Une après-midi brûlante vers la fin des grandes vacances. Nous accomplissons scrupuleusement la « Mitsva » des vacances et passons quelques jours dans une chambre d’hôtel dans le nord du pays, dans le but de s’aérer, de se reposer, et de se détendre…

Après une excursion à Katsrin, j’arrive à faire entrer tout le monde dans la voiture. Je demande aux enfants d’attacher leurs ceintures, et je tourne la tête pour m’assurer que tout le monde l’a bien mise. J’entends en fond le bruit des « clics », et je commence à rouler. C’est parti.

Derrière, c’est l’agitation. Les enfants se disputent. Ils transpirent. L’un se saisit de la bouteille d’eau, tandis que l’autre « l’aide » à la renverser sur lui et sur son siège. Les casquettes que j’avais insisté qu’ils portent volent d’un bout à l’autre de la voiture.

Nous nous apprêtons à quitter la ville. Devant nous, un panneau « Stop. » J’arrête le véhicule, et je me tourne vers les enfants : « Toi, arrête de lui tirer les cheveux. Et toi, assieds-toi bien droit. Fais passer l’eau de ce côté. Oui. Tu as le droit de manger une pita. Désolé, il n’y a plus de chips. Donne à la petite une bouteille. Ouvre-lui, s’il te plaît. Merci beaucoup. Quoi ? C’est sûr que ça va se renverser. Quelle idée d’ouvrir la fermeture-éclair d’un sac lorsqu’il est à l’envers ! »

J’ai fini d’attendre au « Stop » et je tourne à gauche. Sans accorder la priorité à la voiture qui vient de la droite. La voiture derrière moi pile net à la dernière seconde, et moi, je ne m’en rends même pas compte. Le bruit et l’agitation me détournent totalement de ce qui se passe sur la route.

Au bout de cinq secondes, une voiture de police me fait signe de m’arrêter sur le bas-côté.

Les enfants se taisent soudain, sous le choc, et vérifient leurs ceintures de sécurité. « Maman ! Nous sommes attachés ! »

« Très bien. Alors voyons ce que le policier veut et on pourra reprendre la route. Bravo pour votre silence. Quelle chance d’avoir des policiers sur la route », je murmure, tout en commençant à chercher les papiers de la voiture.

Le policier sort de la voiture, met sa casquette et s’adresse à moi :

« Madame, avez-vous vu un panneau à la sortie de Katsrin ? »

« Oui, un panneau Stop. Je me suis arrêtée », répondis-je d’un ton ferme.

« Quel est le sens d’un panneau Stop, le savez-vous ? », poursuit-il.

« Il faut s’arrêter et donner la priorité », répondis-je.

« L’avez-vous donnée ? », insiste-t-il.

« Ouah, je n’en sais rien, en réalité ». Je frémis et commence à comprendre ce qui aurait pu se passer. « Je ne l’ai pas donnée ? Ouah. Je ne me souviens pas d’avoir regardé… Oh là là ! »

« Votre "oh là là" arrive trop tard, madame. Je suis obligé de vous retirer votre permis de conduire et de vous en donner un provisoire valable une heure seulement. Vous êtes invitée à me suivre au poste pour qu’un officier décide de votre sort. »

Inutile de préciser qu’un silence total régnait alors dans la voiture. Personne ne frappait son frère, tout le monde avait oublié sa soif, et les casquettes ne volaient plus.

En route vers le poste de police, je me posais la question : « Que se serait-il passé si… ». La pensée que toute ma famille se trouvait dans la voiture menaçait de me faire flancher ; moi qui étais fière d’être la conductrice la plus prudente/intelligente/mûre avais foncé dans le carrefour sans regarder de côté ! J’eus soudain des tremblements incontrôlés aux mains et aux pieds.

Au poste de police, où nous arrivâmes tous ensemble, on nous demanda de patienter. Devant tout le monde, je m’engageai à donner de l’argent à la Tsédaka - pourvu seulement que mon permis ne fût pas retiré ! Au fond de moi, je me promis de ne plus conduire jusqu’à ce que tout le monde soit calme à l’arrière. Je proclamais également : « Une telle chose ne se reproduira plus, promis ! » devant tous les policiers de Katsrin et les bénévoles de la garde citoyenne qui se trouvaient sur les lieux.

Pendant que tout s’organisait sur place, j’appelai mon frère, ma belle-sœur, mes parents, etc. et je leur demandai de réciter un chapitre de Téhilim et de s’engager à accomplir une bonne action pour faire pencher la balance en ma faveur, pour pouvoir finir les vacances normalement. « Faites juste ça. C’est facile pour vous et important pour moi, pour mon permis et nos vacances… », les implorais-je.

La Tsédaka que j’avais promise de donner en arrivant à la maison, les prières et les bonnes actions de tout le monde, les vrais regrets, le fait d’avoir totalement reconnu l’acte, mon passé sans faute dans les infractions routières et la présence des enfants au poste de police ont joué un rôle. Mon permis m’a été restitué, et mon jugement sera rendu par un juge le premier du mois, à la fin des vacances.

Nous avons remercié de tout cœur le policier et l’officier et nous leur avons demandé : « Quelle est la route pour nous rendre à la piscine ? » Les vacances se poursuivirent sans incident. A part un détail : le procès.

Le fait de savoir qu’il aurait lieu dans une semaine environ et qu’il me faudrait rendre des comptes sur mes actes m’ont conduit tout d’abord à respecter à 100 pour cent les règles de la circulation, bien qu’en certains endroits de la route, je pensais jusqu’alors que « ce n’était pas si grave si ici et là, on était moins regardant sur le code de la route. »

En dehors de cela, la première chose que je fis en arrivant à la maison : je donnai l’argent promis au poste de police à la Tsédaka. Je doublais la somme correspondant à ‘Haï - 18 shékels.

Les jours suivants, je fus plus conciliante sur la route. Je ne donnai pas de leçon aux conducteurs et ne m’énervai pas contre un chauffeur nerveux qui me coupait la route par le côté gauche. Je pris soin de respecter la distance avec la voiture devant moi, sans me contenter que les autres la respectent pour moi, et je ne parlais au téléphone qu’avec des oreillettes. Les jours de dérobade étaient finis.

Après m’être « repentie » sur la route, le grand jour arriva.

Les enfants prirent le chemin de l’école pour le premier jour de la rentrée, et je commençai à appeler le tribunal, pour savoir ce qu’il advenait de mon sort.

Après avoir reçu plusieurs réponses du style : « Le dossier n’est pas encore mis à jour », « Essayez de rappeler plus tard », « Téléphonez demain », « Je n’ai aucune idée si vous avez le droit de conduire maintenant », et d’autres réponses de ce style, je réussis à localiser le nom du juge qui avait jugé mon dossier et j’appris que la décision n’avait pas encore été prise.

Cinq jours après le 1er septembre, il n’y avait toujours aucune décision sur ce dossier. Chabbath, je récitai la bénédiction sur le nouveau mois et je réalisai que trente jours plus tard, c’était Roch Hachana. Le jour du Jugement. Et peu de temps après : Yom Kippour.

Le repentir, la prière et la Tsédaka, étaient-ils des grands mots de l’époque où j’allais à l’école ?!

Sans y réfléchir à deux fois, j’avais fait Téchouva, je m’étais repentie, j’avais regretté mon acte, et pris une résolution pour l’avenir, jusqu’aux prochaines grandes vacances : je ne tournerai plus à gauche au carrefour sans accorder la priorité à la voiture venant de droite.

J’avais prié et j’ai remué ciel et terre pour que tout le monde se mobilise en ma faveur afin que mon permis ne soit pas retiré, même pour un jour, sachant que j’en ai besoin chaque jour.

Et la Tsédaka ? J’avais donné plusieurs fois la Tsédaka. Même les gens debout au carrefour qui attendent de l’argent, avaient reçu de l’argent de ma part, alors que, généralement, je bloque les portes. J’avais agi pour me donner bonne conscience et espérer qu’en étant sympathique avec un étranger, alors le juge, qui est lui aussi un être de chair et de sang, serait peut-être clément avec moi.

Aujourd’hui, pour la première fois dans ma vie, après presque 30 Roch Hachana et Yom Kippour vécus, je saisis que passer en jugement, ce n’est pas simplement un cliché. Pour comparaître en justice, il faut se préparer soigneusement. On envoie des lettres. On fait appel à des avocats. On s’entretient avec des experts capables de résoudre notre problème. On prend conseil. On regrette. On se conduit autrement.

C’est la première fois que je me dis avec la plus grande franchise : « Sarit ! Tu as un jugement extrêmement important dans 30 jours. Le jugement de ta vie ! Prépare-toi. Ne viens pas sans défenseur. Sans préparation. Fais jouer toutes tes connaissances, et n’attends pas le dernier moment. Car alors, cela risque d’être un peu tard. »

Je regrette la manière dont j’ai été contrainte d’apprendre la leçon.

Je ne regrette pas du tout cette leçon si importante qui m’a été donnée gratuitement, et de manière aussi concrète.

« Le repentir, la prière, et la Tsédaka annulent le mauvais jugement » : ce ne sont pas des mots vides de sens. C’est bien réel.

Pensez-y.