L’équilibre d’une personne dépend en grande partie de la gestion de son psyché. Rav Israël Salanter nous apprenait il y a plus d’un siècle et demi déjà que l’homme est composé de forces obscures qui influencent inconsciemment ses actes (Or Israel, lettre n°30). Puis 80 ans plus tard environ, le célèbre Sigmund Freud formula la première de ses deux topiques, le conscient et l’inconscient comme définition du psyché humain. Les années passèrent et le psychanalyste autrichien affina son modèle, jusqu’à le finaliser - le moi, le surmoi et l’autre moi - ou, en termes plus académiques, le conscient, le subconscient (ou le préconscient) et l’inconscient. La seconde topique de Freud était née.
Freud nous apprend que l’inconscient emmagasine toutes les expériences de vie d’une personne : ses réussites, ses échecs, ses peurs, ses plaisirs mais aussi ses moments de bonheur et de détresse… absolument toute notre vie est stockée dans notre inconscient. Notre conscience, quant à elle, est largement influencée, voir formatée par toutes les données stockées dans l’inconscient, les bonnes comme les mauvaises... Comment la conscience fait-elle donc le tri parmi toutes les informations contenues dans l’inconscient afin de ne sélectionner uniquement les positives et enfouir profondément celles qui sont néfastes ? C’est là que le subconscient rentre en jeu…
Le rôle du subconscient – régulateur de vie
Le subconscient (ou le préconscient) est l’instance de notre personnalité qui est responsable de filtrer le flot de données qui émanent de l’inconscient vers le conscient. Sa régulation répond à un principe clé : filtrer les informations dérangeantes pour ne laisser apparaître que celles qui seraient avantageuses pour la personne. Cette tâche n’est pas de tout repos pour notre subconscient, elle s’accompagne parfois même d’une grande dépense d’énergie. Et lorsque le régulateur est submergé par la tâche, il fait parfois appel à certains mécanismes qui vont à leur tour assurer l’équilibre de l’individu comme le clivage, le déni, le transfert, la rationalisation...
Mais il arrive parfois que même cela ne suffise pas et toute la vie d’une personne se transforme alors en un grand mécanisme de défense…
Lorsque la vie est un catalyseur de névroses
Les données émergentes de l’inconscient sont parfois tellement insoutenables que le subconscient ne trouve plus de solutions, il est désarmé face à l’ampleur de la tâche, la personne fait tout pour éviter de se retrouver face à ses démons.
C’est cet hyperactif du travail par exemple qui ne cesse d’être occupé à mille et une choses à la fois pour ne pas avoir à affronter son vide existentiel ou cette mère de famille qui range frénétiquement sa maison dans les moindre recoins pour ne pas se laisser le temps de penser à sa malheureuse enfance, ou encore ce professeur de karaté qui dévoue sa vie à la maîtrise du combat pour atténuer le sentiment d’humiliation qu’il porte en lui de l’agression dont il a été victime dix ans plus tôt…
Il y a même ceux qui se créent inconsciemment une phobie ou un TOC (trouble obsessionnel compulsif) pour masquer le poids de leur dérangement insoutenable en névroses politiquement correctes, où ils défoulent leur frustration dans des névroses « tolérées » par la société…
La vie d’une personne peut nous en dire beaucoup sur elle et chacun est différent…
Se connaître, prélude au bonheur !
Mais le principal est de savoir si nous même sommes en parfait accord avec nous-même et notre vécu. Après quoi courons-nous dans la vie ? Est-ce par pur plaisir de la tâche effectuée ou pour camoufler des peurs lancinantes ?
Pourquoi exerçons-nous telle ou telle tâche ? Est-ce dans le but de gagner en satisfaction ou bien pour mettre en sourdine les reproches de la mama qui rabâchait constamment “Tu n’arriveras à rien Mario !” ?
Il en va de même pour cet étudiant en Yéchiva qui lit à toute vitesse ? Serait-ce dû au fait qu’il emmagasine si vite les informations ou, au contraire, cela a pour but de camoufler son manque de compréhension approfondie des textes par des lectures rapides ?
Rabbi Chem Tov Ibn Palkira rapporte dans son ouvrage “Sefer Hanefech” qu’une inscription était gravée dans la salle d’étude des Prouchim, les Sages du temps de la Michna : « Connais ton âme et ton Créateur ». Il en fut de même pour celle de Socrate où figurait l’adage « Gnoti Sauton » littéralement “connais-toi toi-même”.
Si c’est précisément cet enseignement-là que ces géants de la pensée ont choisi de graver sur les murs de leur lieu d’étude, cela signifie que la sagesse est avant tout de se connaître soi-même…
Par la suite, des maîtres tels que Rav Saadia Gaon (Emounot Védéot, 6e livre) ou encore le Rambam (Les huits chapitres), ainsi que beaucoup d’autres de la même envergure, ont approfondi les mécanismes de l’âme avec pour intention d’en discerner les rouages. Mais au-delà de la richesse de leur travail, leur approche concernant l’approfondissement de la connaissance de soi doit nous inspirer à suivre leur pas, s’investir dans ce domaine capital pour notre équilibre personnel. Si eux l’ont fait dans le but de connaitre l'âme dans toute sa splendeur, nous devons quant à nous le faire pour apprendre à bien vivre avec…
Certains auront peut-être besoin de l’aide d’un professionnel, d’autres juste d’un petit exutoire sportif pour défouler leur frustration, mais tous doivent faire l’effort de se poser un instant pour faire un point : suis-je heureux dans ma vie ? Est-ce que j’aime vraiment mon travail ? Mon étude de la Torah me convient-elle ?
Car il n’y a qu'en se posant les vraies questions qu’on obtient de vraies réponses…