Dans quelques jours, nous rentrerons de la synagogue le soir de Roch Hachana et trouverons toute la famille réunie autour d’une belle table. Après le Kiddouch et le Motsi, nous entamerons la consommation des Simanim précédés d’une courte prière : “Que l’on mérite une année douce comme du miel”, “Que nos ennemis disparaissent”, “Que Tu déchires tout mauvais verdict”, etc. Puis on soulèvera la tête de mouton (ou de poisson) et l’on souhaitera d’être “à la tête et non pas à la queue”.
En général, on n'approfondit pas outre mesure le sens de ces paroles car au fond de nous, nous aspirons tous à être à la tête dans n’importe quel domaine. Qui ne souhaite pas être populaire, riche, chef, à la tête d’une entreprise, et non pas un sous-fifre à supporter les remarques de ses supérieurs ? Mais il est certain que lorsqu’ils ont institué un tel souhait, nos Sages faisaient référence à quelque chose de précis et il est intéressant d’en comprendre le sens. D’autant plus qu'à priori, il s’oppose à un enseignement des Pirké Avot : “Sois à la queue des lions et non à la tête des renards !” (4, 15). Là aussi, on peut se demander à qui font référence ces lions et renards.
Une année s’achève avec beaucoup d’événements qui ont rempli notre quotidien, que ce soit dans le domaine politique, culturel ou sportif : des personnages qui ont fait la une des médias, des chansons qui passent en boucle, des vidéos qui ont fait le buzz, des faits qui ont captivé plus d’un milliard de personnes dans le monde ; certains en dresseront même le palmarès. Mais l’on sait parfaitement que ces nouvelles ne nous apportent rien, si ce n’est qu’elles meublent le quotidien de sensations, nous donnant un vague sentiment d’avoir vécu quelque chose de particulier.
Par contre, il y a des événements ou des expériences qui nous ont profondément marqués et qui nous vont nous accompagner parfois même tout le long de notre existence : la rencontre de notre futur conjoint, notre mariage, une naissance, une vraie amitié, avoir aidé une famille dans le besoin ou un malade dans ses souffrances, avoir découvert un cours de Torah passionnant que l’on attend depuis chaque semaine, avoir surmonté une mauvaise habitude ou encore s’être réconcilié avec un voisin après une longue période de froid mutuel. Qu’est-ce qui fait que ces expériences enrichissent notre vie, contrairement à celles rapportées plus haut ?
La réponse est toute simple : tout ce que les médias et les réseaux sociaux relayent ne nous concerne pas vraiment. Faute de remplir notre existence de sens, nous recevons passivement des informations ou des divertissements qui viennent “chatouiller” notre vécu. Mais lorsque nous prenons les rênes de notre destinée en main et cherchons à l’enrichir de manière constructive, automatiquement nous nous éloignons de ces futilités. Et c’est cela que l’on souhaite le soir de Roch Hachana : que nous soyons à la tête (en menant notre existence de manière active et positive), et non à la queue (entraînés dans l’inertie par les autres) !
Techniquement, comment s’y prendre pour être “à la tête” ? Paradoxalement, c’est en étant à “la queue des lions” : c’est-à-dire de nos grands Sages, qui ne cherchent pas à plaire et mènent leur existence selon la Torah sans subir d'influences extérieures. C’est justement en observant leur exemple que l’on parviendra à se réaliser. Par contre, si l'on choisit la fréquentation des “renards” - ces fourbes qui n’ont en réalité rien à vendre, utilisant la malice et la naïveté des gens pour les détourner -, on passera à côté de l’existence véritable, et cela même si l'on parvient à devenir leur chef !
Chana Tova Oumévorekhet, et que l’on soit toujours à la tête et non à la queue !