Plus on approche de Yom Kippour, plus on réalise la nécessité de scruter notre respect des Mitsvot – à quelles occasions nous avons trébuché et ce que nous devons améliorer. Mais il y a un autre aspect de la Avodat Hachem, moins connu, qu’il nous faut aussi analyser.
Dans les prières des Jours Redoutables, nous affirmons que l’homme est jugé « Maassé Ich Oupékoudato ». « Maassé Ich » évoque les actions de la personne (son observance des Mitsvot), mais à quoi se réfère « Pékoudato » ? Rav Shraga Feivel Mendelowitz explique que le terme « Oupékoudato » se rapporte au Tafkid de la personne, à sa mission dans le monde. Chacun a, ici-bas, une tâche particulière à effectuer et il est jugé sur les efforts qu’il investit pour atteindre ce but.
Il explique que chacun a une sphère d’influence qui touche les membres de sa famille, ses élèves ou toute autre personne qu’il côtoie. La façon qu’il a d’influer sur son entourage, par le biais de ses actions, est appelée « Pékoudato » et il est également jugé sur cela. Si, en observant son comportement, d’autres personnes perfectionnent leur Avodat Hachem, alors il sera largement récompensé, mais si c’est l’inverse qui se produit, il sera condamné pour la part qu’il aura dans leurs Avérot, autant que pour ses propres fautes. Les actions de la personne ne se font pas en vase clos, nous sommes constamment observés, et, par conséquent, nous devons toujours être conscients des éventuelles répercussions de nos actes, même quand nous ne communiquons pas directement avec quelqu’un d’autre. Même si une personne a accompli toutes les Mitsvot, elle peut être réprimandée si elle n’a pas réalisé son potentiel. Cette Avoda semble plus difficile que celle du respect des Mitsvot.
Prenons l’exemple du Natsiv. Lorsqu’il acheva son commentaire sur le Chéiltot, livre intitulé Emek Chééla, il organisa une Séouda (repas de fête), pour deux raisons ; tout d’abord, comme le veut la coutume après l’achèvement d’un ouvrage, mais aussi pour un motif personnel. Il raconta que dans son enfance, il manquait de sérieux dans son étude de la Torah. Ses parents déployèrent tous les efforts possibles pour l’aider à changer, mais en vain. Un soir, il surprit l’une de leurs discussions à propos de ses échecs – ils conclurent qu’il n’avait aucune chance de devenir un Talmid ’Hakham (érudit en Torah) et qu’il valait donc mieux qu’il devienne cordonnier. Ils espéraient qu’il resterait pratiquant, honnête et dévoué. En entendant cela, le Natsiv, choqué, décida de prendre ses études de Torah au sérieux – cet incident lui fit un tel effet qu’il changea complètement d’attitude et il devint un Gadol (littéralement, un « Grand » ; dirigeant spirituel). Il devint le Roch Yéchiva de Volozhin et écrit plusieurs Séfarim. Imaginons qu’il n’avait pas décidé de persévérer dans l’étude et qu’il était devenu un simple cordonnier, respectant scrupuleusement la Torah et les Mitsvot et craignant D.ieu. On lui aurait montré, après 120 ans, le Emek Chééla et il n’y aurait rien compris. On lui aurait demandé : « Où est ton Emek Chééla et tous les autres livres que tu aurais pu écrire ? » Il n’aurait jamais su ce qu’il était capable de devenir. Ce n’est que grâce à ce changement drastique qu’il parvint à réaliser son plein potentiel – celui de devenir un Gadol Béisraël.
Durant la prière de Néila, le moment culminant de Yom Kippour, nous ne récitons pas le Vidouï. Pourquoi ne pas faire Téchouva à cet instant si important du Jour du Pardon ? Le ’Hidouché Harim répond que notre Téchouva se trouve dans les mots « afin que nous puissions retirer nos mains du vol. » Pourquoi mentionnons-nous précisément le vol parmi toutes les fautes commises ? Il explique que cela ne fait pas seulement référence au vol habituel, mais à tous les cadeaux qu’Hachem nous offre (l’argent, la nourriture, le logement, les talents, les opportunités…) pour remplir notre mission sur terre. Or nous utilisons souvent ces cadeaux improprement et ceci est considéré comme du vol[1]. Vers la fin de Yom Kippour, nous nous sommes déjà (on l’espère) lavés de nos fautes, mais il faut également se repentir pour l’utilisation inappropriée des talents octroyés par Hachem et exprimer notre intention de les utiliser au mieux, pour assumer notre rôle.
Nous devons tous nous poser la question : « Suis-je en train de réaliser mon potentiel ? D’accomplir ce qu’Hachem souhaite ? Comment pourrais-je faire mieux ? »
Chacun a un potentiel énorme. Rav Chakh rapporte le verset : « Retourne Israël vers Hachem, ton Dieu, car tu as trébuché dans ton iniquité. »[2] Il explique que les fautes du peuple juif sont très graves et c’est en soi une raison pour revenir vers Hachem. Pourquoi ? Il affirme que le bien peut faire au moins autant que ce que le mal peut causer. Donc si une personne peut se détourner d’Hachem à un tel point, son repentir peut au moins égaler ses fautes. Si l’histoire a prouvé qu’un homme peut tuer six millions d’âmes, alors un homme peut sauver au moins six millions de vies ! Ce que l’on peut accomplir reste au-delà de ce que l’on imagine, mais nous devons nous efforcer de saisir les opportunités qui se présentent à nous ; ou mieux encore, de créer nos propres opportunités, afin de transformer notre imagination en réalité…
Puissions-nous tous mériter d’exploiter notre plein potentiel.
[1] Entendu de Rav Zéev Leff et de Rav Issakhar Frand.
[2] Hochéa, 14:2.