À Souccot, nous secouons les quatre espèces — le Loulav, l’Étrog, le Hadass (myrte) et la Arava (saule). Analysons deux idées liées à Souccot en général et aux quatre espèces en particulier et nous verrons comment elles se rejoignent.
L’unité du peuple juif est l’un des concepts mis en évidence par les quatre espèces. Le Midrach enseigne que les quatre différentes espèces font allusion à quatre sortes de Juifs.
L’Étrog a un bon goût et une bonne odeur et il représente donc la personne qui détient la sagesse (l’étude de la Torah) et les bonnes actions. Le Hadass a un bon parfum, mais il n’est pas comestible. Il fait allusion à celui qui accomplit de bonnes actions, mais manque de sagesse. Le Loulav est comestible, mais n’a pas d’odeur. Il représente la personne avec sagesse, mais sans bonnes actions. La Arava (saule) n’a ni goût ni odeur. Elle symbolise l’individu qui n’a ni bonnes actions ni étude de la Torah.
À Souccot, nous rassemblons ces quatre espèces, les lions et les secouons toutes ensemble. Même l’espèce la plus « élevée » — l’Étrog — n’a aucune utilité si les trois autres espèces ne sont pas prises avec lui. Si l’une des espèces est manquante, la Mitsva n’est pas accomplie. De plus, lorsque les quatre espèces sont attrapées, l’Étrog est tenu à côté de la Arava, pour montrer que la personne la plus « élevée » doit être aux côtés de la personne « la plus basse » afin de l’influencer positivement. Cela nous montre l’importance des liens étroits avec tous les Juifs, même ceux qui ne sont pas au même niveau.
Il existe un autre concept qui prévaut à Souccot ; celui du Hidour Mitsva, le fait d’embellir la Mitsva. On apprend cette idée d’un verset de la Chirat Hayam. La Guémara (Chabbat 133b) explique que les mots « Zé Kéli Vaanevéhou – C’est mon D.ieu et je vais Le glorifier » montrent qu’il convient de faire les Mitsvot d’une belle manière, au-delà de l'exigence de la stricte Loi. Elle donne ensuite deux exemples liés à la fête de Souccot ; construire une belle Soucca et acheter un bel Étrog. Elle précise que bien qu’il soit permis de manger ou de boire un peu en dehors de la Soucca, il est préférable (c’est donc un Hidour) de ne manger et de ne boire que dans la Soucca.
À première vue, ces deux idées (l’unité du peuple juif et le Hidour Mitsva) ne semblent pas liées. D’ailleurs, le fait d’aller au-delà de la stricte loi dans notre relation avec Hachem peut parfois conduire à des erreurs dans les relations interpersonnelles. Par exemple, quelqu’un qui prie très longuement risque d’empêcher d’autres personnes de se déplacer ou quelqu’un qui pousse d’autres personnes pour pouvoir aller embrasser le Séfer Torah. Mais en réalité, les deux idées ne devraient pas se contredire et devraient même aller de pair. L’histoire suivante, racontée par Rav Berel Wein montre comment un individu peut exceller dans les deux domaines.
L’histoire fut racontée par S.Y. Agnon, le lauréat du prix Nobel israélien de littérature. Il était le voisin d’un célèbre vieux rabbin de Russie. Tous deux vécurent dans le quartier de Talpiot à Jérusalem. Une année, avant Souccot, Agnon vit son voisin acheter des Étroguim. Agnon remarqua à quel point ce dernier était méticuleux dans le choix de son Étrog. Même s’il n’avait pas de grands moyens, il recherchait le plus bel Étrog, et donc le plus cher. Après avoir examiné de nombreux produits, le rabbin choisit finalement celui qu’il souhaitait et paya.
En rentrant chez lui avec Agnon, le rabbin lui expliqua à quel point il était important d’avoir un bel Étrog, précisant que la beauté de l’Étrog faisait partie de l’accomplissement du commandement divin pour la fête. Or, le premier jour de Souccot, Agnon remarqua que le rabbin n’avait pas apporté d’Étrog à la synagogue. Perplexe, Agnon lui demanda où se trouvait son bel Étrog. Le rabbin raconta : « Je me suis réveillé tôt, comme prévu, et je me suis préparé à réciter la bénédiction sur l’Étrog dans ma Soucca, située sur mon balcon. Comme vous le savez, nous avons un voisin qui est père d’une grande famille, et nos balcons sont adjacents. Comme vous le savez aussi, ce voisin a un tempérament impulsif. Plusieurs fois, il crie sur ses enfants ou les frappe pour avoir enfreint ses règles et négligé ses souhaits. Je lui ai souvent parlé de sa dureté, mais en vain.
Alors que j’étais dans la Soucca, sur le point de réciter la bénédiction sur l’Étrog, j’ai entendu les pleurs d’un enfant, provenant du balcon voisin. C’était la fille de notre voisin. Je me suis approché pour lui demander ce qui n’allait pas. Elle m’a dit qu’elle aussi s’était réveillée tôt et était sortie sur le balcon pour examiner l’Étrog de son père, fascinée par sa beauté et son odeur. Faisant fi des instructions de son père, elle a sorti l’Étrog de sa boîte de protection, pour mieux le voir. Elle l’a malheureusement fait tomber sur le sol en pierre, l’endommageant irrémédiablement et le rendant inutilisable. Elle savait que son père serait furieux et qu’il la punirait sévèrement, voire violemment. D’où les larmes effrayées et les gémissements d’appréhension.
Je l’ai réconfortée, puis j’ai pris mon Étrog et l’ai placé dans la boîte de son père, prenant l’Étrog endommagé chez moi. Je lui ai dit de dire à son père que le voisin insistait pour qu’il accepte le bel Étrog en cadeau, et que ce faisant, il m’honorerait et honorerait la fête. »
Agnon conclut : « L’Étrog endommagé, meurtri et rituellement inutilisable de mon voisin rabbin fut le plus bel Étrog que j’ai jamais vu de ma vie. »
Ce rabbin incarnait les deux aspects de la Soucca — le souhait d’accomplir la Mitzva avec le plus grand Hidour mais en même temps, la conscience que le peuple juif est un, et qu’à certains moments, un Hidour dans notre relation avec Hachem peut être remplacé par un Hidour dans les relations avec autrui. Puissions-nous tous mériter d’exceller dans ces deux domaines.