Tout comme le zèle avec lequel un homme réalise une action témoigne d’un enthousiasme interne profond, l’homme peut éveiller l’enthousiasme dans son cœur s’il s’efforce à agir avec vivacité et ardeur. Le Sefer ha’Hinoukh [16] exprime cette règle ainsi : ‘Les pensées et sentiments d’un homme se font toujours influencer par ses actions. Même un homme profondément mauvais qui se force à faire du bien finira par éveiller sa sensibilité. Et inversement, un homme profondément bon contraint de faire des gestes cruels finira par inculquer la cruauté à son cœur’. Autrement dit, le fait de devoir jouer le jeu fait que l’on se prend au sérieux dans le jeu, et sensibilise le cœur. Ce principe est dérivé de l’enseignement de nos Maîtres [Pessahim 50B]: ‘לְעוֹלָם יַעֲסֹק אָדָם בַּתּוֹרָה וּמִצְוֹת אַף שֶׁלֹּא לִשְׁמָהּ, שֶׁמִּתּוֹךְ שֶׁלֹּא לִשְׁמָהּ בָּא לִשְׁמָהּ – Un homme s’efforcera toujours d'accomplir la Torah et les mitsvot même de manière intéressée, car le fait de les concrétiser l’amènera à les réaliser pour l’honneur d’Hachem’.
On a souvent tendance à croire que c’est le fait de recevoir qui crée l’estime et attachement envers le donneur; pour plusieurs facteurs complexes, cette thèse est souvent fausse. Tandis que la réciproque est bien plus vérifiée: c’est en donnant à l’autre que l’on développe de l’intérêt et estime pour lui !
Mais il existe une condition inhérente pour que l’action instille au cœur des bons sentiments : être mentalement convaincu de la nécessité d’avoir ces sentiments. Ainsi, l’acte fait sortir du potentiel au réel le bon sentiment. Autrement, l’action grave dans le cœur du rejet, car celui-ci retient naturellement la contrainte, aussi minime soit-elle, que l’acte a impliquée.
‘Les pensées et sentiments d’un homme se font toujours influencer par ses actions’ – qu’il s’agisse de bon ou de mauvais acte. Par ex. lorsque mon voisin croule sous le poids d’une charge, si je vais l’aider, l’expérience instillera à mon cœur de la sensibilité pour lui. Et si je fais mine de ne pas le voir, je serai désormais plus égoïste, esquiverai davantage les appels à l’aide des autres.
Mais il existe une condition pour que le bon acte sensibilise positivement le cœur: avoir conscience de la nécessité de posséder cette vertu. Autrement, l’action ne laissera pas d’impact. Ou pire, elle aura l’impact opposé. Pour continuer sur l’exemple du voisin: si je me force à l’aider sans méditer sur la grandeur de l’entraide, et qu’au contraire, je me monte contre ‘ces gens qui troublent toujours la tranquillité des autres’, je développerai du dédain pour les gens dans le besoin. Parce que concrètement, l’acte d’aider était interprété dans mon cœur comme un geste de reproche à l’autre. Alors que, malheureusement, l’impact d’un mauvais geste ne nécessite jamais de grandes convictions – car l’instinct égoïste sait naturellement trouver son profit dans le mal, et ne manque pas d’exprimer sa satisfaction au cœur !
Pire encore : même si j’ai théoriquement conscience de la nécessité de posséder une certaine vertu, mais qu’au moment d’agir, je râle, me plaint, critique les conditions, l’acte réalisé ne manquera pas de m’éloigner davantage de cette valeur. Car l’instinct crie naturellement son mécontentement dès qu’il agit ‘malgré lui’ – c.-à-d. s’il ne trouve pas un plaisir immédiat. De ce fait, lorsqu’on fait une bonne action, il faut impérativement chercher le plaisir du bon acte, et faire taire les grognements. Le libre-arbitre de l’homme consiste précisément à choisir de sensibiliser le cœur aux bonnes valeurs. Ainsi, le Midrach [Toledot 67, §8] enseigne : « Les impies sont dominés par leur cœur, comme il est dit : ‘Essav se dit dans son cœur’, ‘Naval se dit dans son cœur’… Mais chez les Tsadikim, leur cœur est dans leurs mains, comme il est dit : ‘Hannah parla à son cœur’, ‘David parla à son cœur’, ‘Daniel s’inculqua à son cœur’… »