Voici un exemple concret d'un cas traité par des tribunaux rabbiniques, afin d'apprendre à voir et assimiler peu à peu le "Daat Torah", le fait d'avoir un esprit et une réfléxion de plus en plus en accord avec la Torah.
Question
Réouven a acheté un appartement neuf au promoteur. Dès sa réception, il le loue à Chimon qui lui règle six mois d’avance. Après un mois, Chimon entend des bruits de travaux au-dessus de son appartement. Il s’avère que le promoteur a obtenu un permis de construire pour ajouter des étages. Chimon veut quitter l’appartement et demande à Réouven de lui rembourser son avance pour les cinq mois à venir ainsi que de le dédommager pour les frais occasionnés par son déménagement. Réouven rétorque que lui et les autres copropriétaires ne sachant rien de ce projet, le contrat de location a été signé sans ruse de sa part et qu’il n’a pas à y renoncer.
Décision & explications
Réouven doit rembourser cinq mois de location à Chimon, mais pas les frais occasionnés par son déménagement étant donné qu’il n’y a pas eu préméditation.
La location est sujette à controverse. Est-ce comme un achat qui, dès le début, est considéré comme la propriété du locataire pour toute la durée du contrat (tel est l’avis du Bet Yossef 312 au nom du Rachba) ou bien est-ce comme un contrat de travail dans lequel le propriétaire est un prestataire de services (c’est l’avis du Rama 334 selon le Mordékhay). L’implication immédiate est dans le cas de mort du locataire. Selon le Rachba, il y a acquisition et donc, les héritiers sont dans le devoir d’honorer le loyer.
Selon le Rama, par contre, le propriétaire est régi selon la règle des ouvriers et, dans ce cas de force majeur, l’ouvrier (le propriétaire qui offre le service) essuie les pertes (c’est-à-dire le non-paiement du loyer). Mais dans notre cas où il y a eu paiement d’avance, le Mahané Efraïm (skhirout 13) établit que, selon tous les avis, la location est considérée comme un achat. Nous devrions donc dire que puisque Chimon a avancé l’argent, il ne pourra pas résilier le contrat. Mais ce n’est pas forcément le cas puisqu’il prétend que le bruit des travaux constitue un défaut de l’appartement. Le Nétivot (334;2) affirme en effet que si la maison s’est effondrée, on n’appliquera évidemment pas la halakha comme si le locataire était mort.
Dans ce cas, le contrat de location est annulé et l'argent doit être remboursé. Il nous reste à déterminer si une construction d’autres étages est un défaut qui annule le contrat. Le Choulkhan Aroukh (Hochen Michpat 232;5) établit qu’un défaut qui n’est pas inhérent à l’appartement n’invalide pas la location si, et seulement si, le propriétaire le corrige. Par exemple, si des vandales entrent dans l’appartement et abiment les portes entre le moment où le contrat a été signé et le moment où le locataire occupe les lieux, il suffira de déduire du loyer les frais de réparation des portes. Mais s'il a été stipulé que les murs sont déjà construits et qu’il s’avère qu’ils ne le sont pas, c’est un défaut car le produit n’est pas seulement abimé, il n'est pas fini.
Dans notre cas, l’appartement correspond bien à ce qui a été loué, mais il y a un défaut extérieur qui ne peut être écarté ou évité, puisqu'il est impossible d’arrêter la construction. Par conséquent, le contrat de location est annulé.
Quant aux frais de déménagement, le Choulhan Aroukh (232, 21) traite de quelqu’un qui vend un objet en sachant que l’acheteur l’emporte au loin et qu’il a des frais de transport ou de post. Dans ce cas, cela dépend si le vendeur savait que l’objet avait un défaut. S’il ne le savait pas, il ne devra pas rembourser les frais de transport mais seulement l’objet lui-même. Il en est de même dans notre cas : le propriétaire remboursera le prix du loyer mais pas les frais de déménagement du locataire qui veut quitter les lieux.
Rav Réouven Cohen