Le Talmud (Chabbath 31a) nous rapporte un récit pittoresque, qui s’avère être d’actualité :
“Trois non-juifs s’adressent à des grands Maîtres de l’époque afin de se convertir, en émettant des conditions farfelues à leurs demandes. Le premier refuse de se plier à la Tradition orale, le second exige qu’on lui explique toute la Torah le temps de se tenir sur une jambe, et le troisième, après avoir pris connaissance de la description des vêtements du Kohen Gadol décrits dans le Pentateuque, désire devenir Grand-Prêtre après sa conversion ! Chamaï les renvoie, mais Hillel les accepte en neutralisant intelligemment leurs revendications.
Au premier prosélyte, Hillel démontrera que l’on ne peut dissocier la Torah écrite de la Torah orale. Au second, il énoncera le principe fondamental sur lequel tout le Judaïsme s'appuie : ’Ne pas causer à autrui ce que l’on ne désire pas pour soi-même’. Au dernier, il conseillera d’étudier les lois concernant le service sacerdotal et lorsque le converti parviendra au verset qui condamne de la peine de mort toute personne étrangère au service qui travaille dans le Temple, il comprendra de lui-même son erreur. En effet, même un grand roi comme David Hamelekh ne peut servir dans le Beth Hamikdach, car ce sont seulement les descendants d’Aharon Hakohen qui y sont habilités. Plus tard, ces trois prosélytes vont se retrouver et louer la perspicacité et la finesse du Sage Hillel qui avait su les rapprocher du Judaïsme malgré les conditions extravagantes qu’ils avaient émis à leur conversion.”
De ce texte se dégage en fait l’assise de toute la société juive. La Torah s’adresse aux différentes composantes du Klal Israël en leur ordonnant des Mitsvot et des fonctions particulières qui diffèrent d’un groupe à l’autre : le Kohen a le rôle de prêtre dans le Temple, le Lévi a son domaine, le roi ses propres commandements, le juge, le prophète, le Sage, l’agriculteur ont chacun des fonctions diverses. Mais élargissant encore le cercle, nous voyons que vivaient parmi les Hébreux en Israël des esclaves au statut particulier, des convertis, des non-juifs qui s’engageaient à respecter les 7 lois noa’hides. De même l’homme et la femme sont soumis a des règles de conduite différentes et ont des devoirs distincts l’un par rapport à l’autre dans le cadre du couple. Ce système de vie de société n’a pu fonctionner dans l’Histoire uniquement grâce à ces 3 clés : l’acceptation de la Tradition orale transmise de génération en génération depuis Moché Rabbénou, qui l’a reçue de D.ieu Lui-même ; l’amour du prochain indispensable pour le maintien harmonieux de la société ; l’acceptation de ce que nous sommes vraiment, sans vouloir changer de place, ce qui risquerait de causer une destruction.
L’époque moderne a “réussi” à détruire ces structures établies depuis des millénaires et à provoquer le désordre le plus total : plus de hiérarchie sociale, de famille, de couple, chacun devant se mouvoir dans un monde flou dans lequel on a énormément de difficultés à trouver sa place et à se réaliser. Dernièrement, avec le développement d’internet, on peut se permettre d’émettre un avis médical sans avoir suivi des études de médecine, de même dans des domaines de juridiction et d’économie, sans être passé par les cursus adéquats. La confusion pénètre dans tous les milieux, même dans celui du Judaïsme. C’est ainsi que des ignorants émettent leur avis sur des problèmes délicats de loi, sans la moindre connaissance du Talmud et du Choul'han ‘Aroukh ou proposent des explications sur les textes de la Bible contraires à la Tradition orale.
Hillel le Sage nous remet sur les rails : à chacun de connaître sa place, de crainte de provoquer des dégâts irréparables !