Cette rencontre a eu lieu il y a dix ans, mais elle est restée gravée dans ma mémoire. C'était un Motsaé Chabbath, le premier soir des Sli'hot. Il y a quelque chose de spécial, voire d'envoûtant, à propos de la première soirée des Sli'hot. Il est tard, autour de minuit, lorsque le 'Hazan commence à réciter le premier mot du Kaddich, avec le Nigoun (mélodie) propre aux Yamim Noraïm, les Jours Redoutables. Vous vous réveillez, peu importe votre degré de fatigue. Ce qui m'intéresse, c'est la première strophe dans le cantique liturgique de Bémotsaé Ménou'ha, qui nous offre matière à réflexion à l'approche de Roch Hachana.
Il se trouve que j'étais dans une synagogue avec un célèbre Machguia'h (guide spirituel) qui, à l'époque, occupait cette fonction depuis plus de quarante ans. Il avait vu des générations de Ba'hourim (élèves de Yéchiva) et de jeunes gens et s'investissait de tout son être pour leur prodiguer des conseils. Il était également impliqué dans des problèmes de Chalom Bayit (entente conjugale) et de nombreux autres domaines de difficultés auxquelles les jeunes gens sont confrontés.
Je l'observais à un moment donné pendant les Sli'hot et soudain, je remarquai qu'il s'essuyait les yeux. Les larmes coulaient, et ses efforts pour contrôler ses pleurs n'eurent aucun effet. À la fin des Sli'hot, je lui demandai : « Pourquoi le Machguia'h pleurait-il ? » Il répondit : « Lorsque j'ai dit les mots "Pné Na El Hatlaot Véal Lé'hataot – de grâce, regarde la souffrance et non les fautes", je n'ai pu m'empêcher de pleurer. Je connais très bien ce que ces soi-disant fautes sont. Je suis un Machguia'h. Cela fait des années que je suis dans "le domaine des fautes." Je peux vous dire que de nos jours, les choses sont différentes. Je conseille constamment des jeunes gens, et je peux vous affirmer avec certitude que les Avérot (fautes) sont peu solides. »
Les fautes de la génération d'aujourd'hui sont le résultat de nerfs peu solides
Je ne me rappelle pas la formulation exacte de ses termes, mais en gros, il disait que presque toutes les fautes qu'il rencontre, même les Avérot graves, ne sont pas commises par révolte ou par volonté de se rebeller contre Hachem. Elles proviennent d'une faible capacité à faire face. Il s'expliquait ainsi : « Nous vivons dans une génération où les gens ont très peu de résilience. Ils dévient très facilement de leur voie et désespèrent facilement, et lorsqu'ils se trouvent dans une situation de désespoir, ils abandonnent et chutent…
« Ils ont vraiment du mal à gérer la plus petite adversité, sans parler de grandes épreuves. Leurs faibles capacités à gérer sont si faibles qu'au fil du temps, ils semblent avoir de moins en moins de cran. Lorsqu'ils font face à une épreuve, même si elle n'est pas terriblement difficile, ils perdent leur faculté à penser rationnellement, à prendre une profonde inspiration et à se concentrer pour s'assurer qu'une réflexion lucide supplante leur réaction impulsive et émotive. »
Il poursuivit en citant un extrait du Piyout récité à Hochana Raba : «Hachana Néfech Mibéhéla – de grâce, Hachem, sauve le Néfech, l'âme, de la Béhala, du chaos ou des bouleversements.» Lorsqu'on se trouve pris dans une épreuve, même minime, une âme bouleversée devient si déjantée qu'elle chute. Elle ne peut penser rationnellement. Elle avance à tâtons et de manière irrationnelle.
« Même en l'absence d'une véritable épreuve – quelque chose d'apparemment insignifiant comme une insulte, un examen difficile à l'école, ou une situation complexe en société – de nombreux jeunes gens touchent le fond ou sombrent dans la dépression. »
Et de conclure : « J'étais émotif en pensant combien les gens souffraient de nos jours. Ils souffrent tant qu'ils n'arrivent pas à s'en sortir. Ils sont si aisément découragés. Leurs nerfs, leur force affective et leur résilience sont si faibles qu'ils tombent, mais leurs fautes ne sont pas aussi graves qu'elles n'en paraissent. J'implorai Hachem de regarder leurs Tlaot, leurs souffrances. Regarde ce qui l'a conduit à commettre cette faute. Ce n'était pas par rébellion contre Toi, mais uniquement en raison d'une faiblesse générale qui est devenue envahissante au point d'être effrayante. »
Ce Machguia'h s'est exprimé il y a de cela dix ans, où la situation était bien différente d'aujourd'hui.
Dans le journal Yated de la semaine, dans le cadre d'un entretien, Rav Daniel Lehrfeld, Roch Yéchiva de la Yéchiva Beth Israël à Jérusalem, qui enseigne à des élèves de Yéchiva depuis cinquante ans, a déclaré qu'aujourd'hui, il voit la Yéridat Hadorot (baisse de niveau des générations) chaque année environ. Une génération dure un an ou deux jusqu'au début de la génération suivante…
Un Limoud Zékhout positif
Pourquoi consigner cette réflexion apparemment déprimante la veille de Roch Hachana ? Roch Hachana n'est-il pas le moment d'envoyer un message positif et de recommencer tout à zéro ? Réponse : en réalité, c'est un message positif.
Nous devenons parfois abattus en constatant l'état du Klal Israël dans de nombreux domaines. Nous nous disons : « Que nous réserve l'avenir ? Si le Machia'h ne vient pas bientôt, il n'aura personne à qui se révéler. » La réponse est tout d'abord que l'on doit juger favorablement cette génération. Cette génération – en dépit de son affluence et de ce qu'on appelle une "vie facile" – affronte des épreuves, des embûches spirituelles, auxquelles peu de générations passées ont été confrontées. Ajoutons-y nos faibles capacités d'adaptation. Mais cette génération n'est pas intrinsèquement rebelle. Même ceux qui tombent le font souvent par désespoir et par incapacité à gérer leur situation, plutôt que pour se révolter contre Hachem.
Autre revers de la médaille : observez ces merveilleux élèves de Yéchiva et leurs jeunes familles qui en dépit des épreuves et de la Yéridat Hadorot d'une si grande intensité, servent toujours Hachem avec tant de dévouement. Ils étudient la Torah, prient, font des actes de bonté et fondent des foyers authentiquement juifs où le mari, la femme et les enfants sont profondément dédiés à l'Avodat Hachem.
De grâce, D.ieu, lorsque Tu jugeras des Juifs à Roch Hachana, regarde les Tlaot, les épreuves, les difficultés et les souffrances de ces Juifs lorsqu'ils tentent de Te servir. Regarde comment, en dépit de tout cela, un grand nombre d'entre eux font Ta volonté dans une génération où il faut un véritable sens du sacrifice pour surmonter ces épreuves si prégnantes. De grâce, Hachem, ne regarde pas les fautes de manière autonome, mais les épreuves qui ont conduit à ces fautes. Constate que même ces fautes sont les produits d'une faiblesse, où la moindre distraction ou insulte a la faculté de faire dévier une personne, dans cette génération si sensible. Il y a des circonstances atténuantes. Nous sommes nés dans une génération où notre faculté de concentration est versatile et où les sentiments sont capitaux.
Nous ne sommes pas solides. Nous ne sommes même pas faibles. Nous ne sommes tout simplement rien…
Oui, bien entendu, chacun est responsable de ses actions. Néanmoins, tout comme lorsque nous comparaissons devant un juge dans un tribunal terrestre, un bon avocat de la défense exposera diverses circonstances atténuantes pour inciter le juge à clore le dossier ou du moins, à minimiser largement la sanction, de la même façon nous implorons Hachem à Roch Hachana de prendre ces circonstances atténuantes en compte.
Conserver une vitalité juvénile
Il y a deux passages des Slihot que nous réciterons cette semaine et pendant les Dix Jours de Pénitence et que nous devons réciter avec une Kavana (intention) particulière, sachant qu'ils sont si pertinents dans notre génération. Dans Chéma Kolénou, nous implorons Hachem : « Al Tachlikhénou Miléfanékha, Véroua'h Kodchékha Al Tika'h Miménou : Hachem, ne nous rejette pas loin de Toi, et ne retire pas Ton esprit saint de nous." Dans cette génération, plus que dans toute autre, il y a tant d'obstacles qui peuvent nous éloigner de Hachem en éliminant le Rouah' Kodchékha, en nous exposant à toutes sortes de formes de Touma (impureté) qui nous coupent de ce Roua'h Kodchékha de Hachem, que l'on trouve intrinsèquement en chaque Juif. Nous devons investir des efforts particuliers en implorant Hachem de ne pas nous rejeter. Nous avons besoin d'une aide supplémentaire, Hachem, de grâce !
Dans un autre extrait du Chéma Kolénou, une ligne est encore plus pertinente à notre époque. Nous disons : « Al Téchlikhénou Léet Zékéna – Hachem, de grâce, ne nous rejette pas dans notre âge avancé, lorsque nos forces diminuent. De grâce, ne nous abandonne pas.»
Le vieil âge n'est pas nécessairement lié à un âge chronologique. J'ai vu des hommes et femmes de quatre-vingts ans vifs et pleins de résolution, autant que des jeunes gens, et malheureusement, surtout dans notre génération, j'ai vu des jeunes de quinze ans, voire plus jeunes, qui ressemblent à des personnes âgées. Ils n'ont ni force, ni éclat dans leur regard, ni la jambe alerte, aucune motivation pour rien, certainement pas pour servir Hachem. Ils sont pleins de désespoir. Lors de ces Jours Redoutables, implorons Hachem pour nous et nos enfants : « De grâce, Hachem, ne nous laisse pas le sentiment d'être "vieux" dans notre Avodat Hachem. Ne nous laisse pas baisser les bras en disant : "Laisse tomber. L'étude n'est pas pour moi. La prière n'est pas pour moi, rester à l'écart des Avérot n'est pas pour moi. Je suis trop vieux, je n'ai pas la force."»
Concentrons-nous tous sur la manière dont chaque petite épreuve que nous surmontons est si appréciée par Hachem. Il nous regarde de manière extrêmement favorable à chaque pas positif que nous entreprenons.
Si nous prenons la résolution de ne pas être « vieux », mais plutôt de tenter de préserver cet éclat de Roua'h Kodchékha, nous et tout le Klal Israël serons inscrits dans le Livre des Tsadikim.
Chana Tova !
Rabbi Avrohom Birnbaum pour Yated, traduit par Torah-Box