A ceux qui déclarèrent avoir aperçu le nouveau croissant de Lune, Rabban Gamliel leur affirma : « Je détiens par tradition de mes aïeux que la durée du renouvellement de la lunaison ne peut pas être inférieure à 29j 12h et 793 ‘Halakim » (Roch-Hachana 25a). Si Rabban Gamliel s’était « trompé » d’un ‘hélek (1/1080 h), en plus ou en moins, en 2000 ans, nous aurions totalisé une erreur d’une journée. Nous aurions pu aujourd’hui apercevoir dans le ciel dès le 29 du mois le nouveau croissant de Lune, ou à la date du 1er du mois, l’ancien croissant de Lune.
L’usage de célébrer deux jours consécutifs de Roch-’Hodèch provient de l’époque où le Beth-Din attendait toute la nuit et la journée du 30, la déposition des témoins oculaires du nouveau croissant de Lune. Leur arrivée fixait le premier jour du mois. Le lendemain portait donc la date du 2. Si les témoins ne venaient pas, le Roch-’Hodèch était proclamé automatiquement le lendemain du 30.
Le Roch-’Hodèch du mois de Tichri est particulier. C’est aussi le premier jour de l’année appelé Roch-Hachana.
La Torah nous demande de célébrer Roch-Hachana le premier jour du septième mois de l’année, c’est-à-dire le 1er Tichri (Lév. XXIV, 24-25 ; Nombres XXIV, 1-6 – Les mois sont comptés à partir de Nissan.). Cependant, en vertu d’une ordonnance datant de l’époque des premiers prophètes (Yérouchalmi, ’Eroubin III), nous célébrons deux jours Roch-Hachana, le 1er et le 2 Tichri. La raison est analogue à celle de Roch-’Hodèch où le Beth-Din attendaient la déposition des témoins.
Quand la proclamation du nouveau mois par le Beth-Din pouvait se faire avant la fin de l’après-midi du trentième jour d’Eloul, ce jour était déclaré le premier jour de l’année, soit le 1er Tichri. En attendant cette proclamation, tout était fait a priori comme s’il s’agissait effectivement du jour de Roch-Hachana. Le lendemain sera le 2 Tichri. Si les témoins ne se présentaient pas, c’est le lendemain qui devenait Roch-Hachana, et rétroactivement, le 30 Eloul devenait jour profane, faisant partie de l’année écoulée. Aussi, afin d’éviter que la sainteté de ce 30 Eloul ne soit traitée avec légèreté, les prophètes de l’époque du premier Temple ordonnèrent chaque année la célébration de Roch-Hachana deux jours durant, et ce, indépendamment de l’annonce faite par le Beth-Din.
Le Talmud (Bétsa 5a) traite longuement des deux jours de Roch-Hachana et cite le cas de témoins qui arrivèrent tard dans l’après-midi, après que les Lévites eurent chanté les Psaumes des jours ordinaires et que le sacrifice quotidien eut été présenté. Leur venue perturba le service du Temple ; il fut alors décidé de ne plus recevoir de témoins après le sacrifice de l’après-midi.
Le Rambam explique (Kiddouch Ha’Hodèch V) que Roch-Hachana était célébré deux jours par la majeure partie de la population d’Erets-Israël car l’envoi des messagers en dehors de Jérusalem était interdit le jour de fête. A Jérusalem même, on devait parfois célébrer deux jours, en cas d’arrivée tardive des témoins devant le Beth-Din.
Quant aux fêtes de Souccot et de Pessa’h, le 15 du mois, les juifs d’Erets-Israël ayant eu le temps d’être informés de la date réelle fixée par le Beth-Din, ne célébraient qu’un seul jour, alors que ceux de la Gola, demeurant plus loin, là où les messagers n’arrivaient pas, célébraient 2 jours, dans le doute.
L’exil a mis fin à la procédure d’interrogation des témoins. Le premier jour de l’année, et le calendrier dans son ensemble, sont déterminés par calculs, et obéissent à des règles précises où le calcul du Molad (lunaison) de Tichri et la détermination du jour de Roch-Hachana constituent la pierre angulaire autour de laquelle est articulé notre calendrier.
La durée d’une lunaison est donc d’environ de vingt-neuf jours et demi. La Torah nous demande d’établir des mois de jours entiers, comme il est écrit (Nombres XI, 20) : עד חודש ימים – jusqu’à un mois de jours : de jours et non d’heures (Méguila 5a). Les mois comportent un nombre entier de jours, 29 ou 30. La deuxième moitié du trentième jour, faisant partie en réalité du mois suivant, confère à ce jour le statut de Roch-’Hodèch. Par conséquent, les mois de trente jours sont suivis de deux jours de Roch-‘Hodèch : le 30 du mois et le 1er du mois suivant ; les mois de 29 jours ne sont suivis que d’un seul jour de Roch-’Hodèch : le 1er du nouveau mois.
En théorie, le début de l’année devrait être le moment précis où se produit le Molad de Tichri ; or celui-ci intervient à une heure du jour ou de la nuit très variable. On ne peut envisager de fixer le début de l’année au milieu d’une journée, d’autant que la Torah le désigne de l’expression : « Yom Térou’a », jour de sonnerie, exigeant par là un jour complet.
Dans la tradition rabbinique, les deux jours de Roch-Hachana sont considérés comme une journée prolongée de 48 heures appelée « Yoma Arikhta » : la sainteté de ces deux jours étant la même, encore qu’il y ait plusieurs avis à ce sujet (Bétsa 5b). Si autrefois, le premier jour était d’ordre rabbinique et le second le vrai Nouvel An, aujourd’hui où le calendrier est établi par calcul, le premier jour de Roch-Hachana est réellement le premier jour de l’année désigné par la Torah, le second étant observé par ordre rabbinique selon le principe de ne pas changer un Minhag de nos pères (Biour Hagra 401).