs ne comptent pas sur elle (c’est pourquoi elle se préoccupa de futilités), afin qu’ils se tournent vers D.ieu, l’unique source de salut. Elle était consciente que si elle s’appliquait à défendre leur cause, automatiquement les Juifs auraient relâché leurs efforts consistant à prier et à supplier l’Éternel de les sauver, car ainsi est faite la nature humaine. En réalité, Esther va tout faire pour annuler ce décret (car cela fait partie de notre devoir dans ce monde matériel), mais tout en sachant que ses efforts ne peuvent aboutir que si le peuple hébreu place entièrement sa confiance en D.ieu.
Effectivement, les Juifs se retrouvant acculés, ils se tourneront vers Hachem. Comme la Méguila le rapporte, ils assisteront alors à une succession de miracles qui déboucheront sur la délivrance totale et inespérée. Esther insistera auprès des Sages pour qu’ils fixent la date de cette délivrance comme fête perpétuelle, car elle est porteuse d’un message qui va permettre au peuple juif de surmonter les épreuves de la Galout : pour peu que l’on se tourne vers D.ieu, c’est toute notre destinée qui prend une autre tournure, de celles qui éliminent tous nos ennemis et nous apportent la sérénité.
Pourim Saméa’h !